« Ne pas être moins intelligent que LFI » : François-Xavier Bellamy, exister ou disparaître

« Ne pas être moins intelligent que LFI » : François-Xavier Bellamy, exister ou disparaître

Heureux de son coup. Au point de ne prêter qu’une attention distraite aux « Bellamy, casse-toi ! » d’une poignée d’étudiants arborant un keffieh. François-Xavier Bellamy a le sourire. Enfin, un peu d’attention médiatique ! Ce mardi 7 mai, l’eurodéputé fait irruption à Sciences Po Paris pour dénoncer le blocage de l’établissement et l’antisémitisme véhiculé par certains militants de la cause palestinienne. Il y déroule ses arguments, quand le miracle se produit. Un accrochage avec le député LFI Louis Boyard, aussitôt retransmis sur CNews.

Louis Boyard est l’ennemi intime de Cyril Hanouna, depuis leur violente altercation sur le plateau de TPMP. Quelques heures plus tard, l’animateur déroule le tapis rouge à la tête de liste LR aux européennes sur C8. Les ennemis de mes ennemis sont mes amis. Aucune contradiction n’est opposée à François-Xavier Bellamy, libre de disserter sur la « confiscation » des universités par une minorité agissante. Le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau avait conseillé au candidat de se saisir davantage de « l’instant médiatique ». La leçon a été retenue. « La campagne se fait aussi sur les sujets nationaux. Il ne faut pas être moins intelligent que LFI », confie à L’Express François-Xavier Bellamy.

Voilà le sage Bellamy transfiguré en rebelle. Son compte X (ex-Twitter) met alors en scène un homme seul face à la foule des manifestants, tendance « Gladiator ». Quelques heures plus tôt, le candidat avait annoncé le dépôt d’une plainte après une tentative de cyberattaque chinoise, en plein déplacement de Xi Jinping à Paris. Là encore, l’action judiciaire est relayée sur X au moyen d’un montage photo clinquant, érigeant le duel Bellamy-Xi en combat Ali-Foreman. Qu’on se le dise : sous ses airs d’étudiant sérieux, l’eurodéputé LR est prêt à la castagne!

Invisibilisé par Hayer

Une hirondelle ne fait pas le printemps. Le chef de file LR peine à imprimer sa marque sur la campagne électorale. Crédité de 7 à 8 % d’intentions de vote, François-Xavier Bellamy espérait atteindre la barre symbolique des 10 % pour attirer la lumière et déclencher une dynamique positive. Las, cette figure du troisième homme – propice aux récits médiatiques – est préemptée par Raphaël Glucksmann. En politique, l’anonymat est une condamnation à mort.

Son désir de reconstituer un clivage gauche-droite se heurte à un mur d’indifférence. En marge d’une confrontation entre têtes de liste sur Public Sénat le 14 mars, François-Xavier Bellamy propose à Valérie Hayer un débat télévisé. La chef de file Renaissance acquiesce… mais ne donne pas suite. Officiellement, pour des raisons d’agenda. Le camp présidentiel n’a en réalité guère envie de faire briller ce rival, avide d’agréger les déçus du macronisme. Autour d’Éric Ciotti, on presse alors François-Xavier Bellamy de formuler sa proposition de débat par SMS pour piéger sa rivale et dénoncer son refus de la confrontation. Mais à quoi bon ? Dans les abysses, personne ne vous entend crier. Maigre consolation, un débat organisé le 16 avril dernier avec Raphaël Glucksmann sur BFMTV.

« Tu évites les pièges, mais tu ne renverses pas la table »

François-Xavier Bellamy a tiré les leçons de son échec de 2019. Il privilégie les interventions médiatiques aux réunions publiques, repères d’électeurs déjà convaincus. A la télévision, l’homme livre des prestations sérieuses et appliquées. Polies, toujours. Pas du genre à interrompre son contradicteur lors d’une joute oratoire. Ses partisans louent son esprit de sérieux, loin des raccourcis de Jordan Bardella. Lui-même revendique ce trait de caractère, qu’il érige en singularité politique. « On aura toujours plus efficace que nous en termes de facilité et de démagogie », défend le candidat.

