Non, il n’y a pas une seule langue par pays

Non, il n’y a pas une seule langue par pays

Les Suisses parlent-ils le suisse ? La question paraît absurde tant la réponse est évidente : non, évidemment. Dans la Confédération helvétique, les quatre langues nationales sont l’allemand, le français, l’italien et le romanche. Alors pourquoi cet article commence-t-il ainsi, me demanderez-vous ? Eh bien parce que, souvent, nous raisonnons comme si à un pays correspondait une langue, et une seule. A la Russie, le russe. A l’Espagne, l’espagnol. A la Chine, le chinois, et ainsi de suite. Lors de ses vœux télévisés, le 31 décembre dernier, Emmanuel Macron déclarait encore : « La France, c’est une culture, une histoire, une langue » [c’est moi qui souligne]. La réalité, on va le voir, est (beaucoup) plus complexe.

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Comme la Suisse, de nombreux pays possèdent en réalité plusieurs langues disposant d’un statut officiel ou administratif. Le Canada, comme on le sait, en a deux (l’anglais et le français). Le Luxembourg, de dimension pourtant modeste, en compte trois (le luxembourgeois, l’allemand et le français). L’Afrique du Sud, elle, n’en reconnaît pas moins de 12, dont l’anglais, le zoulou et le xhosa.

D’autres Etats, tout en possédant un seul idiome officiel pour l’ensemble du pays, accordent un statut de co-officialité à d’autres langues sur une partie de leur territoire. Prenons l’exemple de l’Italie, avec le français, dans le val d’Aoste, et l’allemand, dans le Trentin-Haut-Adige (notamment). On pourrait également citer les Philippines, l’Espagne, l’Irak, les Pays-Bas et bien d’autres.

La diversité culturelle au sein d’un même pays est encore plus frappante si l’on prend en compte les langues qui ne disposent pas d’un statut officiel. Championne du monde toutes catégories, la Papouasie-Nouvelle-Guinée n’en possède pas moins de… 885, selon les calculs de l’université de Laval, au Québec. Elle devance l’Indonésie (779), le Nigeria (543) et la Chine (542), où l’on ne parle pas seulement mandarin, loin de là.

Ce foisonnement se vérifie – à un degré moindre – en Europe. A l’exception de petits Etats comme l’Islande, le Liechtenstein et le Vatican, tous les pays du Vieux Continent possèdent en effet plusieurs idiomes, dont certains plus de 10. On en recense 12 en Finlande, en Suède et en Suisse ; 13 en Ukraine ; 14 en Espagne, en Grèce, en Pologne et en Serbie et 15 aux Pays-Bas.

Et la France ? Elle fait encore mieux, avec pas moins de 22 langues en métropole (sans compter la langue des signes) – mais aussi une cinquantaine outre-mer. Une situation logique, au demeurant : dans notre pays – historiquement multilingue, rappelons-le – le français ne s’est en effet répandu dans toutes les régions qu’au XXᵉ siècle. Au point que, sur le Vieux Continent, seule la Russie affiche une diversité plus grande encore, avec 100 langues, dont 56 sont parlées en Europe et 44 en Asie – à noter toutefois que son territoire est 34 fois plus vaste que le nôtre.

La variété existe même au sein de nos régions. La Bretagne compte ainsi deux langues historiques, le breton, dans l’Ouest, et le gallo, dans l’Est. Il en va de même pour les Hauts-de-France, avec le picard et le flamand. En Alsace, l’alsacien voisine avec le francique, le franc-comtois, le welche, le yéniche et le judéo-alsacien. Outre-mer, Mayotte possède le shimaoré et le shibushi. Quant à la Nouvelle-Calédonie, elle est riche à elle seule d’une vingtaine de langues. Sans vouloir manquer de respect au chef de l’Etat, on se permettra d’ajouter que les Pyrénéens ne parlent pas « pyrénéen », contrairement à ce qu’il a affirmé lors d’un voyage en Corse (vers 1’10), mais, selon les lieux, basque, occitan, catalan ou aragonais.

Terminons cet article par deux chiffres. Selon l’Unesco, on compterait sur la planète environ 6 000 langues pour quelque 200 Etats. Sans être exactement un génie des mathématiques, il est aisé d’en conclure que la pseudo-équivalence « un pays = une langue » ne tient pas. Et que le monde est placé sous le signe d’une réjouissante – mais fragile – diversité culturelle.

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Pourquoi un demi de bière contient-il un quart et non la moitié d’un litre ?

On dit les Français râleurs et près de leurs sous, et pourtant… Quand nous commandons « un demi » dans un café, le serveur nous apporte un verre de 25 centilitres, c’est-à-dire d’un quart de litre, et nous ne protestons pas. L’explication ? Il y en aurait deux, selon nos confrères de Slate. La première : ce terme serait la survivance d’une unité de mesure en usage en Normandie au Moyen Age, le demiard. La seconde : en fait, notre « demi » correspondrait non pas à un demi-litre, mais à une demi-pinte, laquelle équivaut chez les Britanniques à environ 50 centilitres.

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Quand un festival français défend les films français… en anglais !

Prétendre défendre sa culture sans recourir à sa propre langue : il fallait oser. C’est pourtant un nom anglais qu’a choisi « le premier festival en ligne entièrement dédié au cinéma francophone », qui se déroule du 19 janvier au 19 février : MyFrenchFilmFestival. Un choix baroque, que les responsables justifient ainsi auprès de L’Express : « Nous avons choisi l’anglais afin d’atteindre un public international et donc d’assurer une diffusion plus large du cinéma français à l’étranger. » Ce festival est soutenu par le gouvernement, le Centre national du cinéma et l’Institut français.

Le Québec donne priorité au français dans les commerces, les Etats-Unis s’inquiètent

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Langues régionales : manifestation lycéenne le 7 février devant l’Assemblée nationale

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Près de Rennes, le succès croissant du gallo

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Etudiez l’histoire et la langue normandes à l’université

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Participez à la grande dictée occitane

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A Marseille, Les Trompe-la-mort de l’An II

En 1793, plusieurs villes du Sud se soulevaient pour défendre leurs libertés contre le pouvoir parisien. Cette pièce d’André Neyton retrace la lutte qui se produit alors entre deux conceptions de la Révolution : le centralisme jacobin et le fédéralisme girondin. Une création où se mêlent le français et l’occitan.

Les Trompe-la-mort de l’An II, d’André Neyton. Les 2 et 3 février, à 20 h 30, et le 4 février, à 16 heures, au théâtre des Chartreux (Marseille).

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Où va la langue française ?

Défendre les langues régionales, c’est aussi le meilleur moyen de défendre le français contre l’anglais, car c’est défendre la diversité culturelle. C’est l’idée que j’ai eu la chance de pouvoir exposer, mardi 23 janvier, dans l’émission de Flavie Flament Jour J, sur RTL, en compagnie du linguiste Jean Pruvost.

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Les Béarnais et les Basques ont la réputation de ne pas s’entendre. C’est faux. La preuve avec ce chant polyphonique interprété en euskara par un trio de femmes : les Basques Hélène Ithurritze et Lili-Jeanne Barrère (mère et fille) et la Béarnaise Fanny Châtelain. Je sais bien que je ne serai jamais objectif en la matière, mais écoutez cela et dites-moi si vous ne trouvez pas cela magnifique.

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