Pollution chimique : “Elle est responsable d’une part considérable de nos maladies”

Pollution chimique : “Elle est responsable d’une part considérable de nos maladies”

Les polluants chimiques sont partout autour de nous. Que l’on soit au bureau, dans la nature ou chez soi, ils sont présents dans l’air, dans l’eau, dans nos vêtements mais aussi dans nos aliments et les objets qui rythment le quotidien. Ces polluants sont multiples et leurs conséquences à long terme peuvent être dévastatrices. Pourtant, les connaissances sur les effets de la pollution chimique sur notre santé restent très lacunaires.

Dans le but de sensibiliser décideurs et citoyens à la nécessaire prévention des risques liés à la pollution chimique et développer la recherche dans ce domaine majeur, Yves Levi, professeur à la faculté de pharmacie de l’université Paris Sud, membre de l’Académie nationale de pharmacie et de l’Académie nationale de médecine, a présenté un livre blanc sur le sujet à l’Assemblée nationale, ce mercredi 31 janvier. Pour L’Express, il revient sur les enjeux d’acquérir davantage de connaissances sur un dossier qu’il considère “aussi important que le réchauffement climatique”.

Vous le dites dans votre document, environ 40 000 à 60 000 produits chimiques sont commercialisés dans le monde. Dispersés dans la nature, ils contaminent l’air, l’eau, les aliments d’origine végétale et animale, les objets du quotidien… Sait-on quels sont leurs effets sur la santé ?

Yves Levi : D’abord, il y a beaucoup plus que 40 000 à 60 000 produits chimiques. Il y en a des dizaines de milliers d’autres. Ceux qui sont chiffrés, ce sont les plus grandes masses, ce sont ceux qui circulent le plus et que l’on connaît déjà. Ces polluants chimiques, on les retrouve partout, il est presque impossible d’y échapper. Ce n’est plus la pollution visible qui est celle des gros nuages et qu’on imaginait autrefois : aujourd’hui, elle est invisible et quotidienne.

A chaque étape de notre journée, de notre vie, nous sommes exposés à ces polluants. C’est l’exposition à tous ces polluants en même temps et de façon répétée, qui induit des effets sur la santé. La somme de ces mélanges de produits, auxquels nous sommes exposés jour après jour depuis l’embryon, induit des problèmes de développement, de fertilité, d’asthme, de cancer… Une part considérable de nos maladies sont liées à la pollution chimique de l’environnement.

L’attention politique et médiatique se concentre régulièrement sur certains de ces polluants : perturbateurs endocriniens, polluants éternels… Mais vous déplorez un manque de connaissance sur le sujet. Finalement, connaît-on la toxicité, ou le degré de toxicité des interactions entre polluants ?

Au fil des recherches, la connaissance de ces mélanges s’améliore. Plus nous acquérons de connaissances sur le sujet, plus nous sommes inquiets. D’autant que nous ne cessons de découvrir de nouveaux mélanges de ces polluants.

Nous avons des méthodes de mesure biologique, mais lorsque l’on observe ces fusions de polluants chimiques dans l’environnement, on n’est pas encore capable de dire à l’avance quels en seront les effets. Nous disposons de moyens, et d’outils, mais ils n’ont pas encore l’ampleur nécessaire pour accélérer la connaissance. Il faut imaginer que c’est une pression globale planétaire, il n’y a pas de frontière. La pollution agit sur l’écosystème et sur l’homme. On en retrouve partout. Et pourtant on ne considère pas ça comme une pression aussi forte que le changement climatique. La pollution chimique on en entend parler, mais on n’y met pas l’intensité en besoin de recherche pour aller plus vite vers les solutions de prévention afin de limiter les risques. On connaît beaucoup de choses suffisamment graves pour alerter, en termes de présence de ces polluants et de risque pour la santé, mais beaucoup de choses sont à améliorer pour pouvoir mieux prévenir. La recherche a encore besoin de se développer, avec le soutien d’un investissement significatif.

Vous avez présenté votre livre blanc aux parlementaires ce mercredi 31 janvier. Qu’attendez-vous des pouvoirs publics ?

L’une des missions de la fondation de l’Académie de médecine, c’est d’assurer une interface entre les très grandes connaissances du monde scientifique et le grand public. Le premier objectif de ce livre blanc, qui est accompagné d’un glossaire, est donc de faire en sorte que tous les acteurs se parlent, dont les associations de consommateurs, les élus locaux, les parlementaires et les scientifiques. Il faut réussir à mieux communiquer, mieux expliquer, pour que les citoyens comprennent l’étendue du problème, et puissent parfois mieux se protéger chez eux. Il faut savoir qu’aujourd’hui, nous devons déjà gérer des problèmes liés à ces mélanges de polluants chimiques, notamment lorsque des communes coupent l’eau du robinet parce que leur teneur n’est pas bonne.

A l’heure où il est de bon ton de vouloir faire “sauter les normes”, je pense au contraire qu’il est nécessaire d’en établir dans ce domaine, et de s’y tenir pour protéger la santé et l’environnement.

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