JO de Paris 2024 : comment le Club France s’est retrouvé dans le rouge

JO de Paris 2024 : comment le Club France s’est retrouvé dans le rouge

Une foule de supporters en liesse, drapeaux tricolores à la main, qui ne veulent pas rater une miette du spectacle. Au plafond, des dizaines de projecteurs à faisceaux bleu blanc rouge. Au centre, un immense tapis rouge, sur lequel défilent les premiers médaillés français des Jeux olympiques de Paris 2024 en judo, en natation ou encore en cyclisme. Voilà pour le tableau idéal. Le 27 juillet prochain, le Club France, lieu de rassemblement pour les supporters et les athlètes de l’équipe de France, ouvrira ses portes au sein de la Grande Halle de la Villette, dans le 19e arrondissement de la capitale.

Une tradition depuis 1988 et les JO de Séoul. Pour la version 2024, à domicile, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et le Comité paralympique et sportif français (CPSF) ont vu grand. Sur 40 000 mètres carrés, dont 15 000 en intérieur, auront lieu chaque jour, en période olympique, des animations sportives, des performances artistiques et des retransmissions des épreuves sur écran géant. Pendant les paralympiques, seul le bâtiment aux grandes structures métalliques restera ouvert. Pas moins de 700 000 personnes sont attendues sur place durant l’été.

Les organisateurs confiants

Cette fête géante a comme objectif premier de promouvoir le sport français. Mais à quel prix ? Le 18 mars dernier, au lendemain de la publication d’un article du Parisien, le président du CNOSF, David Lappartient, reconnaissait : “L’équilibre financier que nous avions prévu n’est pas encore atteint”. En clair, un déficit – et non des moindres – est à redouter. Aujourd’hui, les deux comités assurent que la trajectoire est pour le moment “maîtrisée”. “C’est un travail quotidien qui n’est pas évident. Je ne suis certainement pas en train de crier victoire, mais nous sommes sur de bonnes avancées”, promet à L’Express Arnaud Courtier, directeur exécutif du Club France. Reste que lors de son assemblée générale du 30 mai, le CNOSF a présenté un budget en déficit de 1,3 million d’euros.

La facture pourrait se révéler beaucoup plus salée. “C’est un projet pharaonique qui a été décidé bien trop tardivement, il pourrait occasionner de 6 à 10 millions d’euros de déficit”, prévient le président d’une fédération sportive très au fait du dossier. A titre de comparaison, à Londres en 2012 et à Rio en 2016, le Club France avait affiché des déficits respectifs de 3,5 et 4,4 millions d’euros. A l’époque, les deux comités avaient mis les bouchées doubles “pour séduire les membres du CIO et convaincre le gouvernement français ainsi que la ville de Paris qu’une candidature en 2024 était possible”, raconte Denis Masseglia, président du CNOSF de 2009 à 2021. Au niveau des finances, tout avait été anticipé. “Pour pouvoir assumer les dépenses sans danger, il faut provisionner un million d’euros par an à chaque assemblée générale”, indique l’ancien champion d’aviron. Or, les réserves du CNOSF sont déjà à sec. “Aujourd’hui le budget du Club France a déjà consommé les quelque 5 millions d’euros de réserve. Cela me désole”, regrette un ancien cadre de l’association.

Les entreprises ne sont pas au rendez-vous

Pour espérer parvenir à l’équilibre, les dirigeants du Club France comptent d’abord sur les spectateurs, avec un ticket à 5 euros pour les JO (l’entrée sera gratuite pour les paralympiques). De ce côté, pas de problème : “Le public va répondre en masse, cela va être un très gros succès populaire”, assure un bon connaisseur du Club France. Ensuite, plusieurs ajustements ont déjà été effectués depuis les déclarations de David Lappartient. “Nous avons réduit le budget d’environ 1,5 million d’euros, ce qui nous amène à 21 millions d’euros de charges olympique et paralympique. L’expérience restera équivalente. Nous avons par exemple installé moins de décoration”, explique Elie Patrigeon, directeur du CPSF, sans plus de détails.

Le point de vigilance porte plutôt sur les “hospitalités” [NDLR : espaces privés pour accueillir des clients] vendues aux entreprises. Ces dernières ne se bousculent pas au portillon. “La difficulté réside dans le fait que le Club France n’a jamais existé sur son propre territoire. Il y a un vrai travail d’éducation pour faire comprendre aux gens ce qu’est le produit et pourquoi c’est bien d’y venir”, souligne Arnaud Courtier. Il reste des tickets à prendre. “C’est toujours la même chose avec ce genre d’événements. Plus on se rapproche du début, plus les interrupteurs vont s’allumer et plus les entreprises vont se manifester”, veut croire un cadre de l’organisation. Du côté du gouvernement, on assure “surveiller le sujet de près de près, au vu des conséquences financières potentielles pour le CNOSF”, assure une source gouvernementale.

Du côté des fédérations, on renâcle aussi. Si la plupart animeront des activités en journée pour faire découvrir leurs sports, une bonne partie rechigne à acheter des hospitalités, dont le prix est jugé trop élevé. “L’offre a été imaginée pour les entreprises. La taille de ma fédération ne me permet pas d’en prendre”, avoue le patron de l’une d’entre elles. Certaines ont préféré établir leur campement ailleurs et pas seulement à cause de la facture. Au sein du Club France, seuls les sponsors officiels peuvent s’afficher, un manque à gagner important pour les fédérations qui souhaiteraient activer d’autres marques. “On a beau être une grande famille, chacun a ses contraintes”, admet Arnaud Courtier. Philippe Bana, lui, s’est retrouvé pieds et mains liés : “La seule chose que nous avons pu faire est de réaliser une animation de trois jours. Nous sommes déjà engagés à la porte de Versailles, à Lille et sur la maison du handball à Créteil, la plus grande fan zone. Nous ne pouvons pas nous engager davantage, nous avons fait ce que pouvions”, reconnaît le président de la fédération française de handball.

A cela s’ajoutent des contraintes sécuritaires, déjà élevées, et qui pourraient encore s’alourdir. Pour fermer complètement l’espace extérieur du site, les organisateurs ont dû se démener afin de trouver des barrières. “A l’approche des JO, tous les autres lieux étaient dessus, les prix ont fortement augmenté”, rapporte Elie Patrigeon. Les deux comités comptent désormais sur la dynamique enclenchée par la flamme olympique pour convaincre les derniers récalcitrants de se joindre à la fête. “Forcément sur un projet comme celui-ci, qui dépend en grande partie des hospitalités et des entrées du public, c’est toujours un peu angoissant”, concède Michel Callot, président de la fédération de cyclisme et trésorier du CNOSF. La victoire se jouera sur les derniers mètres.