RSE : quand les salariés contraignent leurs entreprises à s’adapter

RSE : quand les salariés contraignent leurs entreprises à s’adapter

Du Greenwashing à une vraie politique de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : où en est-on vraiment ? Depuis la mise en place de la Directive européenne sur les publications des données extra-financières (CSRD), les sociétés de plus de 500 salariés doivent analyser les risques financiers auxquelles elles sont exposées mais aussi les conséquences environnementales de leurs activités (quantité de CO2 émis, atteinte aux milieux naturels, etc.). Ce rapport de durabilité rendra compte de la réalité de leur politique en matière de RSE. Or dans l’application de cette directive européenne, le France est plutôt en avance. Peu à peu, tout un mouvement se développe, avec d’un côté les contraintes de la loi, et de l’autre, le poids des salariés convaincus du rôle social et environnemental des entreprises. Même les nouvelles technologies en général et l’IA en particulier se mettent à son service. Silencieuse, la révolution RSE est inéluctable.

“Les métiers de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) sont aujourd’hui un accélérateur de carrière. Je n’aurais pourtant jamais dit cela, il y a quelques années”, assure Caroline Renoux, la dirigeante et fondatrice, en 2010, du cabinet de recrutement et de chasse de tête Birdeo, spécialisé dans les professions à impact positif. Un engouement pour les postes liés à la RSE observé également par Agnès Alazard, la cofondatrice de Maria Schools, un campus de formation dédié aux compétences d’avenir qui a ouvert, en mars 2024, un programme pour devenir responsable RSE. “Nous avons dû refuser des personnes, je ne m’attendais pas à avoir autant de demandes !”, s’étonne-t-elle.

De plus en plus d’engagement

Il faut dire que les salariés sont de plus en plus sensibles à ces enjeux. Selon un sondage OpinionWay paru en novembre dernier, plus des deux tiers d’entre eux aimeraient que leur entreprise mise davantage sur des causes environnementales ou sociales. Et ils ne se contentent plus d’implorer, ils agissent ! “Sur ces dernières années, le nombre de comités d’engagement créés par des employés volontaires s’est accru de manière spectaculaire”, témoigne Véronique Delpla-Dabon, directrice RSE du groupe américain 3M.

Dans son usine de Tilloy-lez-Cambrai (Nord), un groupe de jeunes salariés a par exemple lancé récemment un comité équité, diversité et inclusion, qui œuvre notamment à une plus grande représentation de femmes au sein de la direction. Pour les entreprises, il en va de leur faculté à attirer et fidéliser les meilleurs talents. Selon une étude menée par Paul Polman, ex-PDG de la multinationale Unilever (Knorr, Maille, Axe etc.), près de la moitié des 4 000 employés britanniques et américains interrogés envisagent de démissionner si les valeurs de leur employeur ne correspondent pas ou plus aux leurs. L’ancien dirigeant donne un nom à cette nouvelle tendance : la “démission consciente”.

Impulsion féminine

“La RSE est devenue un élément central de la stratégie des entreprises, indique Denis Terrien, président de l’Institut français des administrateurs (IFA). Non seulement parce que les salariés ou les clients le demandent, mais aussi parce que la législation se durcit.” En témoigne l’application au 1er janvier de la directive européenne CSRD sur les obligations de reporting (communication de données) extra-financier. Conséquence, les enjeux environnementaux et sociaux font progressivement leur apparition au sein des hautes directions : 80 % des conseils d’administration des 120 plus grandes entreprises françaises cotées disposent ainsi en 2023 d’un comité RSE, selon un baromètre réalisé par l’IFA et Ethics & Boards. Ils n’étaient que 25 % en 2015 ! Cette étude révèle par ailleurs que la moitié de ces sociétés intègrent au moins un critère de performance environnementale dans la politique de rémunération de leur dirigeant. Le plus utilisé étant la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Cette prise en compte grandissante de la RSE s’avère majoritairement portée par les femmes. “Elles représentent deux tiers de nos candidats”, confirme Caroline Renoux. D’après une enquête de la firme Russell Reynolds, les comités RSE des 120 plus importantes sociétés françaises sont à 75 % féminins. Enfin, la dimension générationnelle a aussi une importance grandissante. Selon un sondage du cabinet Universum mené en ce début d’année, près de 4 étudiants et jeunes actifs sur 10 ne souhaitent pas travailler pour une entreprise qui ne s’engage pas sur les aspects sociaux et environnementaux. Une proportion en hausse de 10 points en un an. Une vraie tendance durable.