Européennes, Rima Hassan, Jean-Luc Mélenchon… Les chemins de croix de Manon Aubry

Européennes, Rima Hassan, Jean-Luc Mélenchon… Les chemins de croix de Manon Aubry

Il paraît que pour exister, il faut choquer. Le bruit, la fureur, c’eût été payant. Manon Aubry n’a-t-elle plus que ça en main ? Mardi 13 mai, sur le plateau de LCI, elle s’y est donc essayée. « Il faut savoir raison garder. La Russie n’a pas marché sur Kiev », a-t-elle défendu. L’armée n’a pas marché « sur » Kiev, mais vers Kiev, et a bel et bien fait pleuvoir ses bombes « sur » la capitale ukrainienne depuis les premiers jours de la guerre. Cela s’appelle une faute. Une semaine auparavant, celle qui se présentait comme l’une des plus unionistes de la Nupes, parlant de Raphaël Glucksmann comme d’un camarade, accuse à tort ce dernier de s’en mettre « plein les poches » en affirmant qu’il fait partie de ces députés européens « payés par des lobbys, des entreprises ou des gouvernements en plus de leur indemnité d’élu ». « L’ami » d’hier devient même le soldat d’un retour du hollandisme.

Ça n’est jamais simple quand c’est facile. Prenez le premier parti de gauche (le sien justement), La France insoumise : 22 % à l’élection présidentielle, 75 députés, un trésor de guerre de plusieurs millions d’euros pour les futures campagnes, des concurrents socialistes, écologistes et communistes moins en forme et même trois candidats putatifs pour 2027 (François Ruffin, Clémentine Autain et Jean-Luc Mélenchon)… Un petit nid douillet, en apparence. Les européennes ne sont pas la présidentielle et Manon Aubry n’est pas Jean-Luc Mélenchon, mais entre 22 % et 7 % (Ipsos), il y a un gouffre. La marge d’erreur des instituts de sondages ne rend le trou qu’un tout petit peu moins béant. Une campagne comme un chemin de croix pour l’eurodéputée insoumise sortante, « cannibalisée » par Jean-Luc Mélenchon – l’expression est d’un député LFI –, qui a présenté cette élection comme « le premier tour de l’élection présidentielle ».

Gaza, le social ou les deux ?

Manon Aubry oubliée, Manon Aubry éclipsée. Le fondateur de LFI, qui a décidé de faire du conflit israélo-palestinien l’alpha et l’oméga de la campagne, n’a d’yeux que pour Rima Hassan, la juriste franco-palestinienne, numéro sept sur la liste. Le meeting organisé à Roubaix le 17 avril a laissé pantois plus d’un Insoumis, et Manon Aubry la première. Sur l’affiche d’annonce du rassemblement, on y voit Jean-Luc Mélenchon, Rima Hassan et David Guiraud, le député du coin. Le nom de la tête de liste n’y figure même pas. Exit aussi les sujets de prédilection de cette dernière, et notamment la vie chère. Au début de l’année, devant les parlementaires Insoumis, Aubry désignait « quatre cibles » électorales : les Ultramarins, la jeunesse étudiante, les quartiers populaires, et la gauche sociale et syndicale.

« On doit faire campagne sur le programme de la Nupes, dont nous sommes les héritiers, les seuls à faire des propositions pour faire perdurer l’espoir de l’union », confiait Manon Aubry, tout en fixant un « objectif de campagne » : « se battre contre le grand retour de l’austérité. » Mardi 13 mai, à Amiens avec François Ruffin, elle a enfin pu porter son discours social, parler des délocalisations, après avoir visité Metex, entreprise menacée de liquidation judiciaire. On y a vu Anthony Smith, inspecteur du travail célèbre pour avoir été sanctionné alors qu’il alertait sur le manque de matériel de protection pour les aides à domicile lors de la première vague du Covid en 2020, quatrième sur la liste mais qui n’a pas les mêmes faveurs de la stratégie médiatique insoumise qu’une Rima Hassan.

Stratégie de niche

La question socio-économique n’est guère à l’agenda d’Hassan, pas plus que ne l’est l’élection présidentielle de 2027. La nouvelle recrue insoumise, qui compte s’engager au sein de l’institut La Boétie, l’école de formation insoumise, pour y porter son combat pour la Palestine, regarde vers un autre horizon. Si elle est élue le 9 juin, elle espère intégrer la commission européenne des affaires étrangères, et plus particulièrement la sous-commission des Droits de l’Homme. La Nupes ? L’union de la gauche ? Rima Hassan hausse les épaules. S’allier avec les socialistes d’Olivier Faure, de Carole Delga et de Raphaël Glucksmann, qu’elle qualifie aisément de « gauche colonialiste » ? Très peu pour elle. Devant l’omniprésente Rima Hassan et la prééminence de la question palestinienne dans la campagne, beaucoup d’Insoumis, proches ou non de la direction, font la moue. Les plus expérimentés se souviennent du sort réservé aux fiefs communistes perdus, notamment à Saint-Denis, par un PCF qui n’avait de cesse de faire campagne sur ce sujet. Certains, François Ruffin en tête, aimeraient bien faire campagne sur la question sociale avec la même vigueur que LFI s’engage sur Gaza. Car une stratégie de niche ne produit que des scores de niche…

Qu’importe le risque d’une campagne ratée. Les affaires de Jean-Luc Mélenchon n’en sont pas vraiment menacées. Les européennes, celles-ci comme celles d’hier, ne l’ont jamais vraiment intéressé. Elles sont tout au plus un « moment politique » au service de l’élection présidentielle, celle de 2027. Les scores des uns et des autres à gauche ne serviront qu’à acter la rupture de la Nupes. La rivalité entre Rima Hassan et Manon Aubry ? Les doutes de cette dernière ? Ceux de certains Insoumis ? « Des pets-de-nonne », veut croire Jean-Luc Mélenchon comme il l’écrit dans l’un de ses derniers billets de blog où il se défend d’entraver la campagne, de provoquer tout « envahissement ».

Pour preuve, il n’a participé qu’à 4 réunions publiques sur 75 organisées et qu’à une émission de télévision. Il n’est donc pas si présent que ça, pardi ! S’il n’est pas là, ce n’est donc pas lui qui fera les 7 % à 9 % dans les urnes comme le prédisent les sondages. Et si ses ouailles sont incapables de faire « mieux », comme il l’appelait de ses vœux au soir du premier tour en 2022, c’est bien qu’il doit retourner dans le grand bain de la présidentielle. Implacable Mélenchon.

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