Le féminisme victime de la mélasse néoféministe, par Abnousse Shalmani

Le féminisme victime de la mélasse néoféministe, par Abnousse Shalmani

Lorsqu’en janvier 2024, Sylvie Pierre-Brossolette, en tant que présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) remet son sixième état des lieux annuels sur le sexisme en France, elle est applaudie. Je suis toujours très circonspecte face à ces rapports, qui invariablement, préfèrent donner la prime au drame patriarcal qui a cours depuis la nuit des temps, sorte de complot de tous les hommes contre toutes les femmes, sans aucune possibilité de progrès possible.

Ainsi en est-il de l’écart salarial entre hommes et femmes, qui à poste et à temps de travail égal se monte à 5,5 % (d’après l’Insee et pas un groupe de dangereux troll d’extrême droite masculiniste) et à 15,4 % tous postes confondus (toujours selon l’Insee). Le seul chiffre qui vaille la peine qu’on s’y attaque pour améliorer l’écart salarial est bien 5,5 % puisqu’il y a là matière à comparaison, donc à réflexion et potentiellement à solution. Mais il semblerait que le néoféminisme qui tient le haut du pavé préfère les fourchettes hautes et les impasses patriarcales aux réalités qui constatent platement que 66 % des magistrats français sont des femmes – entre autres exemples. Ce qui devrait être célébré comme une victoire est occulté pour continuer de faire exister des néoféministes professionnelles dont le seul métier est de réduire les avancées féministes à néant pour continuer d’en vivre.

On ne refait pas la biologie

Ainsi, quand le HCE pointe le sexe des jouets considérant qu’offrir des jouets “sexués” transforme les femmes en serpillières et les hommes en dangereux virilistes prédateurs. J’ai le sourire aux lèvres en pensant aux résultats d’une étude menée par deux ethnologues américains pendant quatorze ans sur des chimpanzés en Ouganda et enfin publiés dans la revue Current Biology, montrant que les jeunes primates jouent tous avec des bâtons mais les femelles aiment les porter, les bercer, comme des poupées… Il y a quelques années, des jeunes singes en captivité s’étaient vu offrir des jouets de tous genres et, à la stupeur des chercheurs, les femelles s’étaient précipitées vers les poupées, les mâles vers les tracteurs. On ne refait pas la biologie, ce qui ne signifie absolument pas que jouer avec une poupée enfant vous précipitera adulte vers les abîmes du désespoir genré.

D’après le HCE toujours : “Les jeunes hommes sont de plus en plus nombreux à considérer qu’il est difficile d’être un homme dans la société actuelle ou à avoir le sentiment d’avoir été moins bien traités en raison de leur sexe.” Le rapport observe également une plus grande adhésion aux clichés “masculinistes” particulièrement chez les 25-34 ans. Et peut-être qu’au lieu de déplorer cet indécrottable sexisme en le mettant sur le dos de… – de quoi déjà ? – on pourrait constater que les garçons font de moins en moins d’études ; et que s’entendre répéter dès l’école primaire qu’ils sont de monstrueux spécimens humains n’est pas exactement la meilleure des solutions pour extirper les clichés et permettre l’éclosion d’un féminisme pour tous, où le ressentiment, la méfiance voire la haine du sexe opposé n’aurait pas lieu d’être.

Lutte de pouvoir au HCE

Mais malgré toute cette mélasse néoféministe et contre-productive, que Sylvie Pierre-Brossolette soit à la tête du HCE est rassurant. Cette féministe historique et universaliste, qui refuse les dogmes idéologiques, fait aujourd’hui l’objet d’une lutte de pouvoir relayée par des médias complaisants qui listent les attaques de six salariés (sur les 120 que compte la HCE), contre leur présidente, la présentant comme raciste, homophobe, islamophobe, harceleuse, etc.

On ne peut que se souvenir d’Annie Le Brun (dont les éditions Flammarion rééditent son excellent Qui vive), en 1978, sur le plateau de Bernard Pivot, qui parlait déjà de “staliniennes en jupons” : “La question fondamentale est d’en finir avec les meutes hurlantes dont notre époque s’est montrée si féconde, à instaurer ce climat de récrimination continuelle, de suspicion systématique de l’autre. Parce que je sais qu’il y a des femmes qui luttent réellement et qui sont scandalisées devant tant d’impostures et de sottises, mais qui ne le disent pas au nom de la cause des femmes. Alors ça, pour moi, c’est le terrorisme idéologique, ce genre de silence.”

Abnousse Shalmani, engagée contre l’obsession identitaire, est écrivain et journaliste