France-Allemagne : tournons la page des fâcheries, par Eric Chol

France-Allemagne : tournons la page des fâcheries, par Eric Chol

C’était à Davos, en janvier dernier. Christian Lindner, ministre allemand des Finances, tentait de rassurer les patrons en répétant que non, l’Allemagne n’était pas “l’homme malade de l’Europe”, mais, c’est vrai, elle était un “homme fatigué”, qui avait “besoin d’un café”. L’histoire ne dit pas si le président Emmanuel Macron et le chancelier Olaf Scholz trinqueront avec des pintes de bière ou des mugs de café lors de leurs retrouvailles à Berlin, fin mai, pour la visite d’Etat du dirigeant français.

Mais ce qui est certain, c’est que le couple franco-allemand accuse un gros coup de fatigue tant les divergences entre Paris et Berlin n’ont cessé de grandir. “L’Allemagne est sans doute aujourd’hui l’un des pays européens dont le modèle économique fait de dépendances multiples à la Russie, à la Chine et aux Etats-Unis, est le plus bousculé”, constate Emmanuel Macron dans l’entretien donné à L’Express.

Comment lui donner tort ? Même les Allemands ont compris la nécessité de transformer leur modèle. Mais attention, pas avec les méthodes françaises. “L’obsession du triptyque macronien : on centralise, on planifie et on fait du performatif, ce n’est pas leur truc !” résume Ludovic Subran, chef économiste chez Allianz. Pour Berlin, l’heure n’est pas à l’improvisation. D’où un certain attentisme, source de crispations côté français.”

Accumulation de mésententes

Le contexte politique n’aide pas : bancale, la coalition dirigée par le chancelier Scholz se prépare dans la douleur aux élections de septembre 2025, reléguant toute décision importante à plus tard. Mais même cette asthénie généralisée ne fait pas oublier à nos voisins leur fétichisme du contrôle de la dépense publique. Autant ils assument la fatigue de leur moteur économique, autant ils s’inquiètent de l’état de la dette publique française. Deux façons de voir les choses, qui expliquent l’accumulation de mésententes au sein du couple.

A Paris, on insiste sur les défis tentaculaires à relever pour l’Europe et les besoins d’investissements requis : soutien à l’Ukraine, transition énergétique, protection du marché européen… A Berlin, on écoute poliment les grands discours français, mais en catimini, on verrouille depuis plusieurs années déjà l’influence germanique dans les instances européennes. “Les idées sont françaises, mais derrière ce sont les Allemands qui appuient sur le bouton”, résume Hans Stark, professeur de civilisation allemande contemporaine à Sorbonne Université. Deux façons de faire, qui, là encore, ne concourent pas à raccommoder les deux pays. Et pourtant, la complémentarité entre les deux premières économies de l’Union européenne est une évidence. “Nous n’avons que des points de convergence, mais on ne se parle pas, voire on se snobe”, regrette Ludovic Subran.

L’accord récent entre les deux ministres de la Défense sur le futur char franco-allemand témoigne d’une timide volonté d’avancer. Quitte à enterrer les sujets de fâcheries ? “Il y a des hommes politiques éclairés en France et en Allemagne qui ont dit que des pays qui ont la même monnaie ne s’enfermeront plus jamais dans des querelles”, disait Angela Merkel.