Assurance chômage : l’objectif inavoué de Gabriel Attal

Assurance chômage : l’objectif inavoué de Gabriel Attal

Depuis son arrivée à Matignon, il ne s’en est jamais caché : Gabriel Attal veut durcir encore d’un cran les règles de l’assurance chômage, thème récurrent de l’exécutif depuis 2019. Si le projet était bien dans les tuyaux gouvernementaux, le coup de massue budgétaire reçu en début de semaine avec la publication officielle du chiffre du déficit public pour 2023 à 5,5 % – au lieu des 4,9 % anticipés par Bercy – a de toute évidence accéléré les choses.

Invité du 20 Heures de TF1, mercredi 27 mars, le Premier ministre a annoncé qu’une nouvelle réforme de l’assurance chômage aurait lieu “cette année”. Les contours ne sont pas encore dessinés avec précision. Gabriel Attal a ainsi évoqué sa volonté de réduire la durée d’indemnisation “de plusieurs mois mais pas en dessous de 12 mois”, contre 18 mois actuellement. Il envisage également la possibilité de toucher au montant de l’allocation-chômage et à sa dégressivité.

Les caisses de l’Unédic dans le viseur

Un sérieux tour de vis à venir, au nom de l’incitation au retour à l’emploi. Ce sont pourtant bien deux objectifs à la fois distincts et liés qui entrent en collision : celui du plein-emploi, d’une part, visé pour 2027 et celui d’un déficit public à 3 % – sacro-sainte règle du traité de Maastricht bientôt assouplie -, fixé à la même échéance. Cette nouvelle réforme, la troisième en l’espace de cinq ans, est surtout censée permettre à l’Etat d’alléger sa charge budgétaire. D’après la Cour des comptes, il faudra trouver 60 milliards d’euros d’ici fin 2027 pour rentrer dans les clous de Bruxelles. La pente est raide et le délai est court. Pour autant, gare à la précipitation. “On a mis en place deux réformes en 2019 et 2023 et on va en élaborer une autre avant même d’avoir évalué les effets des précédentes”, déplore Christian de Boissieu, professeur émérite à l’université Paris-I et vice-président du Cercle des économistes.

Sans avoir le fin mot de l’histoire, difficile pour l’instant de chiffrer précisément les économies qui pourraient être réalisées. Quoi qu’il en soit, l’Etat ira piocher dans les caisses de l’Unédic – excédentaires de 3,6 milliards d’euros, après 4,3 milliards d’euros en 2022. Il a déjà ponctionné 2 milliards en 2023 et compte en prélever 10 milliards de plus d’ici 2026. L’assurance chômage, bien que fortement reprise en main par l’Etat ces dernières années, est gérée de façon paritaire par l’Unédic, elle-même pilotée par les partenaires sociaux. “Quand vous êtes dans cet ordre de grandeur, vous pouvez y aller et surtout vous n’avez pas besoin d’arguments, l’objectif budgétaire étant déguisé avec une lecture partiale et partielle de la littérature économique, qui ne démontre en rien la reprise d’emploi des personnes dont la durée d’indemnisation est réduite. C’est bien un argument d’autorité”, assure l’économiste Bruno Coquet.

La qualité de l’emploi, angle mort ?

Et en durcissant un peu plus les règles, le gouvernement ne résout en rien la problématique de la qualité de l’emploi. “L’idée est de faire en sorte que l’inactivité paye moins que le travail et non de rendre ce dernier plus attractif, mais les gens n’arrivent déjà pas à vivre de leur salaire quand ils travaillent à temps plein”, regrette le spécialiste du marché du travail. Pour Daniel Labaronne, député Renaissance et économiste, “il faut à la fois être un peu moins généreux sur l’assurance chômage et réduire l’écart entre le salaire net et le salaire brut, par une baisse des cotisations.”

L’offensive de Gabriel Attal ne semble en tout cas pas risquée d’un point de vue social. Contrairement à la réforme des retraites, “cela ne met personne dans la rue”, soutient Bruno Coquet. Si la grogne sociale ne prend pas forme et que les milliards d’économies affluent, le gouvernement aura coché toutes les cases.

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