Obtenir un succès d’estime, c’est bien. Conquérir des électeurs, c’est mieux. La droite manque parfois de s’endormir à l’écoute du professeur de philosophie. François-Xavier Bellamy n’oublie rien dans ses interventions, mais que retient-on ? « Tu évites les pièges, mais tu ne renverses pas la table », lui a confié un interlocuteur. « Cela ronronne », « Campagne d’avant-hier, sans proposition phare », « On ne porte rien »… Sous couvert d’anonymat, de nombreux cadres LR étrillent une course sans saveur ni marqueurs. Lors d’un comité stratégique, Laurent Wauquiez a résumé mardi l’équation du candidat. « Bardella, c’est l’anti-Macron, Maréchal c’est l’Islam, Hayer c’est l’Europe. Tu dois tout relier à une même offre politique et porter un message unique », a lâché en substance le patron d’Auvergne-Rhône-Alpes.

« Son offre est par définition presque inaudible »

Le conseil a la force de l’évidence. Sa mise en pratique est plus délicate. François-Xavier Bellamy porte un discours « euroréaliste » moins percutant que les attaques eurosceptiques du RN ou l’ode à l’UE de Valérie Hayer. Cet entre-deux idéologique, conjugué à la faiblesse structurelle de LR, n’est guère vendeur. « Son offre est par définition presque inaudible », analyse un député. Son positionnement l’est aussi. L’homme affronte l’éternel défi posé à la droite depuis 2017. Ramener dans son giron des électeurs d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen sans basculer dans l’ambiguïté. François-Xavier Bellamy peine, comme ses prédécesseurs, à résoudre l’équation. Comme lorsqu’il se noie dans d’interminables circonvolutions pour masquer son vote à la dernière présidentielle.

Et puis, François-Xavier Bellamy reste un intellectuel. Quand on l’interroge sur ses marqueurs, l’eurodéputé évoque « la libération des Français face à une vie empêchée » ou la possibilité de « faire » au Parlement européen. L’homme a choisi le très conceptuel « Maîtriser notre destin » comme slogan de campagne. Et tant pis si d’autres formules plus simples avaient les faveurs de l’institut de sondage prestataire des Républicains. Il a gardé des habitudes de professeur de philosophie.

Injonctions contradictoires

Éric Ciotti préférerait le voir revêtir le costume de communicant, lui qui observe avec intérêt certains visuels de la France insoumise. « Il doit se mouiller et prendre des risques », a assuré le président de LR à un élu. Le candidat s’est frotté à l’exercice à Sciences Po, mais reste du genre prudent. Sa garde rapprochée, composée de Ghislain De Franqueville et d’Arnaud Poulain, aussi. Comme lorsqu’elle réclame la suppression d’un tweet montrant le général Gomart, numéro 3 sur la liste, en uniforme militaire. Le cliché, à la légalité suspecte en période électorale, suscite alors une mini-polémique. L’entourage d’Éric Ciotti refuse de céder, le message est toujours en ligne. En interne, une discussion autour d’un tract concernant le président de la République suscitera la même fracture. « L’équipe Bellamy voulait un truc responsable », souffle-t-on au siège de LR.

Sérieux, mais percutant. Responsable, mais disruptif. François-Xavier Bellamy est ici soumis à des injonctions contradictoires. Éric Ciotti le presse de prendre des risques… mais a bâti en solitaire une liste très « conservatrice ». La reconduction des historiques Nadine Morano et Brice Hortefeux a relégué au second plan le recrutement de l’agricultrice Céline Imart et du général Gomart. François-Xavier Bellamy aurait souhaité davantage de renouvellement, mais n’a pas osé le bras de fer avec le patron de LR. Le matin de la présentation de la liste, le candidat est dans le bureau d’Eric Ciotti. Il avalise les choix du Niçois, parvenant tout juste à faire passer son vieil ennemi Geoffroy Didier de la 9e à la 11e place. C’est peu. En avril 2023, il confiait pourtant son refus de mener une liste « mi-figue mi-raisin », faite de « recasage de copains ». » Il est trop gentil », regrette en privé Bruno Retailleau, proche du député européen. Le voilà désormais contraint de défendre « l’expérience » des deux anciens ministres sur les plateaux télévisés, loin de sa pensée profonde. Loin, surtout, de son besoin d’émerger dans la campagne.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *