Agriculture : comment réduire la consommation de viande… et contenter tout le monde ?

Agriculture : comment réduire la consommation de viande… et contenter tout le monde ?

C’est un volet clef de la réduction des émissions de gaz à effet de serre lié à l’alimentation qui reste encore oublié des politiques publiques. Comment réduire les émissions venant de l’élevage ? Alors que la contestation agricole bat son plein en France, le rapport du Haut conseil pour le climat, dévoilé ce jeudi, souligne l’importance d’engager une véritable transition dans l’agriculture et pointe en particulier la consommation de produits carnés.

Dans le bilan carbone de la France, l’agriculture représentait en 2021 près de 18 % des émissions. Parmi les sources d’émissions, les épandages d’engrais azotés qui participent à la production de gaz à effets de serre, ou encore l’utilisation d’engins à moteur et des chaudières. Mais la principale source d’émissions directes reste l’élevage, avec plus de 59 % du bilan total, une part composée dans son immense majorité (83 %) de dégagement de méthane lié aux rots des bovins. Ce secteur représente donc un levier majeur pour réduire le bilan carbone de l’agriculture et parvenir à tenir les objectifs de neutralité carbone de la France d’ici 2050.

Des habitudes tenaces

Or, depuis quelques décennies, la consommation de viande est en augmentation, de façon presque ininterrompue. Entre 1970 et 2021, les Français ont quasiment doublé la place accordée à la viande dans leur alimentation. “Cette hausse a démarré dans l’après-guerre, en premier lieu en raison de l’augmentation du niveau de vie, mais aussi parce que les prix de la viande ont diminué sous l’effet du développement de la grande distribution”, explique Charlie Brocard, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). Aujourd’hui, une partie importante de la consommation se fait au restaurant ou dans des préparations à base de viande.

De fait, si les émissions de l’élevage ont diminué de 15 % entre 1990 et 2021, ce n’est pas en raison d’une baisse de la consommation, mais à cause de la réduction du cheptel liée aux difficultés socio-économiques du secteur, rappelle le HCC dans son rapport. En conséquence, la France a augmenté ses importations. “En vingt ans, celles de viandes et de préparations de volailles ont été multipliées par plus de quatre”, souligne le HCC. Aujourd’hui 20 % de la viande bovine et 30 à 40 % du porc ou de la volaille consommés en France sont importés.

Raison pour laquelle l’organisme indépendant n’appelle pas à une réduction du cheptel en France, comme le recommandait la Cour des comptes en mai dernier, mais à une stratégie globale de réduction de la consommation. “Cela ne sert à rien de donner des consignes de diminution du cheptel bovin si la consommation ne diminue pas en parallèle, car on augmente alors les importations dont le poids carbone est supérieur à celui de la production européen”, expliquait Marion Guillou, membre du Haut conseil pour le climat, lors d’une conférence de presse. Selon les travaux du HCC, une baisse de la consommation d’au moins 30 % aiderait à réduire de moitié les émissions d’origine agricole d’ici 2050.

Inclure l’ensemble des acteurs

Mais comment y arriver, alors que le sujet de l’alimentation est devenu ces dernières années particulièrement clivant politiquement ? Certaines méthodes permettent dès à présent de réduire les émissions directes des bovins, comme la gestion de leur alimentation, des effluents, ou l’extension des élevages en prairies. Surtout, le HCC plaide pour encourager le développement de nouvelles filières, comme celle des légumineuses, qui permettraient d’augmenter la part de protéines végétales dans les assiettes. “Nous devons avoir une approche d’ensemble qui encourage la réduction des produits d’origine animale et leur substitution, pour que les efforts qui sont faits dans l’agriculture et l’élevage en France se traduisent par des réductions d’émissions au niveau global”, détaille Corinne Le Quéré, présidente du Haut conseil pour le climat.

Inciter la restauration collective à proposer plus d’offres végétales, réguler la publicité et les offres promotionnelles… L’organisme appelle à ne pas cibler uniquement les agriculteurs et les consommateurs mais à inclure l’ensemble des acteurs. “Situés entre l’amont et l’aval de la chaîne, les industriels et les distributeurs ne sont pas considérés comme des maillons importants dans cette transition. C’est un problème”, confirme Charlie Brocard. “La grande distribution pourrait mettre mieux en valeur les produits locaux et bas carbone, en ajoutant des critères de soutenabilité dans leurs approvisionnements, cela permettrait de réduire les émissions lors des étapes intermédiaires, à condition d’optimiser les chaînes logistiques”, ajoute Corinne Le Quéré.

Les bénéfices de ces pratiques sont nombreux. Une étude de l’Institut pour l’économie du climat (I4CE) parue en février dernier soulignait que la baisse de la consommation de viande contribuerait également à améliorer la souveraineté de la France en matière alimentaire en réduisant la part des surfaces dédiées à l’alimentation animale. Ainsi, une diminution de 30 à 50 % des troupeaux de bovins permettrait de libérer 3 à 5 millions d’hectares de terres arables, qui pourraient ensuite être dédiées à l’alimentation humaine. De quoi nous rendre moins dépendant des importations. “Cette réduction de la voilure permettrait aussi de valoriser une production moins émettrice en carbone auprès du consommateur, et ainsi mieux la rémunérer”, ajoute Corinne Le Quéré. Le bonheur est encore possible dans le pré.

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