Location d’appartement pendant les JO : l’incroyable succès des conciergeries

Location d’appartement pendant les JO : l’incroyable succès des conciergeries

Un appartement de 90 mètres carrés, un parquet en bois massif, et de larges baies vitrées donnant sur une vue à couper le souffle sur la tour Eiffel et les toits de Paris : l’appartement de Michel et Gilles, situé au 11ᵉ étage d’un immeuble du XXᵉ arrondissement, a tout pour plaire aux touristes qui souhaiteraient découvrir la capitale durant les Jeux olympiques. Le couple, habitué à louer son appartement pour de courtes durées, cédera d’ailleurs bien volontiers sa place aux visiteurs durant cette période, où la fréquentation des lieux publics et des transports en commun s’annonce plus que dense. A 75 et 67 ans, les deux hommes avouent n’avoir “aucune envie” de gérer par eux-mêmes les réservations de leur bien sur les plateformes dédiées ou de réaliser les allers-retours nécessaires aux entrées et sorties des lieux. Pour louer le logement, ils ont ainsi décidé de faire appel à Keypers, un service de conciergerie clés en main avec lequel ils travaillent depuis plusieurs années.

Le principe est simple : pour une commission de “20 à 25 % TTC, hors frais de ménage”, l’entreprise propose aux propriétaires de les accompagner dans la création de leur annonce – de la prise de photographies à la rédaction d’un texte sur les plateformes de location type Airbnb ou Booking –, la réservation des séjours, l’accueil et le suivi des clients, et d’effectuer à chaque étape un ménage complet de l’appartement. “On laisse nos clés, et ils s’occupent de tout. Pendant ce temps, nous pouvons partir en vacances et financer nos voyages par cette sous-location”, se réjouit Michel. En cette période de Jeux olympiques, les recommandations de Keypers lui ont d’ailleurs été précieuses : d’abord proposé au prix fort sur les plateformes, pour 480 euros la nuit, son bien ne trouvait pas preneur. “Après avoir pris conseil auprès d’eux, nous avons finalement baissé le prix à 290 euros, et les dates ont été remplies en trois jours, pour trois clients différents”, explique le retraité.

“2 000 à 3 000 euros pour deux semaines”

À l’approche de la compétition, et avec la multiplication de demandes de voyageurs, le propriétaire est loin d’être le seul à s’être intéressé aux services de conciergerie. “En ce moment, nous recevons 10 fois plus d’appels qu’en temps normal. C’est presque trop, nous sommes obligés de refuser du monde, sans compter les personnes qui ne sont pas éligibles à la location de courte durée, qui représentent entre 30 et 40 % de nos appels”, indique Paul-Farell Couche, cofondateur de Keypers, qui rappelle que seuls les propriétaires d’une résidence principale ou les locataires bénéficiant d’une autorisation claire de leur propriétaire ont la possibilité de louer leur appartement, pour une durée maximale de cent vingt jours et après un enregistrement en règle sur le site de la ville de Paris. “On ne donne pas suite aux propriétaires qui ont une pure logique de rentabilité, par exemple, et proposent parfois des tarifs délirants par rapport aux prix du marché”, complète le cofondateur.

Même bilan du côté de Quentin Brackers de Hugo, cofondateur de la plateforme HostnFly, qui a été obligé de se limiter à la gestion de 1 500 logements à Paris et dans sa petite couronne. “D’habitude, HostnFly enregistre 200 demandes de propriétaires par mois. Depuis le début de l’année, ce chiffre a explosé, avec 1 500 demandes mensuelles en moyenne”, explique le chef d’entreprise à L’Express. Le profil de ses clients, habituellement “jeunes et sans enfants”, s’est également légèrement modifié, pour s’élargir aux couples de trentenaires avec enfants, souvent habitants de banlieue proche, comme Clichy, Saint-Ouen ou Saint-Denis. “Avec des possibilités de bénéfices qui s’élèvent à 2 000 ou 3 000 euros pour deux ou trois semaines, beaucoup sautent le pas”, justifie Quentin Brackers de Hugo, évoquant une moyenne actuelle de “360 euros par nuit pour quatre voyageurs”.

Avec un taux d’occupation moyen de 50 % pour les appartements bénéficiant déjà de commentaires sur les plateformes, et de 25 à 30 % pour les nouveaux logements, le service apporté par HostnFly afin de gérer le turn-over des touristes est plus que précieux pour les propriétaires. “Nous répondons à toutes les demandes des voyageurs, sur les transports, le quartier, la logistique… Avant chaque arrivée, nous fournissons le linge de lit, les serviettes et les consommables, comme du shampoing, du sel, du poivre ou de l’huile d’olive, pour que les propriétaires n’aient pas à se soucier de ces fournitures supplémentaires”, explique le dirigeant, qui empoche une commission de 25 % par nuitée réservée.

“Toutes les agences ne se valent pas”

La demande est telle que certaines sociétés de conciergerie se sont même adaptées aux Jeux olympiques, en proposant des offres spéciales pour l’événement. C’est le cas de Checkmyguest, entreprise habituellement spécialisée dans la transformation de locaux commerciaux en locations saisonnières. “Nous avions une telle demande de particuliers que nous avons lancé une formule spéciale pour les résidences principales pendant les JO, et nous avons rentré entre 400 et 500 appartements juste pour cette période”, assure Joffrey Ichbia, cofondateur de l’entreprise. Là encore, le dirigeant constate des profils de propriétaires de “toutes les classes sociales”, pour des logements de “40 à 200 mètres carrés”, généralement proposés pour des prix de “2 à 3 fois plus élevés que la moyenne”. De quoi générer un revenu complémentaire pour les Parisiens qui n’auraient pas, sans ces conciergeries, osé sauter le pas de la location de courte durée. “Nous n’aurions pas pu gérer les candidatures et la logistique sans eux. Mais, attention, toutes les agences de conciergerie ne se valent pas”, prévient Michel. Lors d’une précédente expérience, le retraité estime ainsi s’être “fait avoir” par une entreprise peu scrupuleuse, dont “le ménage et la prise en charge des clients laissaient à désirer”.

“Il faut choisir la bonne entreprise, pour ne pas risquer de se retrouver avec des cas d’appartements rendus dans des états déplorables, des locataires saisonniers ayant changé les serrures ou qui finissent par résider de manière illégale dans certains appartements après une location via des plateformes… Ce sont des cas rares, mais qui existent”, estime Mᵉ Xavier Demeuzoy, avocat spécialisé dans la réglementation des meublés touristiques. En trois ans, il assure avoir vu la pratique des conciergeries exploser à Paris, avec des suivis de plus en plus personnalisés et “des outils toujours plus performants”. “Certaines entreprises proposent même d’installer des sonomètres sur les lieux, directement reliés à la box Internet du propriétaire et qui envoient des alertes en cas de dépassement des décibels”, indique-t-il.

Attention, cependant, à bien respecter la réglementation en vigueur. Pour les locataires, notamment, qui seraient tentés de faire appel à ces conciergeries ou aux plateformes de location de courte durée sans l’accord de leurs propriétaires, Mᵉ Xavier Demeuzoy rappelle qu’ils s’exposent à une résiliation judiciaire de leur bail et à l’obligation de rembourser la totalité des bénéfices perçus à leur bailleur. “J’ai beaucoup de dossiers de jeunes gens, notamment, qui ont fait de leur appartement un business illégal. Lorsqu’ils se font rattraper, la note peut atteindre des dizaines de milliers d’euros”, déplore l’avocat. “Malgré la tentation des prix pratiqués durant les JO, je ne leur conseille vraiment pas de tenter l’expérience”, prévient-il.

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