Macron et le nucléaire : pourquoi il faudra construire bien plus que 14 EPR

Macron et le nucléaire : pourquoi il faudra construire bien plus que 14 EPR

Agnès Pannier-Runacher avait préparé le terrain en annonçant début janvier que la France irait au-delà de six nouveaux EPR. Emmanuel Macron a confirmé le cap lors de sa conférence de presse mardi soir. « La priorité dans les prochains mois sur la planification écologique est de déployer le plan qui est le nôtre sur le terrain », a estimé le chef de l’Etat. En matière de nucléaire, cela signifie notamment mettre en chantier un nombre important de réacteurs. A ce titre, Emmanuel Macron donnera en juin prochain « les grands axes » pour les huit EPR venant compléter les six premiers. Avec 14 nouvelles installations dans les tuyaux, la France poursuit donc son virage en matière de politique énergétique. « Il y a six ans, personne n’était d’accord sur le nucléaire », a même reconnu le chef de l’Etat.

Les perspectives qui se dessinent pour l’énergie de l’atome restent pourtant en deçà de celles que préconisent certains experts. Dans une interview récente accordée à La Tribune, André Merlin, fondateur de RTE, a tenu à clarifier les besoins du pays. Selon ses calculs, pour arriver à un mix énergétique composé pour 3/4 de nucléaire et 1/4 d’énergies renouvelables, nous aurions besoin de mettre en service deux EPR par an à partir de 2035, soit un total de 50 nouvelles unités d’ici à 2060.

Un défi industriel

Dominique Grenêche, docteur en physique nucléaire, et membre du collège des experts de Patrimoine nucléaire et climat, s’est livré lui aussi à un calcul pour L’Express. « Si nous souhaitons maintenir la capacité actuelle de production d’électricité nucléaire – 61,7 gigawatts – et si nous parvenons à prolonger la durée d’exploitation à 60 ans pour tous les réacteurs, il nous faudra mettre en service 30 EPR de 1,65 gigawatt en 2050 au plus tard ». Un chiffre important qui s’explique notamment par le renouvellement des vieilles installations, dont le chef de l’Etat ne parle pas. Comme la plupart d’entre elles ont été mises en service en 1990 ou avant, il faudra les remplacer au plus tard en 2050. « Si on compte huit ans de délai entre le premier béton et la connexion au réseau électrique, le trentième EPR doit être mis en chantier en 2042. A l’opposé, les deux premiers réacteurs du parc actuel (Bugey 1 et 2) d’une puissance cumulée de 1 800 MW ont été mis en service en 1978. Ils devraient être « mis à la retraite » au plus tard en 2038, si l’Autorité de sûreté veut bien donner son autorisation, ce qui n’est pas gagné d’avance », détaille Dominique Grenêche.

Le défi, extrêmement relevé d’un point de vue industriel, rappelle le fameux plan Messmer lancé en 1974. A l’époque, le prix du baril de pétrole explosait. Il fallait trouver une solution à la crise énergétique. La France avait donc lancé la construction de 13 centrales nucléaires, et maintenu son effort dans le temps pour porter son parc à plus de 50 unités. A l’époque, la dynamique était si forte que cinq à sept réacteurs pouvaient être mis en service certaines années. La France peut-elle réitérer cet exploit ? C’est possible, estime Cécile Maisonneuve, conseillère auprès du centre Energie et Climat de l’Ifri et chroniqueuse à L’Express. A condition de construire en série et de réduire de manière drastique la durée des procédures administratives. L’enjeu est de taille car n’en déplaise à certains écologistes, la France devra mobiliser beaucoup d’électricité pour atteindre ses objectifs de décarbonation. Nous avons donc besoin de tout le volume pilotable possible.

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