De Poutine à Netanyahou : Karim Khan, le procureur de la CPI qui scandalise Israël

De Poutine à Netanyahou : Karim Khan, le procureur de la CPI qui scandalise Israël

“Le droit n’est pas là pour faire joli. On ne peut pas l’ignorer”. En décembre dernier, cette déclaration du procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, en visite en Palestine donnait déjà le ton…

Ce juriste britannique, réputé inflexible, est au centre des attentions au Proche-Orient, après avoir réclamé, lundi 20 mai, des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien, son ministre de la Défense et trois dirigeants du Hamas. Les motifs sont lourds : des crimes tels que “le fait d’affamer délibérément des civils”, “homicide intentionnel” et “extermination et/ou meurtre” en lien avec l’opération israélienne à Gaza… Une décision qui a provoqué le “dégoût” du principal intéressé, Benyamin Netanyahou, pour cette comparaison du procureur de La Haye entre Israël”, pays “démocratique” et “les meurtriers de masse” du mouvement islamiste.

30 ans d’expérience dans le droit pénal international et les droits humains

Âgé de 54 ans, Karim Khan est diplômé du King’s College de Londres. Avocat depuis 1992, il a plus de 30 années d’expérience professionnelle dans le domaine du droit pénal international et de la défense des droits humains. Durant sa carrière, ce spécialiste des droits humains a notamment travaillé sur les crimes commis par l’Etat islamique en Irak.

“Sa vaste expérience comprend les fonctions de procureur, d’avocat des victimes et d’avocat de la défense devant des tribunaux pénaux nationaux et internationaux, dont la Cour pénale internationale, le Tribunal pénal international pour le Rwanda, le Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie, les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, le Tribunal spécial pour le Liban et le Tribunal spécial pour la Sierra Leone”, précise la CPI sur son site.

Avocat reconnu, Karim Khan “s’assure d’avoir une connaissance très approfondie non seulement des éléments factuels d’une affaire, mais aussi de tous les autres aspects lesquels, dans ce domaine, impliquent des considérations politiques, culturelles et sociétales”, relevait en 2021 la revue juridique spécialisée Legal 500.

Direction de l’enquête spéciale de l’ONU sur les crimes de l’EI en Irak

Rompu aux dossiers internationaux, Karim Khan a été élu en février 2021 et officiellement investi en juin de la même année, remportant 72 voix sur 122 face à trois autres candidats au second tour du scrutin.

Spécialiste des droits humains, Karim Khan était avant son élection sous-secrétaire général de l’ONU (organisation des Nations Unies), chargé de diriger l’enquête spéciale sur les crimes du groupe djihadiste Etat islamique commis en Irak entre 2018 et 2021. Le monde doit “démystifier” l’idéologie de l’EI, déclarait-il à l’AFP en juillet 2019, estimant que “l’Irak et l’Humanité ont besoin de leur Nuremberg”, en référence aux procès ayant jugé les anciens dirigeants du parti nazi en Allemagne au lendemain de la Seconde guerre mondiale.

Accusation et défense devant différents tribunaux internationaux

L’avocat a commencé son travail dans les juridictions internationales à partir de 1997. Il est d’abord conseiller juridique au sein du Bureau du procureur des tribunaux pénaux internationaux des Nations Unies pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Rwanda (TPIR).

Il a aussi bien travaillé pour l’accusation, que la défense ou les victimes dans de nombreux procès internationaux. Il est par exemple intervenu du côté des parties civiles au procès du tortionnaire du régime khmer rouge “Duch” au Cambodge, ou bien comme conseiller des victimes dans des dossiers en Albanie, au Kenya, en Sierra Leone… Il avait aussi déjà officié devant la CPI, cette fois du côté de la défense, pour le fils de l’ex-dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, Seif al-Islam, pour Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président de la République démocratique du Congo, acquitté des charges de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en 2018, ou pour des chefs rebelles du Darfour.

“Le fait qu’il ait défendu à la fois des accusés de premier plan et des victimes, qu’il ait représenté l’accusation, lui offre une place unique pour relever les défis qui l’attendent”, avait analysé pour l’AFP en 2021 Carsten Stahn, professeur de droit pénal international de l’université néerlandaise de Leiden, qui avait interviewé Karim Khan en 2015 devant des étudiants de l’université.

Dans un rapport évaluant les finalistes au moment de l’élection du procureur en novembre 2020, la commission de la Cour pénale international estimait que Karim Khan était “un communicateur charismatique et éloquent”, avec l’expérience de la gestion d’une grande équipe et démontrant une bonne maîtrise “du contexte mondial dans lequel la CPI opère, ainsi qu’une vision claire des changements nécessaires au sein du Bureau du Procureur.”

Dans ses faits d’armes plus récents, Karim Khan a notamment émis un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine, le président russe en mars 2023, “concernant la déportation illégale et le transfert d’enfants ukrainiens de zones occupées en Ukraine vers la Fédération de Russie”. En février 2024, il a également annoncé vouloir pouvoir poursuivre les crimes environnementaux, qui sont souvent la cause ou la conséquence de crimes de guerre ou contre l’humanité.