A quel âge devient-on senior au travail ? : décryptage d’une peur qui touche une partie des cadres

A quel âge devient-on senior au travail ? : décryptage d’une peur qui touche une partie des cadres

Est-ce l’âge qui fait le senior ? 42 % des 16-25 ans perçoivent les personnes âgées comme une charge pour la société, 30 % des jeunes pensent que les seniors ne sont pas une ressource importante pour le futur de la société, mais, paradoxalement, pour 83 % d’entre eux, ils sont aussi une source d’inspiration (“2e Baromètre des Relations Intergénérationnelles”, Service Civique Solidarité Seniors, 29/04/2024). Une étude glaçante qui reflète le rejet d’une population par une autre. Or, cette évolution nous touche tous inévitablement, en mode “on naît, on vit, on trépasse” (Audiard, Les tontons flingueurs). La version plus pessimiste retiendra le thriller cinquantenaire Soleil vert.

Il faut s’y faire : en 2050, plus du tiers de la population aura plus de 60 ans, contre 20 % en 2000. Le ressenti est moins lourd en sport : une athlète de gymnastique rythmique devient senior à 18 ans, alors qu’au même âge certains n’ont toujours pas commencé leurs études de médecine. A 35 ans, certains deviennent chirurgiens quand les footballeurs raccrochent les crampons. Quid du senior en entreprise ? “Il existe une différence entre le ressenti des recruteurs et de ceux qu’ils recrutent”, indique Aude Boudaud, directrice au sein du cabinet de recrutement Robert Walters.

“Une fois qu’ils ont passé la quarantaine, les salariés pensent souvent qu’ils deviennent seniors et se mettent une très forte pression. Ils estiment que le pic de la carrière se fait avant 45 ans”. Pourtant, selon Aude Boudaud, “c’est plutôt entre 45 et 55 ans que cela se joue”. Or, 23 % des entreprises révèlent avoir déjà écarté une candidature sur un critère d’âge, voire le font régulièrement, indique une enquête de Robert Walters (premier trimestre 2024).

Travailler sur les idées préconçues liées à l’âge

Le “vieux”, le senior, ne serait bon qu’à augmenter le coût de la mutuelle de l’entreprise, à avoir un salaire élevé, à être peu flexible avec des méthodes dépassées et on le convoque pour lui parler de tutorat ou de retraite. Agilité des jeunes contre arthrose des seniors ? C’est une discrimination au sens légal : “aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination… aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte… en raison de son âge” (article L 1132-1 du code du travail).

D’autres études vont dans le même sens : “Les entreprises demeurent réticentes à recruter des cadres seniors [55 ans et plus]… Les cadres avec vingt ans d’expérience ou plus sont toujours la catégorie la moins favorisée dans les intentions de recrutement : ils représentent environ 5 % du total… Les obstacles à leur retour à l’emploi ont été largement documentés, parmi lesquels certains rejets de la part des recruteurs, appuyés sur des stéréotypes globaux et négatifs de nature discriminatoire” (“Projections professionnelles des cadres séniors. Un engagement protéiforme mais une volonté commune de transmettre”, Apec, avril 2024). Or, 78 % des entreprises se disent inquiètes quant à la pénurie de talents. Quid de l’inclusion des seniors avec un recul de l’âge de la retraite et d’une limite d’âge de 70 ans dans le privé et de 67 ans dans le public ? Pour Robert Walters, “travailler sur les idées préconçues liées à l’âge pourrait permettre d’attirer de nouveaux profils”. “En tant que cabinet de recrutement, notre rôle est de pousser les entreprises à réfléchir à leurs pratiques de recrutement, et à leur proposer des profils vers lesquels elles ne se tourneraient pas spontanément”, insiste Aude Boudaud.

Les jeunes générations aideront-elles les chasseurs de têtes ? Selon Elodie Gentina, docteure en sciences de gestion et professeure à l’IESEG School of Management, si 79 % des adultes placent à 70 ans l’âge du senior quand 40 % des 13-15 ans le mettent autour de 40 ans, 92 % des moins de 30 ans en entreprise estiment que le rapprochement intergénérationnel est important. Des jeunes qui répondent “OK boomer” à leurs parents ayant parfois sacrifié leur vie au travail, quand eux ne le placent pas au centre de leur vie, rappelle l’auteure de Manager la génération Z en entreprise (Dunod, 2023).

Des jeunes ancrés dans le présent mais aussi impliqués par la “générativité” (préoccupation d’un engagement pour les générations futures, notamment définie par Erickson en 1963). Des “Z” avides de transmission, ascendante et descendante.

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