Acupuncture, homéopathie… Faut-il encore financer la recherche sur ces pratiques farfelues ?

Acupuncture, homéopathie… Faut-il encore financer la recherche sur ces pratiques farfelues ?

Plusieurs études récentes sur l’acupuncture – dont certaines ont même été publiées dans des revues de premier plan – ont abouti à des conclusions positives. L’une d’entre elles, par exemple, suggère que l’acupuncture améliore la fonction langagière, la qualité de vie et la déficience neurologique des patients ayant subi un accident vasculaire cérébral. Une autre laisse entendre que l’acupuncture atténuera les problèmes neurologiques qui accompagnent souvent le diabète. Comme presque toutes les études faisant état de résultats positifs de l’acupuncture ou d’autres thérapies alternatives, ces essais ont en commun de présenter des défauts majeurs qui remettent sérieusement en question leurs conclusions optimistes. Cela m’amène à conclure que l’acupuncture n’est en fait guère plus qu’un placebo théâtral qui ne mérite pas que l’on poursuive les recherches.

Sans surprise, les partisans de l’acupuncture trouvent mon verdict inacceptable. Cela soulève deux questions connexes qui tourmentent les chercheurs depuis des décennies : 1) à quel moment peut-on supposer qu’une thérapie ne fonctionne pas ? 2) Pourquoi voit-on encore tant d’études sur des traitements qui ne sont pas efficaces ? Comme nous le verrons, les réponses à ces questions varient d’une personne à l’autre.

Les adeptes des médecines alternatives ont du mal à accepter qu’un essai clinique positif soit invalidé simplement parce qu’il présente des faiblesses méthodologiques. Même les études carrément négatives ne les convainquent pas. Au contraire, ils souligneront que l’étude a été mal faite, que le traitement a été mal appliqué, que les thérapeutes ont été mal formés, que les patients ont été mal choisis, etc. Comme il existe des dizaines de variantes d’une thérapie alternative donnée et des centaines d’affections pour lesquelles elle est censée fonctionner, il est pratiquement impossible de persuader les enthousiastes que leur traitement bien-aimé est inefficace. Même une quantité écrasante de preuves sera donc balayée du revers de la main.

Gaspillage de ressources

A l’autre extrême, on trouve les scientifiques intransigeants pour qui la médecine alternative est une aberration risible. Ils ont tendance à mettre l’accent sur la science fondamentale et non sur les essais cliniques. Ils soulignent ainsi que, pour de nombreuses thérapies alternatives, il n’existe pas de mode d’action biologiquement plausible. Les homéopathes, par exemple, défient la science lorsqu’ils affirment que leurs dilutions ne contenant pas une seule molécule active peuvent affecter notre santé, et les acupuncteurs sont victimes d’un vœu pieux lorsqu’ils croient que planter une aiguille dans notre corps rééquilibre les deux forces vitales imaginaires, le yin et le yang, censées déterminer notre santé.

La plupart des scientifiques sont convaincus que toute affirmation qui va à l’encontre de la science ne devrait pas être soumise à des tests scientifiques, car cela constituerait non seulement un gaspillage de ressources, mais donnerait également une crédibilité imméritée au charlatanisme. En d’autres termes, ils affirment que tester des hypothèses invraisemblables ne peut conduire à des thérapies efficaces.

Les partisans de la médecine fondée sur les preuves se retrouvent souvent entre ces deux attitudes. D’une part, ils soulignent que le rejet de tout ce qui manque de plausibilité pourrait nous faire manquer l’aiguille bizarre dans la botte de foin. D’autre part, ils mettent en garde contre le fait que la croyance des enthousiastes n’est pas un guide fiable pour progresser. Ils préconisent donc une évaluation critique des preuves existantes. Pour l’acupuncture ou l’homéopathie, par exemple, nous disposons aujourd’hui de centaines d’essais cliniques. Bien sûr, nombre d’entre eux présentent de graves lacunes. C’est pourquoi nous ne devrions pas accepter leurs conclusions sans les soumettre à une évaluation critique. Les défenseurs de la médecine fondée sur les preuves estiment donc qu’il faut, dans un premier temps, récupérer tous les essais cliniques disponibles et, dans un deuxième temps, les examiner attentivement. Cette méthodologie – qu’ils appellent l’examen systématique – devrait nous permettre de nous rapprocher le plus possible de la vérité.

