Guerre à Gaza : l’alerte de la CPI, un signal face à la colère qui consume Israël

Guerre à Gaza : l’alerte de la CPI, un signal face à la colère qui consume Israël

A Jérusalem, l’image reste gravée dans les mémoires. Ce 18 octobre 2023, Israël prend à peine conscience du traumatisme que vient de lui infliger le Hamas onze jours plus tôt, en massacrant près de 1200 personnes. C’est un pays sous le choc qui voit débarquer ce président un peu chancelant, octogénaire, à la tête de la première puissance mondiale, sur le tarmac de l’aéroport Ben Gourion. Joe Biden vient en ami, lui qui est tombé amoureux d’Israël en rencontrant Golda Meir il y a cinquante ans. Ses premiers mots ? “Ne faites pas les mêmes erreurs que nous après le 11-Septembre, ne vous laissez pas consumer par la colère.”

Sept mois plus tard, ce sont précisément ces erreurs que vient sanctionner le procureur général de la Cour pénale internationale, Karim Khan, en demandant un mandat d’arrêt contre Benyamin Netanyahou et son ministre de la Défense, Yoav Gallant. Le magistrat ne vise pas la guerre en tant que telle, mais les méthodes employées par Israël dans la bande de Gaza. Son axe d’accusation principal : l’orchestration d’une famine à grande échelle.

Des conséquences dès maintenant sur Netanyahou

“Il s’agit d’un développement extrêmement important, souligne Anthony Dworkin, spécialiste de droit international au European Council on Foreign Relations. Si ces mandats d’arrêt internationaux sont émis, comme il est probable que ce soit le cas dans les mois qui viennent, les États membres de la CPI (dont tous les pays de l’Union européenne et le Royaume-Uni) auront l’obligation d’arrêter les individus ciblés se trouvant sur leur territoire. Comme on ne sait pas à quel moment ces mandats seront émis, cette incertitude peut limiter les capacités de Netanyahou et de Gallant à voyager avant même que les juges ne prennent leur décision.”

Sur la défensive, Israël a réagi vivement au réquisitoire du procureur général de la CPI, estimant être mis sur un pied d’égalité avec le Hamas. Il n’y a pourtant pas de signe égal entre les deux camps, un Etat démocratique d’un côté, une organisation terroriste de l’autre. Karim Khan cible les chefs du groupe palestinien pour les atrocités commises le 7 octobre, sans retour en arrière possible. Pour Israël, le droit à se défendre est mis en avant et il existe plusieurs possibilités d’échapper aux mandats d’arrêt : que la justice israélienne s’empare sérieusement du dossier, que l’aide humanitaire arrive enfin, que la guerre s’arrête ou prenne une nouvelle forme, avec moins de bombardements urbains. “La perspective des mandats d’arrêt pourrait encourager la fin de la guerre à Gaza en montrant que les actes des deux camps ont des conséquences, pose Anthony Dworkin. Elle marginalise aussi Netanyahou et encourage l’élection d’un gouvernement [israélien] sur une ligne moins dure.”

En ami d’Israël, Joe Biden juge la requête de Karim Khan “scandaleuse”. Pendant des mois, pourtant, le président américain a imploré le gouvernement israélien de laisser entrer suffisamment d’aide humanitaire à Gaza, bien conscient des conséquences tragiques d’un tel blocage. Mais il n’est pas trop tard pour Israël : les mandats d’arrêt internationaux n’ont pas encore été émis et l’aide alimentaire parvient davantage aux civils palestiniens ces derniers jours. Il appartient maintenant aux Israéliens de montrer que l’esprit de vengeance ne les a pas consumés.