Robots humanoïdes : ce raz-de-marée économique qui vient, par Nicolas Bouzou

Robots humanoïdes : ce raz-de-marée économique qui vient, par Nicolas Bouzou

Un tsunami technologique monte vers nous et quasiment personne n’y prête attention. Il y a quelques semaines, le président de Nvidia, l’Américain Jensen Huang, annonçait l’arrivée à brève échéance de robots humanoïdes à un prix compris entre 10 000 et 20 000 dollars l’unité. Elon Musk ne dit pas autre chose et prévoit d’en commercialiser, via Tesla, à des prix comparables.

On connaît Musk pour ses outrances mais enfin, c’est un entrepreneur qui a plutôt bien réussi. Ceux qui ont dénié par le passé sa capacité à créer de toutes pièces un constructeur automobile ou une entreprise comme SpaceX – fabricant de fusées, ordonnateur de lancements spatiaux et opérateur télécom – en sont pour leurs frais. Quant à Huang, son raisonnement se fonde sur les progrès technologiques extraordinaires réalisés par Nvidia. Rappelons que cette entreprise fabrique des puces dites GPU – graphics processing unit -, conçues au départ pour des applications graphiques de jeux vidéo, mais très utilisées depuis pour les besoins de simulation numérique, notamment dans le domaine de l’aéronautique, de la santé ou pour réaliser des calculs scientifiques ultracomplexes, par exemple en physique fondamentale.

Les performances de ces puces s’améliorent à un rythme exponentiel. Elles sont 10 000 fois plus efficaces aujourd’hui qu’il y a dix ans. Cela signifie qu’elles sont plus puissantes et, toutes choses égales par ailleurs, moins consommatrices d’énergie. Les robots humanoïdes sont des robots alimentés par des batteries, augmentés de ces puces, et dotés de capteurs qui leur permettent de voir – souvent mieux que des humains -, d’entendre et, de plus en plus, de sentir, ce qui peut être crucial pour le maniement d’objets fragiles.

Huang explique donc que le coût de ces robots, produits en série, pourrait avoisiner celui d’une voiture neuve de moyenne gamme. La comparaison n’est pas anodine puisque la voiture est un bien durable, souvent financé avec un crédit amortissable simple, dont le taux d’équipement est élevé : on compte environ 700 véhicules pour 1 000 habitants en France, 860 pour 1 000 aux Etats-Unis.

Ces robots humanoïdes sont dans un premier temps destinés au marché BtoB : on commence à en voir dans des entrepôts – Amazon en produit pour ses propres besoins -, les usines vont probablement s’équiper, de même que les activités de service en situation de pénurie de main-d’œuvre : hôpitaux, maisons de retraite… Une fois les coûts fixes amortis, les prix seront suffisamment bas pour pénétrer le marché des particuliers. Ces robots pourront alors débarrasser la table, étendre le linge, monter un meuble en kit et, si la réglementation urbaine le permet, aller à l’épicerie. Comme l’automobile à la Belle Epoque, ils seront d’abord considérés comme des produits de luxe, avant de se démocratiser.

Un choc pour le monde du travail

L’analyse économique et la prospective politique doivent se saisir dès maintenant des conséquences de cette vague de destruction-création schumpétérienne. Ces robots humanoïdes vont profondément affecter le monde du travail et la distribution des revenus. En effet, certains métiers vont entrer en concurrence directe avec ces robots. Ce sera le cas des caristes ou des déménageurs. Il est, en un sens, souhaitable que ces métiers disparaissent car ils sont usants physiquement. Dans ces professions, les salaires vont baisser.

A l’inverse, dans les secteurs où les robots seront non pas des concurrents mais des outils, les salaires ont de bonnes chances d’augmenter. Ceux qui les conçoivent – et leurs actionnaires – vont voir leurs rémunérations exploser, ce qui a déjà commencé. Beaucoup de métiers se trouveront dans une zone grise. Seront-ils assez performants et empathiques pour utiliser ces robots à bon escient, ou inéluctablement remplacés par eux ? La perspective est angoissante. Et le risque qu’une partie du corps social se “gilet-jaunise” n’est pas à écarter. Implications économiques – sur le marché du travail -, salariales – sur les inégalités de revenus -, politiques – sur la montée en puissance des populismes – et géopolitiques – quels pays maîtriseront ces technologies ? : voilà quatre sujets qui devraient d’ores et déjà nous mobiliser.

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