Des émeutes à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie : récit d’un embrasement

Des émeutes à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie : récit d’un embrasement

Des détonations, des bâtiments en feu, des commerces pillés, des centaines de blessés, dont des forces de l’ordre, et déjà trois morts. La Nouvelle-Calédonie s’embrase depuis 48 heures. Malgré le couvre-feu mis en place depuis lundi, les graves violences, qui ont touché tout l’archipel, ont repris mardi soir dès la nuit tombée et les autorités craignent une nouvelle flambée dans la nuit de mercredi à jeudi. „On est dans une situation que je qualifierais d’insurrectionnelle”, s’est inquiété Louis Le Franc, Haut-Commissaire de la République. „L’heure doit être à l’apaisement […] l’appel au calme est impératif”.

Ces émeutes ont démarré lundi en marge d’une révision constitutionnelle, rejetée par les indépendantistes. Le texte voté par les sénateurs et cette nuit par les députés vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l’archipel. Les partisans de l’indépendance jugent que ce dégel risque de réduire leur poids électoral et „minoriser encore plus le peuple autochtone kanak”. Toutefois, les tensions entre les deux camps et le gouvernement remontent à plusieurs semaines. Récit d’un engrenage.

21 mars, jour de basculement

Déjà, en février, la ville de Nouméa a été secouée par des scènes de violences, en marge de la visite de Gérald Darmanin. Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer est venu accompagné de sa ministre déléguée ainsi que du Garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti. A l’occasion, des centaines de militants indépendantistes se sont rassemblées pour protester contre la triple visite ministérielle et s’opposer à la réforme en faveur du dégel du corps électoral provincial, annoncé en décembre 2023 par le gouvernement.

Puis, un mois plus tard, la date du 21 mars a marqué une sorte de rupture dans ce petit territoire français, peuplé d’à peine 270 000 habitants. Ce jour-là, les élus des groupes Loyalistes (Renaissance) et Rassemblement (Les Républicains) ont claqué la porte du Congrès et du gouvernement local, raconte la correspondante du journal Le Monde. Un coup d’éclat non sans importance, alors que les deux camps travaillent main dans la main depuis la signature de l’accord de Nouméa en 1998, qui a imposé un gouvernement collégial, représentant toutes les sensibilités disposant de sièges au Congrès, l’assemblée délibérante de l’archipel.

Dès lors, le dialogue est rompu. „Nous serons désormais dehors pour les séances publiques : sur les marches, face à vous”, lançait Sonia Backès, cheffe de file des loyalistes et présidente de la province sud, avant de quitter l’Hémicycle ce jour-là. La promesse est tenue, une semaine plus tard, plusieurs milliers de personnes se réuniront devant le Parlement, défiant le Congrès.

La poudrière de l’examen de la révision constitutionnelle

Dans le même temps, à 17 000 kilomètres de Nouméa, à Paris, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, faute d’obtenir un accord local sur un nouveau statut du territoire, a engagé la fameuse réforme constitutionnelle. Mi-mars, elle est à l’examen au Sénat. Elle vise principalement à élargir le corps électoral pour les élections provinciales. Au total, environ 40 000 personnes ne peuvent participer aux élections, actuellement réservées aux natifs et résidents de très longue date. Le texte assouplit ainsi la durée de résidence pour pouvoir s’exprimer aux élections provinciales. Un scrutin crucial, puisqu’il détermine la représentativité au Congrès, qui élit le gouvernement local.

A ce moment-là, la correspondante du Monde à Nouméa observe que la contestation vise, en grande partie, à mettre la pression sur la représentation nationale. „Je le dis à Paris aujourd’hui, aux parlementaires qui tremblent. Le bordel, c’est nous qui le mettrons si on essaie de nous marcher dessus !”, avait lancé Sonia Backès, représentante des non-indépendantistes à l’origine des manifestations devant le Congrès, qualifiant sans ambages ces adversaires politiques d'”illégitimes, racistes, sectaires”, qui „créent la division”. L’affrontement n’est plus très loin. La situation s’envenime. Nous sommes toujours au mois de mars lorsque la porte-parole du mouvement Générations NC, non indépendantiste déclare : „On est chez nous, on ne nous mettra pas dehors”.

Dès lors, les camps semblent devenir de plus en plus irréconciliables, jusqu’à l’affrontement enclenché ce lundi 13 mai. Ce jour-là, des violences ont d’abord éclaté en marge d’une mobilisation indépendantiste contre la réforme constitutionnelle examinée au même moment à Paris à l’Assemblée nationale. Néanmoins, les heurts n’ont pas empêché les députés de voter dans la nuit de mardi à mercredi ce projet de loi constitutionnelle, qui doit encore être définitivement adopté par l’Assemblée et le Sénat réunis en Congrès.

Cette ultime étape interviendra „avant la fin juin”, à moins d’un accord entre les forces politiques locales, a prévenu Emmanuel Macron. Encore faut-il que les tensions s’apaisent. Dans l’archipel français, les autorités espèrent pouvoir rétablir l’ordre. Des renforts du GIGN, de RAID, des CRS et de la gendarmerie mobile ont été appelés tandis qu’Emmanuel Macron, réuni avec ses ministres en Conseil de Défense à l’Elysée, vient de déclarer l’état d’urgence.

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