Des missiles occidentaux pour frapper la Russie ? Macron ouvre la porte

Des missiles occidentaux pour frapper la Russie ? Macron ouvre la porte

Faut-il utiliser sur le sol russe des armes occidentales fournies à l’Ukraine ? C’est la question qui obsède Washington et les capitales européennes. Côté français, le président Emmanuel Macron, en visite en Allemagne, est celui qui va le plus loin sur le sujet estimant que Kiev devrait avoir le droit de frapper en Russie avec des missiles occidentaux. “On doit leur permettre de neutraliser les sites militaires d’où sont tirés les missiles […] les sites militaires depuis lesquels l’Ukraine est agressée”, a-t-il lancé lors d’une conférence de presse à l’occasion d’un conseil des ministres franco-allemand au château de Meseberg, près de Berlin.

“Si on leur dit vous n’avez pas le droit d’atteindre le point d’où sont tirés les missiles, en fait on leur dit, on vous livre des armes mais vous ne pouvez pas vous défendre”, a pointé Emmanuel Macron. “Mais on ne doit pas permettre de toucher d’autres cibles en Russie et évidemment des capacités civiles”, a-t-il toutefois précisé. Les plus réticentes jusqu’ici – Rome et Berlin notamment – brandissent le risque d’escalade, d’extension du conflit, avec en filigrane le risque de l’utilisation de l’arme nucléaire par le président russe Vladimir Poutine.

“Nous ne voulons pas d’escalade”, a répété Emmanuel Macron. “Ce qui a changé c’est que la Russie a un peu adapté ses pratiques” et attaque l’Ukraine depuis des bases qui sont en Russie. Le chancelier allemand, Olaf Scholz, est lui resté plus évasif, sachant que l’Allemagne refuse de livrer des missiles de longue portée (plus de 500 km) à l’Ukraine, à la différence de Paris, Londres et Washington. Cependant, il s’est montré plus ouvert sur le sujet. “L’Ukraine a toutes les possibilités de le faire, en vertu du droit international”, a-t-il déclaré. “Il faut le dire clairement, elle est attaquée et peut se défendre”.

Washington réticent

L’Otan pousse les capitales occidentales à lever des restrictions qui “lient les mains dans le dos des Ukrainiens”, selon les termes de son secrétaire général, Jens Stoltenberg. Mardi, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a exhorté les Vingt-Sept de l’UE à trouver un équilibre entre crainte d’une escalade et nécessité pour les Ukrainiens de se défendre, jugeant que Kiev devait pouvoir frapper le sol russe avec des armes occidentales.

De leurs côtés, les Etats-Unis, premier soutien militaire de Kiev, ne veulent pas que l’Ukraine utilise des armes américaines pour frapper “sur le sol russe”, a précisé mardi un porte-parole de la Maison Blanche. “Notre position n’a pas changé à ce stade. Nous n’encourageons ni ne permettons l’utilisation d’armes fournies par les Etats-Unis pour frapper sur le sol russe”, a affirmé John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale.

Selon Vladimir Poutine, il s’agirait dans ce cas de figure d’une escalade car même si ce sont les militaires ukrainiens qui procéderaient aux frappes, elles seraient “préparées” par les Occidentaux qui leur fournissent les armes. Le président russe a menacé mardi de “graves conséquences” en cas d’usage d’armes occidentales contre son territoire.

Un sommet pour la paix en juin

“En Europe, en particulier dans les petits pays, ils doivent réfléchir à ce avec quoi ils jouent. Ils doivent se souvenir qu’ils sont bien souvent des Etats ayant un petit territoire et une population très dense”, a prévenu le chef du Kremlin au cours d’un point presse à Tachkent, en Ouzbékistan. “Ce facteur est une chose sérieuse qu’ils doivent avoir à l’esprit avant de parler de frapper en profondeur le territoire russe”, a-t-il poursuivi. “Cette escalade permanente peut avoir de graves conséquences”.

Pour sa part, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, de passage à Bruxelles, a exhorté son homologue américain Joe Biden à participer au sommet international sur l’Ukraine prévu en Suisse pour les 15 et 16 juin, sans présence russe. “Son absence, ce serait comme applaudir Poutine”, a-t-il jugé, Washington n’ayant pas confirmé la présence de Joe Biden à cette réunion à laquelle quelque 90 pays ont répondu présent. À l’occasion de cette courte visite à Bruxelles, calée entre un déplacement à Madrid lundi et un autre à Lisbonne dès mardi après-midi, Volodymyr Zelensky et le Premier ministre belge Alexander De Croo ont signé un accord de coopération comprenant la fourniture par la Belgique de 30 avions F-16 d’ici à 2028.

Volodymyr Zelensky s’est ensuite rendu au Portugal, où il a signé un accord bilatéral de coopération prévoyant une aide militaire pour l’année 2024 chiffrée à 126 millions d’euros. De Lisbonne, il a averti la communauté internationale qu’il était “très important pour les Ukrainiens que le monde ne se lasse pas” de cette guerre qui se poursuit depuis plus de deux ans aux portes de l’Union européenne.