Classes moyennes : pourquoi elles redoutent l’avenir

Classes moyennes : pourquoi elles redoutent l’avenir

Le président de la République s’y est engagé lors de sa grande conférence de presse le 16 janvier. Les Français de classe moyenne bénéficieront d’une baisse d’impôts de 2 milliards d’euros en 2025. Mais de qui parle-t-on exactement ? C’est ce qu’a tenté de clarifier l’Institut Montaigne, un centre de réflexion, dans une étude publiée ce mercredi 24 janvier.

Si deux tiers des Français pensaient en faire partie en 2023, selon une étude de la Fondation Jean-Jaurès, la “classe moyenne” reste une notion aux contours flous. Et pour cause, “aucune définition ne permet ainsi actuellement de représenter, de manière juste et consensuelle, la ou les “classes moyennes françaises”, explique Lisa Thomas-Darbois, directrice adjointe des études France à l’Institut Montaigne.

1 français sur 2 ferait partie de la classe moyenne

Pour la chercheuse, le revenu serait une première piste. Ou du moins, permettrait de circonscrire la “classe moyenne” entre les 30 % de Français les plus modestes et les 20 % de Français les plus riches. Toutefois, il serait faux d’envisager la classe moyenne comme une entité homogène, dans la mesure où de fortes disparités de revenus coexistent au sein de cette catégorie qui représente la moitié de la population française. Raison pour laquelle la chercheuse préfère conjuguer au pluriel le terme “classes moyennes”.

Elle s’aligne sur la base de données publiée par le centre de recherche Crédoc, qui sépare les classes moyennes en deux catégories, inférieures et supérieures. 30 % des Français appartiendraient à la première, avec un revenu compris entre 1 440 et 2 260 euros par mois. Et les 20 % restants seraient ainsi composés des Français de classes moyennes supérieures, dont le revenu mensuel oscille entre 2 260 et 3 110 euros. Lisa Thomas-Darbois parle d’une “bipolarisation de la classe moyenne”, fruit selon elle, “d’une progression moins rapide des revenus des classes moyennes par rapport au niveau de vie médian”.

La peur du déclassement social

L’auteure du rapport note une “peur” de l’avenir commune à toutes les classes moyennes, qui peut notamment s’expliquer par une augmentation des dépenses contraintes (également appelées dépenses “pré-engagées”, par exemple liées au logement ou aux assurances). Selon l’OCDE, le logement représentait près d’un tiers du budget des classes moyennes en 2019, une part qui a considérablement augmenté depuis le début des années 2000. “Les nouvelles générations ont désormais moins de chances de faire partie des classes moyennes que les générations précédentes en raison d’une baisse tendancielle des revenus intermédiaires”, estime l’Institut Montaigne.

Les classes moyennes partagent la crainte d’un déclassement social : “Cette peur de perdre, beaucoup plus qu’il n’est statistiquement possible de perdre, est une caractéristique inhérente aux classes moyennes”, décrypte Lisa Thomas-Darbois. L’auteure souligne toutefois l’attachement fort des classes moyennes aux institutions et à la méritocratie. Dans un sondage Ipsos réalisé en 2023, 59 % des personnes de classes moyennes déclaraient avoir “plutôt confiance” en l’école, contre 53 % de la population appartenant aux classes populaires et défavorisées et 43 % des classes privilégiées et aisées.

Le sentiment d’injustice fiscale

Ce, malgré un sentiment d’injustice qui persiste et tend à s’accroitre. Celui de contribuer sans véritablement recevoir en retour : “Les classes moyennes sont celles pour lesquelles le bénéfice de la redistribution tend à s’annuler au regard des contributions versées”, pointe l’étude de l’institut Montaigne, qui révèle que la part de bénéficiaires de la redistribution s’établit à moins de 50 % pour les personnes situées au niveau de vie médian, tandis qu’elle est de 85 % pour les 30 % d’individus les plus modestes.

Pourtant, “la force contributrice des classes moyennes dans le système de redistribution est une réalité”, souligne Lisa Thomas-Darbois. À eux seuls, les Français de classes moyennes représentent 40 % des foyers fiscaux et contribuent aux impôts directs à hauteur de 100 milliards d’euros par an. Soit près de cinq fois plus que les classes populaires.

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