Climat : s’adapter ou se désendetter, le dilemme français

Climat : s’adapter ou se désendetter, le dilemme français

C’est l’archétype même d’une injonction contradictoire. D’un côté, la Cour des comptes dénonce la dérive de nos finances publiques, et notamment l’envolée de la dette nationale dont le montant dépasse désormais le seuil de 3 000 milliards d’euros, selon l’Insee. Mais de l’autre, les Sages pointent du doigt le retard de la France en matière d’adaptation au changement climatique. Un volet qui pourrait se révéler extrêmement coûteux.

Depuis plusieurs mois déjà, les scientifiques nous alertent : la France a beaucoup misé sur la réduction des émissions de CO2 sans réfléchir suffisamment aux questions d’adaptation. Quelques hauts fonctionnaires voyaient eux aussi le problème prendre de l’ampleur. « En matière d’adaptation, il nous faudrait anticiper des coûts de dépollution des sols, ou provisionner des ressources pour le déplacement de certaines activités humaines menacées par les inondations, pour ne citer que deux exemples », confiait récemment à L’Express un membre du réseau de fonctionnaires Le Lierre.

Un chiffre vaut parfois mieux que de longs discours : selon l’Obs’COP 2023, le baromètre annuel de l’opinion sur le climat publié par EDF, 8 % des Français interrogés sont déjà certains de devoir déménager dans les dix ans qui viennent en raison du changement climatique et de son cortège d’événements météorologiques extrêmes. Or, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes, « de nombreux territoires fortement affectés par l’érosion côtière ne sont toujours pas couverts par un plan de prévention des risques littoraux ». L’urbanisation peut donc se poursuivre dans des zones menacées !

Qui va payer la facture ?

Face à ce manque de préparation, le rapport des Sages a donc le mérite de mettre les pieds dans le plat. Au fil de ses 750 pages, il égrène une liste de contraintes auxquelles nous ne pourrons échapper : adaptation des logements, des villes, du réseau électrique, et même des armées dont le matériel et les hommes vont souffrir davantage à l’avenir en raison du changement climatique. Comment la France réussira-t-elle à se sortir de ce guêpier ? Et surtout, qui va payer la facture ? Faut-il ressortir des tiroirs le rapport Pisani-Ferry/Mahfouz, vite enterré par Bercy au printemps dernier ? Pour contribuer à financer les dépenses dédiées à la transition climatique, y compris l’adaptation, les deux économistes préconisaient alors d’instaurer une sorte d’ISF vert, imaginé temporaire, pour une recette estimée de 5 milliards d’euros par an.

« Vu le contexte social tendu, le principal levier, à court terme, sera sans doute celui de la réorientation des crédits existants », analyse un membre du réseau Le Lierre. Pas question en effet d’augmenter la pression fiscale pour le climat. Les Français ne l’accepteront pas. Par ailleurs, le pays doit faire des économies. C’est la feuille de route indiquée par Bercy. « Mais tout cela risque de confronter l’Etat et les collectivités locales à des choix cornéliens. Par exemple, le pays a besoin d’investir davantage en faveur de l’autonomie des personnes âgées. Faut-il le faire ou doit-on plutôt flécher les crédits vers l’adaptation ? Même chose au niveau des communes. Faut-il privilégier les ronds-points ou provisionner des ressources pour déplacer un hôpital situé en zone inondable ?

Il apparaît clairement que les coûts d’adaptation sont inéluctables, et souvent très élevés. Il est curieux que le rapport ne fasse aucun lien avec sa première partie sur la situation d’ensemble des finances publiques », souligne un expert du Lierre. Ainsi les Sages démontrent l’urgence de la prise en compte de ces mesures d’adaptation, mais sans trancher les questions de fond, à savoir les leviers et outils à mobiliser. « Il faudra bien un jour opérer une jonction entre les deux exercices », s’agace un expert. Pour l’heure, nos finances publiques restent déconnectées des enjeux environnementaux.

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