La Finlande et la Lituanie accusent la Russie de mener “une guerre hybride” dans la Baltique

La Finlande et la Lituanie accusent la Russie de mener “une guerre hybride” dans la Baltique

“Un nouvel acte de guerre hybride” : c’est ainsi que la Finlande et la Lituanie ont qualifié le projet de la Russie de modifier unilatéralement ses frontières maritimes dans la mer Baltique, au sujet duquel elles ont demandé des explications. Selon le projet de décret entrepris par le ministère russe de la Défense et dévoilé mardi 21 mai, Moscou souhaiterait étendre ses eaux territoriales en mer Baltique, avec pour conséquence le basculement d’aires finlandaises et lituaniennes sous contrôle russe.

Selon le document produit par le ministère de la Défense, les frontières de la Russie dans la région occidentale de Kaliningrad (en rouge sur la carte ci-dessous, illustrée par le think tank américain Institute for the Study of War) et dans la partie orientale du golfe de Finlande, seraient modifiées.

NEW: The Russian Ministry of Defense (MoD) proposed on May 21 that the Russian government reassess Russia’s maritime borders in the Baltic Sea so that these borders “correspond to the modern geographical situation.” 🧵(1/4) pic.twitter.com/MeZYqfHMK4

— Institute for the Study of War (@TheStudyofWar) May 23, 2024

Peu de temps après sa publication mardi, le projet de décret a été retiré du site du gouvernement, qui s’est empressé de démentir toute tentative “de réviser ses frontières”, a déclaré une source militaro diplomatique à l’agence de presse russe Tass, dès le lendemain.

Pas d’intention “de réviser nos frontières”

“Il n’y avait pas et nous n’avons aucune intention de réviser le périmètre des eaux territoriales” et “de la zone économique” au large “des frontières de la Fédération de Russie dans la Baltique”, a ajouté cette même source. Le ministère russe de la Défense a par ailleurs indiqué que cette modification, qui devrait entrer en vigueur en janvier 2025, était nécessaire car les coordonnées géographiques établies à la fin du XXe siècle “ne correspondent pas pleinement à la situation géographique actuelle”.

“Simple” provocation ou véritable velléité politique ? Dans les deux cas, la rumeur a pour effet d’augmenter la tension sur ses voisins. “S’il était approuvé, ce projet créerait une sorte de zone grise […] imaginez qu’un navire commercial entre dans la zone maritime réclamée par la Russie et qu’il soit intercepté par l’armée russe, l’accusant de violer ses frontières ?”, a réagi Ryhor Nizhnikau, chercheur à l’Institut finlandais des affaires internationales, auprès du Moscow Times. “Cela crée une pression supplémentaire sur les gouvernements des pays voisins, leurs armées, ainsi que les entités qui y commercent”.

Pour la journaliste Ewa Stenberg, du quotidien suédois Dagens Nyheter, cité par Courrier International, la Russie “envoie un avertissement aux pays de la Baltique membres de l’Otan”, en réponse à la récente adhésion de la Finlande et la Suède à l’alliance atlantique. Elle souhaite montrer “qu’elle ne renonce pas à ses ambitions de se rendre maître de la mer Baltique”, suggère Ewa Stenberg, qui rappelle que, fin avril, les pays Baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie) avaient accusé Moscou de semer la confusion en brouillant les signaux GPS au-dessus de la Baltique.

Par ailleurs, l’Estonie a accusé, jeudi 24 mai, la Russie d’avoir provoqué “un incident frontalier”, en retirant des bouées servant habituellement de frontières physiques sur la rivière Narva, qui sépare les deux pays. Selon les garde-côtes estoniens, ces dernières ont été retirées dans la nuit de mercredi à jeudi par leurs homologues russes.

“Cette année, la Russie a déclaré contester l’emplacement d’environ la moitié des bouées prévues”, affirment les garde-côtes estoniens dans un communiqué. “A 3 heures du matin, nous avons vu les garde-côtes russes déplacer des bouées”, ajoutent-ils. La Première ministre estonienne Kaja Kallas a quant à elle évoqué un “incident frontalier” dont “les circonstances précises” sont encore à clarifier.

“Guerre hybride”

La Finlande, qui dit “ne pas avoir d’information officielle sur ce que la Russie envisage” a réagi cette semaine, accusant Moscou de mener “une guerre hybride”, visant à déstabiliser ses voisins. “Il ne faut pas oublier que semer la confusion, c’est aussi avoir une influence hybride. La Finlande ne se laissera pas désorienter”, a déclaré la ministre finlandaise des Affaires étrangères, Elina Valtonen. “La Russie est membre et partie de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. Nous attendons uniquement de la Russie qu’elle respecte cette convention”, a-t-elle également écrit.

“Le Kremlin aurait apparemment démenti” entretemps, a déclaré de son côté le ministre allemand de la Défense, mais “quoi qu’il en soit, il semble que ce soit un nouvel exemple de la manière perfide dont Poutine mène une guerre hybride”, a condamné Boris Pistorius, actuellement en visite en Lituanie.

Le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis a également dénoncé le projet russe. “C’est une escalade évidente contre l’Otan et l’UE, qui doit faire l’objet d’une réponse ferme et appropriée”, a ajouté le ministre. Le président Gitanas Nauseda a, quant à lui, fait part aux alliés de ses inquiétudes concernant les projets russes. Selon lui, cette initiative pourrait s’inscrire dans le cadre d’une action plus large de la Russie contre l’Otan.