Assurance-vie : le fonds en euros retrouve de sa superbe

Assurance-vie : le fonds en euros retrouve de sa superbe

Avec 1 923 milliards d’euros d’épargne logée dans des contrats d’assurance-vie à fin 2023, cette enveloppe est un véritable mastodonte dans le paysage patrimonial de Français. Un poids largement dû aux qualités du fonds en euros, qui recueille 71 % de ces sommes. Sa garantie en capital, sa liquidité et son rendement en ont fait un placement incontournable dans la plupart des foyers. Une position partiellement remise en cause ces dernières années du fait d’une rémunération en chute libre et de la mise en place de nombreuses contraintes à l’investissement.

Mais la communication des assureurs sur les rendements 2023 confirme ce qui avait été pressenti l’an dernier : cette ère est désormais derrière nous. “Le contrat multisupport, qui combine le fonds en euros à capital garanti et des unités de compte, est un produit très intéressant du point de vue du client car il allie la capacité de prendre du risque de manière très diversifiée et la sécurité, grâce au fonds en euros qui reste le socle de l’assurance-vie”, estime Philippe Perret, directeur général de Société Générale Assurances.

2023, une année faste sur les marchés financiers

Alors que les taux d’intérêt ont remonté et que les obligations qui composent l’essentiel de cet actif affichent des rémunérations plus attractives, les compagnies ont levé les barrières à l’entrée de ce support garanti. “Actuellement, il est possible de faire du 100 % fonds en euros sur nos différents contrats”, assure Yves Conan, directeur général du courtier Linxea, qui référence quatre assureurs.

Mieux, pour attirer les épargnants, ces derniers ont fortement relevé le rendement servi en 2023. Initialement attendu autour de 2,5 % par Good Value for Money, le taux moyen du marché pourrait finalement se consolider un cran au-dessus. Les gestionnaires de ces supports ont profité d’une année faste sur les marchés financiers où les obligations comme les actions se sont bien comportées. Pour autant, la plupart des compagnies ont aussi puisé dans leurs réserves – les provisions pour participation aux bénéfices – afin d’alimenter la rémunération servie à leurs clients. “Nous avons été prévoyants depuis plusieurs années dans l’optique de faire face à la remontée des taux d’intérêt et le moment est venu d’utiliser ces réserves qui appartiennent aux assurés, souligne Odile Ezerzer, directrice Macif Finance Epargne. Nous sommes sereins pour le faire dans la mesure où la performance de nos placements s’améliore en parallèle.”

La montée en puissance des bonus

A ce jeu, tous les acteurs n’ont pas les mêmes cartes en main. Selon l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), les assureurs disposaient fin 2022 de 5,4 % de réserves. Mais ces dernières sont inégalement réparties : cinq entités concentrent les deux tiers de ces sommes, principalement des bancassureurs. Sans surprise, ces derniers sont donc largement remontés dans le classement des meilleurs taux. “Nous sommes en mesure de redistribuer une partie de nos réserves financières pour proposer un fonds en euros compétitif par rapport aux rendements de l’épargne réglementée, des autres livrets d’épargne, des comptes à terme et des obligations d’Etat”, souligne Philippe Perret, à la Société Générale. Une concurrence qui fait apparaître le niveau de 3 % comme une référence à atteindre.

Cette redistribution est d’ailleurs encouragée par l’ACPR : “L’Autorité étudiera les évolutions de la rémunération servie au titre de 2023, et notamment la redistribution progressive de la provision pour participation aux bénéfices constituée ces dernières années afin de maintenir une rémunération attractive pour les épargnants”, indique le régulateur dans sa feuille de route pour 2024.

La saison est également marquée par une amplification des politiques de bonus. De plus en plus de compagnies modulent le rendement servi en fonction de différents critères : principalement la part du contrat allouée à des unités de compte mais aussi, parfois, le niveau d’encours. Apparus il y a une dizaine d’années, les bonus se sont progressivement répandus pour devenir la norme. Rares sont les établissements qui s’y refusent : essentiellement des mutuelles avec une clientèle plutôt averse au risque. A la Macif, seul le contrat patrimonial y recourt mais le sujet reste à l’étude pour le contrat grand public. “Nos adhérents regardent la concurrence et il est vrai que le fait de surrémunérer ceux qui acceptent une prise de risque peut déclencher l’investissement, donc nous ne fermons pas la porte, estime Odile Ezerzer. Cela doit toutefois rester simple, compréhensible et cohérent pour nos sociétaires.”

En concurrence avec les livrets et les comptes à terme

Or, chez certains acteurs, les bonus deviennent une part conséquente de la rémunération globale. A titre d’exemple, la fourchette de taux sur le contrat Helios Sélection du Conservateur s’étage de 1,1 % à 4,2 %. Les règles d’attribution sont parfois absconses, surtout lorsque ces bonus peuvent se combiner avec des offres promotionnelles ponctuelles sur les versements. Par exemple, Suravenir propose actuellement un supplément de taux de 2 % sur Suravenir Opportunités 2 pour tous les versements effectués en 2024. “Attention à bien étudier les conditions de ces offres, alerte Yves Conan. Les bonus peuvent parfois être perdus si l’on retire ses capitaux en cours d’année, avec un risque de déception énorme chez les épargnants.” Sortez vos calculettes !

Ces efforts suffiront-ils à faire revenir les épargnants ? En 2023, les versements nets des retraits se sont limités à 2,4 milliards d’euros, contre 20 milliards les années fastes, comme 2018 ou 2019. De nombreux assurés ont retiré de l’argent de leur assurance-vie, pour faire face notamment à l’inflation. “Dans l’immobilier, la hausse des taux et les conditions resserrées d’accès au crédit ont aussi incité les Français à moins recourir à l’emprunt et à davantage mobiliser leur épargne pour disposer d’un apport personnel plus conséquent”, analyse Franck Le Vallois, directeur général de France Assureurs.

Cette année, le contexte reste peu porteur mais il pourrait s’améliorer au fil des mois. “Si les taux d’intérêt baissent comme le prévoient les experts, la rémunération des livrets et des comptes à terme va décliner d’autant, ce qui rendra le fonds en euros plus compétitif”, prédit Yves Conan. Ces dernières années, les épargnants ont toutefois pris le parti – par la contrainte ou pour améliorer la performance de leur épargne – de s’exposer davantage au risque. La part des versements affectés aux unités de compte a ainsi atteint 41 % l’an passé, les assurés profitant d’unités de compte attrayantes et peu risquées – fonds obligataires datés, sicav monétaires, produits structurés à capital garanti à l’échéance… – pour diversifier leur contrat, tout en décrochant des bonus sur le fonds en euros. Une combinaison payante.

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