Brésil : entre Macron et Lula, un partenariat stratégique sur les sous-marins

Brésil : entre Macron et Lula, un partenariat stratégique sur les sous-marins

Après le décor luxuriant de la forêt, la Légion d’honneur pour le cacique Raoni et l’annonce d’un programme visant à lever “un milliard d’euros d’investissements” verts pour l’Amazonie brésilienne et française, place aujourd’hui à l’économie et l’industrie des sous-marins… Le président français Emmanuel Macron poursuit, mercredi 27 mars, sa visite d’Etat au Brésil, vouée à marquer le rapprochement avec le géant latino-américain, moteur parmi les pays émergents. Mercredi matin, les deux présidents se retrouvent près de Rio de Janeiro, sur le chantier naval d’Itaguaí, pour la mise à l’eau du troisième d’une série de quatre sous-marins de conception française à propulsion conventionnelle.

La livraison à la Marine brésilienne du Tonelero, un sous-marin “Scorpène” de conception française, s’intègre dans un partenariat stratégique inédit entre Paris et Brasília, qui doit aboutir à la construction par le Brésil de son premier sous-marin à propulsion nucléaire. La cérémonie renvoie à décembre 2008 et à la signature par le président français d’alors, Nicolas Sarkozy, et déjà Luiz Inacio Lula da Silva, d’un vaste accord stratégique portant aussi sur la vente de 50 hélicoptères et sur un contrat de 6,7 milliards d’euros pour développer les capacités sous-marines du Brésil et son industrie.

Défendre l'”Amazonie bleue”

Fort de ses 8 500 kilomètres de côtes, le Brésil entend en effet assurer la sécurité de ce qu’il nomme l'”Amazonie bleue”, son immense zone économique exclusive par laquelle transite plus de 95 % de son commerce extérieur et d’où est extrait environ 95 % de son pétrole. Un premier volet prévoit la construction au Brésil par ICN, coentreprise entre Novonor (ex-Odebrecht, géant brésilien du BTP) et Naval Group, de quatre sous-marins Scorpène à propulsion diesel-électrique, un modèle que Naval Group a déjà vendu au Chili, à l’Inde et à la Malaisie.

Des ingénieurs et techniciens brésiliens ont été formés à Cherbourg, tandis que Naval Group fournit les plans, certains équipements et une assistance technique. Ce programme baptisé “Prosub” est présenté par l’industriel naval de défense français Naval Group, chargé de la construction des sous-marins, comme “le programme de transfert de technologie le plus complet jamais effectué”. Le deuxième volet du partenariat visait à construire une nouvelle base navale et un chantier de construction de sous-marins à Itaguaí. Celui-ci a été inauguré en 2018.

[#SUMMERTOUR] ⚓🌐🇧🇷 Naval Group has been present in Brazil since 2009, notably through our 41% owned joint-venture Itaguai Construcoes Navais. Its activity is focused on the construction of 4⃣ Scorpène submarines, ship maintenance and technology transfer for @marmilbr. pic.twitter.com/ZVPL1RaNue

— Naval Group (@navalgroup) August 5, 2021

Le Tonelero, lancé mercredi, est le troisième des quatre Scorpène à propulsion conventionnelle construit dans le cadre de ce partenariat après le Humaita, lancé en janvier et le Riachuelo, en service depuis septembre 2022. Le dernier, l’Angostura, doit être lancé en 2025. Ces bâtiments de 1 870 tonnes pour 71 mètres de long, peuvent tirer des torpilles lourdes F21 ou des missiles antinavires Exocet, également acquis auprès de l’industrie française de défense.

[#DIDYOUKNOW] ⚓️ All Four 🇧🇷 Scorpène submarines will be equipped with Naval Group’s new generation F21 heavyweight torpedo. Brazil is our 1st export client to benefit from F21 and the Scorpène the 1st conventional submarine to ever be equipped with it. pic.twitter.com/lw3khKfkiy

— Global Defense Insight (@Defense_Talks) January 15, 2024

Propulsion nucléaire

Brasília pourrait également faire appel à Paris pour l’aider à développer la propulsion nucléaire sur un cinquième sous-marin, l’Álvaro Alberto. Ce qui ferait du Brésil le premier pays à disposer de cette technologie, après les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. La France est restée jusqu’ici très réticente à tout transfert de technologies en la matière, en raison des défis de la prolifération nucléaire.

Naval Group fournit une assistance technique pour la conception du bâtiment, sauf pour sa partie nucléaire, la chaufferie nucléaire étant conçue par les Brésiliens. Le projet accumule les retards, notamment en raison de difficultés budgétaires, et le sous-marin est dorénavant prévu en 2036-2037, selon la Marine brésilienne. Brasília cherche à convaincre Paris d’accroître ses transferts de technologies pour l’aider à intégrer le réacteur dans le sous-marin et de lui vendre des équipements liés à la propulsion nucléaire (turbine, générateur).

À l’occasion de la visite d’Etat d’Emmanuel Macron au Brésil, les présidences française et brésilienne annoncent un retour en grâce de leurs relations diplomatiques, après les années noires de la présidence de Jair Bolsonaro.

Obligations de non-prolifération

“Il y a des échanges sur la possibilité que la France coopère avec nous, y compris sur l’énergie nucléaire, le combustible nucléaire”, selon la responsable Europe de la diplomatie brésilienne, Maria Luisa Escorel de Moraes, qui reconnaît qu’il s’agit d’un “dossier stratégique, sensible, délicat”. Dans un rapport en juillet, des sénateurs français mettaient en avant “des problématiques” liées aux obligations de non-prolifération en cas de coopération plus poussée avec le Brésil ; ils appelaient toutefois à “étudier toutes les possibilités, alors que l’accord Aukus devrait donner lieu à la livraison à l’Australie de sous-marins à propulsion nucléaire par les Etats-Unis”.

Après cette visite, le président français rejoindra ensuite la capitale économique, Sao Paulo, pour vanter les mérites des entreprises françaises au Brésil et faire la promotion de la France auprès des investisseurs brésiliens.

Paris est le quatrième investisseur au Brésil, avec plus de 40 milliards de stocks d’investissements directs dans le pays. Emmanuel Macron se rendra ensuite, jeudi 28 mars, dans la capitale Brasília pour un échange avec Lula au palais présidentiel de Planalto, dominé par les grands enjeux internationaux.

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