Eurovision : et les 12 points de l’hypocrisie sont attribués à… Ségolène Royal !

Eurovision : et les 12 points de l’hypocrisie sont attribués à… Ségolène Royal !

„Ce n’était pas un concours de talent musical, mais un concours de laideur, de vulgarité, de grossièreté, d’exhibitionnisme (… diffusé à des millions d’enfants et d’ado !!)… La culture, la musique et l’Europe doivent se respecter sinon personne ne les respectera plus.” Si vous pensiez les controverses sur l’édition 2024 de l’Eurovision enfin derrière nous, c’était sans compter sur ce tweet posté ce 13 mai par Ségolène Royal, qui a peu goûté la finale du concours européen de la chanson diffusée samedi dernier sur France 2. Allant jusqu’à appeler de ses vœux „une enquête sérieuse sur les méthodes ainsi qu’un bilan financier détaillé de cette exhibition minable mais manifestement coûteuse”. Rien que ça.

Disons-le tout de suite, plus personne ou presque n’a envie de sortir sa plume pour rebondir sur une énième polémique lancée par l’ex-socialiste reconvertie ces dernières années dans le „mélenchono-hanounisme”. Et fort heureusement, chacun est libre de critiquer l’Eurovision, ses candidats, ses costumes, ses chorégraphies. D’aucuns auront toutefois vu dans cette diatribe une légère hypocrisie venant de celle qui chronique depuis septembre dernier sur TPMP, émission mise à l’amende ces dernières années pour avoir notamment : insulté un député, injurié l’une des filles de Johnny Hallyday, ou laissé véhiculer des propos complotistes sur une prétendue drogue prélevée sur des enfants.

Outre le fait que critiquer de nos jours l’Eurovision pour sa supposée vulgarité n’a rien de bien original, voilà que l’ex-candidate à la présidentielle reprend le refrain… du Kremlin ! Lequel voit depuis longtemps dans ce concours un signe de plus de la décadence de l’Europe. Déjà lors de la victoire de Conchita Wurst il y a dix ans, les commentateurs russes annonçaient „la fin de l’Europe” et un „rejet de ses valeurs chrétiennes”. Oubliant au passage que les Russes placèrent le candidat autrichien à la troisième place lors du télévote. Un rapprochement idéologique avec la Russie ? Quoi de plus logique pour celle qui, en 2022, mettait en doute la véracité des crimes commis par l’armée de Poutine en Ukraine. Aussi, Ségolène Royal n’a-t-elle pas dû regarder les excellentes audiences françaises du concours cette année (leader avec 5.4 millions de personnes, soit 2 millions de plus que l’an passé).

L’Eurovision, rare occasion dans l’année, pour ne pas dire la seule, de réunir autant d’Européens autour d’un moment de fête. Les audiences de cette édition parlent pour elles : 68,6 % de parts de marché en Grèce, 56,3 % au Royaume-Uni, 49,6 % en Autriche ou encore 36,8 % en France et en Allemagne.

L’Eurovision, rare moment où les Européens font directement entendre leur musique, n’hésitant pas à contrecarrer les discours bien-pensants comme cette année encore, où malgré les appels au boycott et le parti pris des jurys nationaux, la candidate israélienne Eden Golan est arrivée deuxième dans le choix des votants. Rare moment enfin où le reste du monde a les yeux pleins d’étoiles rivés sur l’Europe (la cérémonie est suivie par quelque 200 millions de téléspectateurs chaque année à travers le monde).

Reconnaissons au moins à Ségolène Royal une forme de constance en matière d’émissions de télévision à ranger du côté des bons ou des mauvais programmes pour enfants. 5 décembre 1988. Peu connue du grand public, celle qui n’est alors qu’une jeune députée des Deux-Sèvres est l’invitée d’Antenne 2. Face au journaliste William Leymergie, la socialiste explique les raisons qui l’ont poussée à déposer un amendement pour la protection des enfants face la violence dans les programmes de télévision.

Dans son viseur, les dessins animés adaptés des mangas japonais, qu’elle qualifie d’”exécrables”, ainsi que TF1 et son émission phare Le Club Dorothée, qui diffuse notamment Ken le survivant, un programme inadapté, il est vrai, pour de jeunes enfants (à la suite de courriers d’une dizaine de parents, la production finira par supprimer les scènes les plus violentes). „Je n’ai pas une tête de mère la pudeur, je suis forcément hostile à la censure ou à l’idée de rétablir un ordre moral, mais trop, c’est trop”, justifie-t-elle alors. Au travers de son amendement, l’auteure du livre Le Ras-le-bol des bébés zappeurs entend favoriser chez les plus jeunes une „recherche de qualité qui profitera d’abord aux plus défavorisés”, lesquels „n’ont pas d’autre loisir dans la vie” que de regarder la télévision. Trente-six ans plus tard, voilà la France devenue le deuxième pays du manga derrière le Japon avec 40 millions d’exemplaires vendus l’an passé.

Ségolène Royal plus „réac” que… Pascal Praud

Et l’historien Jean-Marie Bouissou de remettre l’église au milieu du village dans son livre Manga – Histoire et univers de la bande dessinée japonaise sorti en 2010 : „Réputé vulgaire, violent et laid, le manga a longtemps été mal vu en Occident. Il a horrifié les amoureux du Japon “traditionnel”[…] Mais ce Japon tout pétri d’élégance et de rigueur a toujours coexisté avec un autre, moins connu chez nous. Un Japon populaire et frondeur qui ne se souciait ni de bon goût, ni de morale. Un Japon qui adorait la grosse farce et les torrents de larmes, les fantômes sanglants, le sexe, le plaisir et le drame sous toutes leurs formes.”

Tout aussi hypocrites, les accusations d’exhibitionnisme à l’encontre d’une production musicale qui n’a d’autre prétention que celle de divertir. Ségolène Royal, fer de lance d’une peopolisation de la vie politique française qui, déjà il y a trente-deux ans, mettait en scène sa vie privée en ouvrant sa chambre de maternité aux caméras de télévision. Et qui n’hésita pas en 2008 à évoquer sa rupture avec François Hollande sur le canapé rouge de Michel Drucker. Elle, la one-woman-show du Zénith qui, la même année, nous assommait à coup de „fra-ter-ni-té !”.

„Il faut espérer que pas un euro d’argent public ou européen ne soit allé à cette farce lugubre”, s’est morfondue Ségolène Royal, qui semble ignorer que la France fait partie des cinq plus gros contributeurs au financement de l’Union européenne de radio-télévision qui organise et retransmet le concours. Ce 13 mai, une fois son tweet rageux posté sur X, peut-être Ségolène Royal aura-t-elle allumé sa télévision et entendu cette prise de parole de Pascal Praud prenant la défense de Nemo, le candidat suisse non-binaire vainqueur de l’Eurovision : „A choisir, je préfère une société qui permette de vivre sa vie d’être humain en liberté, fut-elle perçue comme une extravagance, à un régime qui esclavagise les femmes ou qui jette dans le vide les hommes homosexuels au sommet d’un immeuble. La démocratie est le pire des régimes, à l’exception de tous.”

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