Macron veut doubler le budget de l’UE : visionnaire ou candide ?

Macron veut doubler le budget de l’UE : visionnaire ou candide ?

Il n’y a pas d’argent magique. Et pourtant, Emmanuel Macron veut y croire encore. Difficile d’accepter le sevrage. Alors que le chef de l’Etat défend la sobriété budgétaire en France – le mot rigueur est tabou ! –, il appelle désormais à délier les cordons de la bourse au niveau européen. “Le budget européen reste beaucoup trop faible à lui seul […] Il faut donc doubler la capacité financière d’action commune. Est-ce que ça passe par un endettement commun ? Par le mécanisme européen de stabilité, inventé en 2012, pendant la crise des dettes souveraines mais sous-utilisé aujourd’hui ? Par davantage de mobilisation de la Banque européenne d’investissement ? Je ne veux pas préempter le débat, mais il faut l’avoir !”, a-t-il expliqué longuement dans une interview exclusive accordée à L’Express.

Si le diagnostic d’Emmanuel Macron sur la situation européenne est juste – la faiblesse des moyens financiers de l’UE -, ses propositions radicales sont sujettes à caution. Car avant de parler de nouvel emprunt en commun, encore faut-il trouver les moyens de rembourser le précédent. Or, aujourd’hui, rien n’est acté et les divisions au sein des 27 Etats membres sont profondes. Une bombe qui pourrait bien éclater à la face de la prochaine Commission européenne, laquelle sera chargée de dessiner les contours du futur budget européen.

Petit flash-back : en juillet 2020, à la sortie du premier confinement, les 27 s’accordaient pour lancer un grand emprunt en commun de 750 milliards d’euros pour panser les plaies de la pandémie, éviter un effondrement économique et préparer l’avenir. Une avancée historique puisque les “frugaux” du club européen, aux premiers rangs desquels l’Allemagne, avaient toujours refusé l’idée de ces fameux Eurobond. Mais, à l’époque, les présidents et les chefs de gouvernement européens s’accordent aussi sur un autre point : pas de contribution supplémentaire des Etats pour rembourser cet emprunt. L’Union européenne devra donc trouver des ressources propres. Alors que l’argent devrait continuer à être versé jusqu’en 2026, l’UE doit commencer à rembourser ces créanciers dès 2028… et ce pendant 30 ans ! Soit 25 milliards d’euros chaque année, d’après les estimations de la Commission européenne. “Une somme considérable compte tenu des moyens financiers de l’UE,” confirme un haut fonctionnaire de la Commission.

Où trouver l’argent si on ne veut pas tronquer les budgets de la politique agricole commune ou ceux des fonds structurels ? Parmi les solutions avancées : la création d’un impôt minimum sur les multinationales, le fléchage de la taxe carbone aux frontières ou un prélèvement sur les échanges de quotas d’émission. Problème : en quatre ans, les 27 n’ont avancé sur aucune de ces pistes. Et de nouvelles idées souvent saugrenues sont venues s’ajouter, comme une taxe sur le gaspillage alimentaire, une autre sur les déchets électroniques, les revenus en cryptodevises ou un impôt sur les entreprises pratiquant encore des différences salariales entre les hommes et les femmes… Comme quoi en Europe, on n’a pas d’argent, mais on a des idées.