Les incroyables promesses de l’informatique quantique pour notre économie, par Nicolas Bouzou

Les incroyables promesses de l’informatique quantique pour notre économie, par Nicolas Bouzou

La physique quantique fait partie des domaines les plus fascinants qui soient et qui donne envie de vivre suffisamment longtemps pour observer tous les progrès qui devraient en découler. Certes, le terme “quantique” évoque souvent un nouvel eldorado marketé avec soin par les centres de recherche et les start-up qui cherchent des financements, charriant des promesses dignes de la ruée vers l’or. Le danger avec l’économie quantique, c’est que le terme est suffisamment abscons pour qu’on lui fasse dire tout et n’importe quoi.

Il faut reconnaître que les lois de la physique quantique, qui régissent les relations entre les particules à une échelle subatomique – celle des électrons, des photons, des neutrons… -, sont difficiles à appréhender pour des humains qui vivent à l’échelle de la physique newtonienne, où un objet se déplace d’autant plus vite qu’on le propulse avec de l’énergie, et où un corps reste au repos tant que rien n’agit sur lui.

A l’inverse, les principes physiques qui structurent l’échelle quantique sont contre-intuitifs pour nos esprits : la superposition – une particule peut exister dans plusieurs états simultanément -, l’intrication – les comportements de deux particules sont liés, indépendamment de la distance qui les sépare -, ou le principe d’incertitude de Heisenberg – il est impossible de connaître précisément la position et le mouvement d’une particule – exigent une belle capacité d’abstraction. Et pourtant, nous parlons là d’une révolution technologique susceptible de changer comme jamais notre économie, d’autant plus qu’elle s’hybride avec de l’intelligence artificielle et de la robotique.

Une technologie à large spectre

L’application la plus médiatisée de la physique quantique concerne l’informatique. L’informatique quantique utilise non plus des 0 et des 1 comme son versant traditionnel, mais le principe de superposition qui veut qu’un 0 puisse être en même temps un 1. Il en découle une accélération extraordinaire de la capacité de calcul des ordinateurs, qui permet de conjurer le ralentissement de la loi de Moore : la puissance des microprocesseurs a pendant longtemps doublé tous les dix-huit mois à coût constant, mais ce n’est plus vrai aujourd’hui. L’enjeu devient donc critique pour continuer de faire progresser les performances de l’intelligence artificielle et le nombre de ses usages.

Sans informatique quantique, l’IA risque de se heurter à une barrière concrète. Les capacités de calcul de l’informatique quantique doivent par ailleurs permettre de craquer n’importe quelle clé de cryptage. Mais les applications du quantique ne se limitent pas à l’informatique. Il doit notamment permettre le développement de matériaux parfaitement isolants, de capteurs ultraprécis et de nouvelles molécules médicamenteuses. Comme pour toute technologie à large spectre, le champ des applications est illimité.

La France n’est pas complètement en reste

Les enjeux économiques sont colossaux car les progrès dans ce domaine sont cumulatifs. Le pays qui parviendra le premier à produire des ordinateurs quantiques en série maîtrisera une technologie qu’il pourra mettre au service de ses secteurs de la défense, du spatial et de l’énergie. C’est la raison pour laquelle IBM, Google et Microsoft dépensent des milliards de dollars pour faire la course en tête, exactement comme ils le font pour l’IA. La France n’est pas complètement en reste. En janvier 2021, le gouvernement a lancé un plan national pour les technologies quantiques, doté d’un budget de 1,8 milliard d’euros sur cinq ans. Ce n’est pas énorme, mais pas ridicule non plus, au regard des engagements des autres nations.

Notre pays accueille des centres de recherche en pointe sur ce sujet comme le Commissariat à l’énergie atomique, et plusieurs start-up comme Pasqal, Alice & Bob ou Quandela. Pasqal, particulièrement prometteuse, a levé 100 millions d’euros en début d’année. La France a un coup à jouer mais doit réunir trois conditions pour réussir. La première, c’est de permettre à nos start-up les plus performantes de lever ces prochaines années non pas 100, mais 500 millions, voire 1 milliard d’euros. La deuxième, c’est de coordonner nos soutiens publics avec ceux de l’Union européenne. La troisième, c’est de freiner le Parlement européen et la Commission dans leur folie normative qui est en train de donner, en matière d’IA, le monopole des algorithmes aux Etats-Unis.

Nicolas Bouzou, économiste et essayiste, est directeur du cabinet de conseil Astères