“C’est impossible de tout faire” : comment éviter la surchauffe quand on manage une équipe

“C’est impossible de tout faire” : comment éviter la surchauffe quand on manage une équipe

Chef de gare, homme-orchestre ou coordinateur, tous les métiers qui comportent plusieurs fonctions ont été déjà associées à celle de manager que l’on imagine mal seul, dans un bureau, à travailler sur un dossier sans être dérangé par des demandes légitimes (celles de son équipe) ou impossibles à refuser (celles de sa hiérarchie ou d’un client). Or, il se trouve qu’un bon chef d’équipe doit veiller au bon fonctionnement du collectif et au rendu des tâches pour respecter les objectifs qui lui sont assignés. Là encore, avoir des impondérables, des annulations et des surcharges de travail de dernière seconde font partie du métier, tout comme être “force de propositions” qui figure dans les qualités requises lors du recrutement d’un manager, à côté de “forte capacité de travail” et de “capable de résister à la pression”. Ces exigences déjà fortes, sont aujourd’hui associées à une requête qui monte en puissance : celle de l’adaptabilité, ce qui passe notamment par avoir une excellente capacité d’écoute.

Mais le chef est-il armé pour réaliser l’écoute active 24/7 dans toutes les situations tout en encadrant ? “On demande beaucoup au manager. On lui demande de prendre sur lui. C’est impossible de tout faire et cela créé de la frustration”, répond Ludovic Girodon, consultant, conférencier et auteur de Dream Team. Les meilleurs secrets des managers pour recruter et fidéliser votre équipe idéale (Marabout 2024).

Coincé entre la direction et les salariés dont il doit susciter le meilleur pour réaliser un travail optimum, le manager est une pièce indispensable au fonctionnement de l’entreprise mais que l’on surcharge à coups de soft skills ou de théories qui prônent cette fameuse adaptabilité et d’enquêtes qui font peur : “aujourd’hui le désengagement au travail est très élevé (53 %) et un Français sur deux ne se considère pas en bonne santé mentale” (Ipsos/Qualisocial, janvier 2024). C’est à lui de réenchanter le travail ! Cela ne s’arrête pas là : record de l’absentéisme pour cause de maladie battu avec 50 % de salariés arrêtés au moins une fois en 2022 et seulement 48 % des salariés qui estiment avoir à la fois un bon état de santé mentale et physique (en chute de 6 points par rapport à l’année précédente).

Quelle est la responsabilité des managers ? Le verdict tombe : “pour les arrêts longs, ce sont les troubles psychologiques qui arrivent en tête : 32 % en 2022 contre 14 % en 2020. Selon les salariés, ces arrêts sont avant tout liés au travail, que ce soit l’environnement de travail ou les pratiques managériales” (Baromètre Absentéisme 2023, Ifop/Malakoff Humanis, 20 juin 2023). Des managers désormais amenés à se remettre en cause, puisqu’on leur enjoint d’évoluer et de faire mieux avec leurs troupes tout en les obligeant à respecter leurs objectifs, productivité oblige. “C’est un jeu de dupes”, analyse Ludovic Girodon. “Le manager n’est pas un superman et ces injonctions contradictoires l’amènent aussi à se poser des questions sur sa vocation”. A bout de souffle, 53 % des managers se sont vus prescrire un arrêt de travail, en augmentation de 13 % par rapport à 2022 – la plus forte progression constatée selon la même étude. Fatigue. C’est la fatigue/Qui me vertige/Et je tombe, chantait Barbara.

Responsabiliser les collaborateurs

Ce funambule qui doit passer son temps à trouver des équilibres, “est un coupable facilement trouvé”, poursuit l’expert. En mode “je prends sur moi” (55 % des managers estiment qu’il y a un fort empiètement de leur vie pro sur leur vie perso selon Ifop/Malakoff-Humanis), “débrouille/système D”, “coach” ou “dirigiste”, c’est au manager de porter des organisations en perpétuelle évolution, avec des équipes hybrides (ce qui rompt l’unité) et qui doivent coûte que coûte tourner. Les dirigeants doivent être sensibilisés à cette situation qui entraîne forcément des dommages humains.

Pour Ludovic Girodon, “il est temps de responsabiliser les collaborateurs”. Selon lui, il est nécessaire de décharger le manager de tâches périphériques qui l’entravent et d’impliquer davantage les salariés, dès leur embauche. La fiche de poste d’un salarié requiert des compétences : le métier est la base de sa relation avec le manager. Mais il faut ensuite, lors de la phase d’intégration, être clair sur la responsabilité qu’il a aussi vis-à-vis de sa hiérarchie. Ne pas tout attendre d’elle, savoir prendre sur soi. La participation active des salariés et leur responsabilisation est la seule réponse pour que le manager ait du temps et gagne en efficacité en vue de s’adapter aux contraintes. Et pour que les salariés trouvent du sens à leur travail et au collectif.