Covid : pourquoi les antivax sont plus sujets aux effets indésirables

Covid : pourquoi les antivax sont plus sujets aux effets indésirables

Existe-t-il un lien entre l’orientation politique et la défiance envers les vaccins, voire le sentiment antivax ? De nombreux scientifiques se sont penchés sur cette question, en particulier depuis la pandémie Covid-19. Une étude publiée le 29 mars dans la revue Jama Network Open apporte de nouvelles précisions. Selon ces travaux, les citoyens des Etats américains à majorité républicaine, le parti de Donald Trump, sont plus susceptibles de signaler des effets indésirables après avoir reçu un vaccin contre le Covid-19 que les habitants des Etats à majorité démocrate, le parti de Joe Biden. Avant de parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont examiné, entre 2020 et 2022, plus de 620 000 entrées de la base de données du Vaccine Adverse Event Reporting System (VAERS). Ce système de surveillance permet aux patients, aux médecins et aux fabricants de vaccins de signaler volontairement les symptômes survenus après la vaccination.

Les chercheurs ont alors découvert qu’une augmentation de 10 % des votes en faveur du parti républicain lors de la dernière élection présidentielle était associée à trois effets : une augmentation de 5 % de risque qu’un effet indésirable après la vaccination Covid soit signalé, une augmentation de 25 % de risque qu’un effet indésirable grave soit signalé et, enfin, une augmentation de 21 % de risque qu’un effet indésirable signalé soit grave. Les auteurs de l’étude ont effectué la même analyse avec les vaccins antigrippe, afin de découvrir s’ils étaient sujets au même phénomène, mais n’ont trouvé aucun lien entre les déclarations d’effets secondaires et le vote républicain. Ce qui suggère que la défiance envers ces vaccins n’est pas plus importante chez les républicains que chez les démocrates. Un résultat logique, puisque l’essentiel des attaques antivaccins des dernières années aux Etats-Unis – mais aussi en France – concerne les injections contre le Covid-19.

Les républicains plus antivax que les démocrates

“Les résultats sont intéressants et basés sur une méthodologie acceptable”, juge Mahmoud Zureik, professeur d’épidémiologie et de santé publique à l’université de Versailles-Saint-Quentin. “VAERS inclut les déclarations des personnes qui ont de vrais effets indésirables, qui pensent simplement en avoir, et les déclarations des complotistes qui arrosent la base d’effets indésirables fictifs : il y a donc un peu de tout et de n’importe quoi, ce qui en fait un outil particulièrement adapté pour ce type d’étude qui mesure la perception des effets”, explique-t-il. “Il s’agit d’un travail assez solide”, confirme le sociologue Jeremy Ward, chargé de recherche à l’Inserm et co-coordinateur du réseau SHS Vaccination France, qui a également analysé l’étude.

Les deux spécialistes ne sont, en tout cas, pas surpris des résultats. Ils les jugent cohérents avec de précédents travaux. “Aux Etats-Unis, il a été établi que le pourcentage de personnes antivaccin au Covid-19 ou ayant des réticences vis-à-vis des politiques sanitaires est plus élevé chez les républicains que chez les démocrates” indique le Pr Zureik. Plusieurs études ont aussi démontré que la mortalité liée au Covid-19 est plus importante dans les Etats républicains. Et des travaux publiés en juillet 2023 dans la revue Jama Internal Medicine montrent que les Américains qui ont voté pour des candidats républicains dans les Etats de l’Ohio et de Floride en 2017 avaient une mortalité équivalente aux démocrates jusqu’en 2021, mais qu’une fois les vaccins mis sur le marché, leur mortalité a été supérieure, car ils se sont moins vaccinés contre le Covid-19 que les démocrates. Un résultat que les chercheurs ont pu démontrer grâce à un registre qui lie le vote et le statut vaccinal des citoyens américains.

En France, les antivax plutôt apolitiques, ou aux extrêmes

“Ces résultats s’ajoutent à la littérature grandissante sur le rapport entre l’hésitation vaccinale et la déclaration d’effets secondaires, c’est-à-dire à la fois une plus grande propension à signaler aux autorités un événement indésirable quand il survient, mais aussi la possibilité qu’il existe un effet nocebo, soit des événements indésirables causés par des attentes négatives”, analyse Jeremy Ward. Ce dernier a d’ailleurs publié deux études qui montrent que l’hésitation vaccinale des Français est, elle aussi, liée à l’augmentation de déclarations d’effets indésirables : la première a été publiée en octobre 2022 dans la revue Drug Safety, la seconde en septembre 2023 dans le Journal of Psychosomatic Research.

Néanmoins, il reste plus compliqué d’établir un lien entre le vote des Français et leurs déclarations d’effets indésirables après une vaccination contre le Covid-19, ou même leur sentiment antivax. En effet, il n’existe pas, en France, de registre qui lie le statut vaccinal et le vote. Il serait par ailleurs illégal. “On peut imaginer que la situation est similaire ici, quoique, en moindre mesure. Mais en l’absence de données il est impossible de l’affirmer, confirme le Pr Zureik. Il serait cependant possible d’étudier les déclarations de la base nationale de pharmacovigilance par département ou région et les comparer avec les votes de 2022. Et il serait intéressant de savoir si les zones votant pour les partis les plus extrêmes déclarent davantage d’effets indésirables.”

Des précédents travaux, dont ceux de Jeremy Ward, ont en effet montré que les personnes les plus défiantes envers les autorités – politiques, économiques, médiatiques ou sanitaires – sont les plus susceptibles d’être opposées à la vaccination. “Le sentiment antivax se retrouve plutôt chez les personnes qui rejettent totalement les partis politiques ou qui sont proches des partis d’extrême droite, et dans une moindre mesure d’extrême gauche”, confie-t-il. Lors de la pandémie, les partis comme Les Patriotes de Florian Philippot, l’UPR de François Asselineau ou encore Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan ainsi que de nombreuses personnalités affiliées à l’extrême droite se sont illustrés par leurs positions antivaccins.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *