Adidas vs Nike : la polémique autour de la “Mannschaft” qui met l’Allemagne en émoi

Adidas vs Nike : la polémique autour de la “Mannschaft” qui met l’Allemagne en émoi

“Je ne peux à peine m’imaginer le maillot allemand sans les trois bandes”, le signe emblématique d’Adidas. Le ministre de l’Economie et vice-chancelier allemand Robert Habeck va pourtant devoir s’y faire. La Fédération nationale de football (DFB) a révélé ce jeudi 21 mars un partenariat avec le géant américain Nike pour la période 2027-2034, mettant fin à 77 ans de fidélité à l’entreprise bavaroise Adidas.

Un véritable séisme qui provoque l’émoi dans le pays à moins de trois mois du coup d’envoi de l’Euro 2024 masculin sur le sol allemand (14 juin – 14 juillet), notamment dans les plus hautes sphères politiques allemandes. “Adidas et le noir-rouge-or”, couleurs du drapeau allemand, sont “indissociables”, comme “une part de l’identité allemande”, a poursuivi le ministre de l’Economie Robert Habeck. “J’aurais apprécié un peu plus de patriotisme local”, a taclé l’écologiste.

“Erreur”, a tranché le ministre de la Santé Karl Lauterbach, à propos du choix d’une entreprise américaine pour équiper la Mannschaft, déplorant que “le commerce détruise une partie de la patrie et une tradition”. “L’équipe nationale qui joue avec les trois bandes, c’était aussi clair que le ballon est rond et qu’un match dure 90 minutes”, s’est aussi ému le conservateur Markus Söder, chef du gouvernement de Bavière, région du sud de l’Allemagne et berceau d’Adidas.

L’affaire est même remontée dès ce vendredi jusqu’à… Olaf Scholz : interrogé à ce sujet à l’issue d’un sommet de l’UE à Bruxelles, le chancelier allemand a préféré botter en touche. “La DFB a décidé, elle ne m’a pas demandé mon avis”, a-t-il déclaré, ajoutant que “l’important est que des buts soient marqués”. Dans le jargon sportif, on appelle ça botter en touche.

“Une affaire d’argent”

Car au-delà des milieux politiques, la réprobation est généralisée dans le pays. “C’est de nouveau une affaire d’argent”, pointe l’influent magazine Der Spiegel, alors que des informations du quotidien économique Handelsblatt, non confirmées, font état d’un contrat de 100 millions d’euros par an. Selon le journal populaire Bild, le patron d’Adidas Bjorn Gulden avait proposé mercredi une offre de dernière minute améliorée, entre 60 et 65 millions par an.

Un vrai “affront” pour le groupe basé à Herzogenaurach, un peu plus d’une semaine après la présentation de sa collection de maillots pour l’Euro, dont l’un assorti d’un dégradé de rose et de violet qui avait fait jaser dans le pays, souligne aussi le quotidien Süddeutsche Zeitung. C’est dans cette ville de Bavière, où l’équipementier est né après la Seconde guerre et où il a toujours son siège, que la Mannschaft installera son camp de base durant l’Euro à venir. Adi Dassler, fondateur du groupe, avait personnellement vissé les crampons du buteur allemand Fritz Walter avant la finale gagnée de la Coupe du monde 1954, qui a scellé le lien entre Adidas et la sélection.

“Incroyable, l’équipe nationale appartient à Adidas, c’est incompréhensible qu’on puisse choisir un géant américain” à sa place, a réagi auprès de l’AFP Moritz Steinmann, 25 ans, étudiant et fan de foot à Francfort, alors que les commentaires de fans inconsolables ou en colère sont innombrables sur les réseaux sociaux.

“Nous comprenons l’émotion”

La fédération de football allemande avait de son côté déjà anticipé les réactions négatives. “Nous comprenons toute émotion”, a-t-elle déclaré sur X quelques heures après l’annonce du contrat. La rupture avec Adidas “ne nous laisse pas froid”. Mais Nike a présenté “de loin la meilleure offre économique”, a justifié la fédération, qui lui permettra de remplir tous ses engagements, y compris en faveur du développement durable du football féminin et de la promotion des sports amateurs.

Etant donné les problèmes financiers de la DFB, c’est “une bonne affaire qui intervient au bon moment”, a estimé Christoph Breuer, de l’Institut pour l’économie du sport et la gestion du sport de Cologne auprès de l’AFP. “La tradition ne paie pas les factures”, a résumé Bild.

Dans une Allemagne en plein marasme économique, qui doute de son attractivité, l’éviction d’Adidas assombrit encore le tableau, après qu’un autre symbole de l’industrie germanique a mordu la poussière : le constructeur automobile Volkswagen a été évincé comme partenaire de l’Euro 2024 par son jeune rival chinois BYD.

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