Périphérique de Paris à 50 km/h : la pollution va-t-elle réellement diminuer ?

Périphérique de Paris à 50 km/h : la pollution va-t-elle réellement diminuer ?

La mesure était dans les tuyaux, elle sera désormais bientôt effective. La maire de Paris Anne Hidalgo a assuré ce lundi 9 septembre que la vitesse de circulation sur le périphérique parisien sera bientôt limitée. “Pour les 50 km/h, ça relève de ma décision. Ce sera au 1er octobre. On y travaille depuis 18 ans, donc ce n’est pas un sujet nouveau”, a déclaré Anne Hidalgo sur RTL.

La mairie dirigée par la socialiste avait indiqué fin novembre 2023 sa volonté de limiter la vitesse sur le périphérique à 50 km/h après les Jeux olympiques et paralympiques, qui se sont achevés dimanche. La vitesse maximale autorisée sur cette ceinture routière de 35 kilomètres entourant la capitale depuis 1973 était déjà passée de 90 km/h à 80 en 1993, puis à 70 en 2014. Depuis 2021, la vitesse a par ailleurs été limitée à 30 km/h dans la plupart des rues de la capitale.

La mairie de Paris entend, par cette mesure, réduire la pollution et les nuisances sonores, notamment la nuit pour les 500 000 personnes qui vivent à proximité immédiate de cet axe, souvent dans des quartiers populaires. “C’est une mesure de santé publique pour les 500 000 personnes qui vivent aux abords du périphérique”, a indiqué Anne Hidalgo dans un entretien à Ouest-France le 31 août.

Aucune étude d’impact réalisée

Aucune étude d’impact n’a cependant été réalisée sur ce sujet, comme le déplore la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse. Ce point a également été évoqué par l’ancien ministre des Transports, Clément Beaune : “Il y a un problème, c’est qu’il n’y a pas eu d’étude d’impact”, indiquait-il sur France 3 en juin 2023. “Si c’est pour faire plus de congestion, ce n’est pas tellement écologique”, estimait-il. “Si ça permet de fluidifier le covoiturage et le transport en bus et d’autres usages, je pense que c’est positif et il faut le regarder. Mais il faut une étude d’impact préalable.”

“Si le gain environnemental d’un passage de 130 à 110 km/h est démontré, celui de 90 à 70 est déjà très discutable tant en matière de pollution au NO2 (dioxyde d’azote) qu’en matière de bruit”, avaient estimé cinq élus parisiens de droite, dont la sénatrice Agnès Evren, dans une tribune au Figaro publiée en décembre 2023. “Aucune des études publiées n’a jamais démontré l’intérêt d’un passage de 70 à 50 km/h”, avaient-ils aussi fait valoir.

Les nuances de l’Ademe

Dans une étude portant sur les “impacts des limitations de vitesse sur la qualité de l’air, le climat, l’énergie et le bruit”, publiée en février 2014, l’Ademe (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) relevait qu’il est “généralement considéré que la diminution de la vitesse réduit les consommations de carburant et les émissions unitaires de polluant”. Cependant, “plusieurs autres facteurs interviennent (type et âge des véhicules, pente de la voie, charge, fluidité du trafic, conditions de circulation, etc.) ce qui rend plus complexe la relation entre vitesse et pollution de l’air”.

Dans la conclusion de cette étude, l’Ademe écrivait que, “au-dessus de 70 km/h, les réductions de vitesse ont un effet plutôt positif sur les émissions de particules et d’oxydes d’azote”. En dessous de 70 km/h, en revanche, “cet effet est plutôt négatif”. “En pratique, la situation est plus complexe puisqu’il faut tenir compte notamment de l’effet de la limitation de vitesse sur la congestion. Le passage de 80 à 70 km/h d’une voie congestionnée va dans le bon sens pour la qualité de l’air, car il favorise la fluidité du trafic”. Selon l’Ademe, l’analyse des impacts réels sur la qualité de l’air des limitations de vitesse “tend à montrer des gains” pour les vitesses élevées et “une situation beaucoup plus contrastée” pour celles qui sont plus faibles, en particulier le passage de 50 à 30 km/h.

Une réduction du bruit

Interrogée par Ouest-France, Karine Léger, directrice d’AirParif, l’organisme qui mesure la qualité de l’air en Île-de-France, précise qu’il “y a un optimum entre 30 et 70 km/h concernant les émissions de polluants”. Autrement dit, avec une vitesse limitée entre 30 et 70 km/h, l’impact sur la qualité de l’air est semblable. “La baisse seule d’une limitation à 50 km/h au lieu de 70 aura un impact très limité sur la pollution de l’air”, sauf pour les véhicules les plus anciens, indique l’ingénieure spécialisée en environnement.

L’amélioration de la qualité de l’air n’est “pas le premier effet attendu” par Anne Hidalgo et son équipe avec cette initiative, relève auprès de Ouest-France David Belliard, adjoint à la maire de Paris, en charge de la transformation de l’espace public, des transports et des mobilités. L’intérêt sanitaire principal réside dans la réduction du bruit. “La pollution sonore empoisonne la vie des habitants à proximité du périphérique”, avance David Belliard. En janvier dernier, cet élu écologiste indiquait que, depuis 2014, les riverains de l’autoroute urbaine ont connu une “réduction des nuisances sonores, notamment la nuit : un peu plus d’un décibel en moins la nuit, et 0,5 décibel le jour.”

Par ailleurs, la sécurité est un autre argument avancé pour justifier l’abaissement de la limitation de vitesse. Selon plusieurs travaux du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), le “choc sera deux fois plus violent” à 70 km/h plutôt qu’à 50 km/h. “On sait qu’une baisse de la vitesse réduit le risque d’accident, note David Belliard. Il y a donc une question de santé publique pour les habitants proches du périphérique, mais aussi de sécurité routière pour les usagers.”

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