En théorie, cette approche semble raisonnable, mais on ne peut nier qu’elle comporte aussi des pièges. Le principal d’entre eux est que les chercheurs ne peuvent jamais être totalement exempts de préjugés. C’est particulièrement vrai pour ceux qui travaillent dans le domaine de la médecine alternative. Sur mon blog, j’ai créé ce que j’appelle satiriquement “The alternative medicine hall of fame” [NDLR : le temple de la renommée de la médecine alternative] pour les chercheurs qui, tout au long de leur vie professionnelle, parviennent à ne publier que des résultats positifs pour leur thérapie préférée. Il semble évident qu’une telle réussite n’est possible qu’avec un manque quasi total d’objectivité.

En Chine, des études toujours positives sur l’acupuncture

L’exemple le plus extrême à cet égard est probablement la recherche sur l’acupuncture en Chine. Plusieurs groupes ont montré de manière indépendante que pratiquement tous les essais réalisés dans ce pays avec cette thérapie donnent des résultats positifs. En d’autres termes, soit l’acupuncture guérit tous les maux de l’humanité, soit quelque chose ne va pas dans ce corpus de recherche. La première hypothèse semble impossible, tandis que la seconde est étayée par le fait qu’environ 80 % des résultats de recherche provenant de Chine sont fabriqués.

Si ces chercheurs publient ensuite une analyse systématique de leur thérapie – comme c’est souvent le cas – on ne peut pas s’attendre à un résultat impartial. En d’autres termes, même les revues systématiques doivent être prises avec des pincettes. Mon conseil est de les examiner d’un œil critique, d’en savoir plus sur les auteurs, la revue et les commanditaires de la recherche.

Comme nous l’avons vu, les réponses à la question de savoir à quel moment on peut supposer qu’une thérapie est inefficace et à quel moment il est absurde de continuer à financer de nouvelles recherches sont très différentes selon la personne à qui l’on s’adresse. Les enthousiastes voudront invariablement que la recherche se poursuive, même si elle est désespérément inutile. Les scientifiques veulent interdire d’emblée le financement de recherches invraisemblables. Quant aux partisans d’une médecine fondée sur des données probantes, ils souhaitent que des analyses systématiques fiables soient réalisées pour éclairer leurs décisions.

Le nœud du problème est, bien entendu, que la science n’est pas un bon outil pour prouver une réponse négative. En fait, il n’existe pas d’outil idéal pour cela. Vous pouvez, par exemple, faire autant de recherches que vous voulez, mais vous ne pourrez jamais prouver que les OVNI ou les fantômes n’existent pas. Dans le cas des thérapies alternatives telles que l’acupuncture ou l’homéopathie, le verdict se résume à un jugement éclairé d’un panel de personnes à la fois compétentes et indépendantes.

D’une certaine manière, cela répond également à la question de savoir pourquoi nous continuons à financer des études sur des traitements qui ne sont manifestement pas efficaces : les panels de personnes qui sont à la fois bien informées et indépendantes sont rares. D’après mon expérience, ils sont plus nombreux que les groupes d’experts autoproclamés, mal informés et partiaux. Si j’ai raison, cela signifie qu’à l’avenir, nous continuerons à voir plus de recherches sur les thérapies alternatives qui sont, en fait, inutiles. Pire encore, ces recherches inutiles seront souvent menées par des partisans convaincus de ces traitements, financés par des agences de financement incompétentes. Le résultat final est que le public sera de plus en plus induit en erreur quant à la valeur des médecines alternatives.

Et malheureusement, il n’y a pas de solution facile à ce dilemme. Peut-être devrions-nous nous assurer qu’avant de se lancer dans un projet de recherche, une personne soit formée de manière adéquate non seulement à la méthodologie, mais aussi à l’éthique de la recherche. Et peut-être devrions-nous interdire à ceux qui ont l’habitude de publier des résultats invraisemblables les uns après les autres de continuer à faire de la recherche.

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