Vieillissement démographique : le grand absent du débat public, par Nicolas Bouzou

Vieillissement démographique : le grand absent du débat public, par Nicolas Bouzou

Avec notre habitude de parler abondamment de sujets sans importance, nous en oublions les vrais enjeux. De nos investissements à réaliser en matière de défense et d’intelligence artificielle en passant par l’état lamentable de nos universités, tant de choses n’ont pas été dites pendant cette piteuse campagne des législatives. Un sujet, absolument structurant pour nos sociétés, ne fait l’objet d’aucune réflexion politique sérieuse : celui du vieillissement de la population – les Anglo-Saxons parlent d’aging, ou avancée en âge, ce qui évite la connotation péjorative liée au substantif “vieux”.

En 1950, l’âge médian en France était de 34,5 ans. Il est aujourd’hui de 42 ans, avec une dispersion bien plus grande puisque l’espérance de vie à la naissance est passée entre ces deux dates de 65 à 82 ans. Désormais, plus de 14 millions de nos concitoyens sont âgés de plus de 65 ans. Autre statistique cruciale quand on réfléchit à l’avenir de notre pays : d’ici à 2030, la tranche d’âge des 75-84 ans – 6 millions de personnes aujourd’hui – est celle dont les effectifs devraient croître le plus, de 50 % environ. Cette évolution démographique certaine porte en elle un triple défi : financier, économique et politique.

Pression sur nos systèmes sociaux

Le défi financier est évident sur le papier mais les partis politiques ont visiblement du mal à l’intégrer : un système de retraite par répartition est structurellement insolvable quand le ratio du nombre d’actifs sur le nombre d’inactifs se dégrade, qui plus est quand la productivité de l’économie recule, ce qui est le cas en France. Le Conseil d’orientation des retraites a encore rappelé il y a quelques semaines que la réforme de 2023 n’équilibrait pas le système car l’accès aux dispositifs “carrières longues” n’était pas assez strict. Que des partis politiques aient pu faire croire aux Français que l’on pouvait, dans ces conditions, revenir à un âge légal de 62 ans, voire de 60 ans pour certaines personnes qui ont commencé à travailler tôt, montre à quel point le philosophe Clément Rosset visait juste quand il écrivait que les humains aiment “se débarrasser de la réalité”.

Le sujet des fonds de pension, dont personne ne parle en France à la notable exception de David Lisnard, rejoint sur le tard par Edouard Philippe, devrait également être mis sur la table. Toutes les études disponibles montrent que les dépenses de santé augmentent avec l’âge. La pression que le vieillissement de la population fait peser sur nos systèmes sociaux alors même que les Français demandent à leurs gouvernements de lutter contre l’immigration nous oblige sans équivoque à travailler mieux et plus longtemps.

S’adresser aux jeunes par d’autres canaux

Défi financier, donc, mais aussi économique. Comment, dans une entreprise, faire cohabiter des seniors avec des jeunes qui utilisent ChatGPT quasiment comme ils respirent ? Le sujet de la coexistence des générations, dans un contexte d’accélération des technologies et d’augmentation de l’âge moyen de départ en retraite, exigerait une réflexion managériale qui aille au-delà de l’organisation de parties de pétanque à l’issue d’un séminaire d’entreprise. Pour les métiers manuels, la question de la santé au travail, et donc de la prévention, devrait devenir une obsession des partenaires sociaux. Ici aussi, nous sommes dans un désert intellectuel.

Défi démocratique, enfin. On sait que les jeunes votent massivement pour les extrêmes du spectre politique, à savoir pour le RN et LFI. Il faut monter dans la pyramide des âges pour que le vote centriste devienne plus significatif. Cette radicalisation de la jeunesse est notamment due aux modes d’information par classes d’âge. L’âge médian des téléspectateurs quotidiens en France est de 55 ans et celui des auditeurs de radio de 54 ans. Celui des lecteurs de la presse écrite est d’environ 50 ans.

S’adresser à la jeunesse aujourd’hui, notamment pour lui parler de politique, c’est aller la chercher sur les réseaux sociaux – ce que le RN et LFI ont parfaitement compris – ou à la sortie des lycées – les partis de la gauche extrême sont des orfèvres en la matière. Il y a urgence à développer des contenus journalistiques, intellectuels et politiques à destination des plus jeunes. Certes, ils sont de moins en moins nombreux. Mais ils seront les sociétaires de la France de demain.