Dans la course à l’IA, la France entend sortir dans le peloton de tête, par Guillaume Avrin

Dans la course à l’IA, la France entend sortir dans le peloton de tête, par Guillaume Avrin

L’intelligence artificielle, au centre de toutes les attentions et spéculations depuis l’essor prodigieux de l’IA générative, va transformer notre société. Elle deviendra une composante clé des produits et services dans l’ensemble de l’économie, de la découverte de médicaments et de matériaux aux solutions au changement climatique. Une course technologique entre grandes nations s’est ainsi lancée sur les modèles dits “à la frontière”, de grande dimension et dont les capacités dépassent celles des modèles les plus avancés commercialisés en 2023. Elle est stimulée par les nouvelles perspectives économiques et de progrès social offertes par cette évolution. La France dispose d’atouts et entend bien sortir de cette course dans le peloton de tête.

Quels sont ces atouts ? D’abord, les talents et les entreprises déterminées capables de produire des modèles génératifs à l’état de l’art, notamment pour la génération de textes, comme Mistral, LigthOn ou OpenLLM France. Ainsi que dans la génération d’images (PhotoRoom), la génération de vidéos (Aive) et les applicatifs (Poolside, Nabla, Bioptimus, Comand.ai, Dust et beaucoup d’autres). C’est, au-delà, tout un écosystème national qui s’affaire avec ses plus de 600 start-up en IA, dont une dizaine de licornes.

Notre politique doit être d’accompagner ces initiatives et d’en faire des champions en leur assurant un accès aux ressources et infrastructures qui leur permettront de mener à bien leurs développements. Leur compétitivité dépendra du concours de talents en mathématiques, d’infrastructures de calcul, d’une source importante d’énergie décarbonée, de bases de données exhaustives et de qualité, sans oublier les spécificités culturelles françaises, et de moyens d’essais et d’évaluation représentatifs et indépendants.

Je me félicite à ce propos du travail accompli par les acteurs publics, et singulièrement celui de nos aînés : il existe déjà une filière de mathématiques fondamentales et appliquées, en prise directe avec l’industrie, probablement la plus sélective et la plus courtisée du monde. Nous bénéficions aussi d’un intégrateur de supercalculateurs Eviden, de clouders comme Scaleway et OVHCloud, d’une filière nucléaire, via EDF, premier électricien européen et sa capacité à préparer l’avenir à travers les Small modular reactors (SMR) et les Power Purchase Agreement (PPA), d’un réseau institutionnel d’informations et de données dans tous les domaines professionnels et culturels.

Guillaume Avrin, coordinateur national pour l’intelligence artificielle

L’open source, pilier de la stratégie tricolore

Sur l’IA générative, le volet de la Stratégie nationale pour l’IA consacré à cette technologie a été lancé par président de la République en juin 2023 à VivaTech, avec le financement d’infrastructures de calcul à hauteur de 550 millions d’euros et un appel à projets dédié aux communs numériques de l’IA générative. Nous avons conscience qu’une recherche publique de qualité est un moteur essentiel de notre capacité d’innovation. Nous poursuivons ainsi, en parallèle, le soutien massif d’un réseau de laboratoires organisé, articulé, optimisé et indépendant avec la mise en place des IA Clusters en relation avec les projets structurants de nos organismes nationaux de recherche Inria, CEA et CNRS au sein du PEPR IA. Ces activités de recherche ont également vocation à nous positionner sur les prochaines innovations de rupture, sur le “post-IA générative”. Des dispositifs intranationaux, comme France 2030, les fonds Bpifrance et TIBI 2, le CIR, les réformes fiscales (flat tax, BSPCE…), ou intra-européens, comme Horizon Europe et Digital Europe, contribuent par ailleurs à soutenir ponctuellement la R & D de nos entreprises en IA.

L’un des piliers de notre stratégie est l’open source. Ce mouvement incarne les principes fondamentaux de collaboration, d’accessibilité et d’innovation partagée. Il contribue à la démocratisation de l’IA, à la conduite de la rupture, à la prévention de la concentration du savoir-faire par quelques acteurs dominants. En encourageant le partage de codes sources et de données, l’open source permet à une multitude de talents, qu’ils soient issus de la recherche académique, de l’industrie ou de la société civile, de contribuer à enrichir l’IA par leurs propres domaines d’expertise et à la diffuser dans notre économie. Cette approche contribue à renforcer un écosystème souverain. Bien consciente de cet enjeu, la France a été pionnière dans le développement de modèle open source avec Bloom. Là encore, plusieurs initiatives privées (Kyutai, Mistral, Hugging Face, OpenLLM France…) ont soutenu cette ambition de la nation d’être le porte-drapeau de l’IA open source dans le monde.

Comme pour le nucléaire, l’IA offrira aux pays qui s’en doteront un statut de grande puissance

La France dispose donc de nombreuses ressources dans cette course à l’IA. Afin qu’ils puissent être davantage connus de tous dans une démarche d’attractivité, et pour orienter les innovations vers nos enjeux et nos besoins, nous projetons de lancer en 2024 un grand challenge sur l’IA d’usage général. Il aura pour objectif d’entraîner des consortiums internationaux et favoriser ainsi une montée en maturité rapide des technologies d’IA d’usage général sur des applications identifiées comme prioritaires pour la France et l’Europe. Dans ce cadre, nos champions nationaux auront ainsi la possibilité de se distinguer, d’apprendre des autres participants et de bénéficier d’outils d’évaluation adaptés aux modèles d’IA les plus avancés. Le pays aura un rôle de premier plan dans la mise en place d’une gouvernance internationale de l’intelligence artificielle, dans la continuité de l’AI Act et en lien avec le Partenariat mondial pour l’intelligence artificielle et l’OCDE. Le sommet de l’IA qui se tiendra en France d’ici la fin janvier 2025 et qui fait suite au Safety Summit organisé en novembre 2023 par le Royaume-Uni, sera une belle opportunité d’avancer sur ces sujets.

Des progrès, enfin, restent à faire. Si nous avons tout pour nous démarquer dans la compétition technologique, il nous faudra encore nous renforcer dans l’intégration des technologies dans des solutions finalisées et largement déployables répondant aux besoins de nos entreprises dans tous les domaines. Nous appelons nos grands groupes, notamment du Manifeste IA et du Comité stratégique de filière numérique de confiance, à construire des complémentarités avec nos start-up et accéder ainsi à l’étage supérieur, de filière industrielle nationale intégrée.

Si les modèles économiques français et européens ne permettent pas la comparaison avec la stratégie d’autres leaders mondiaux, basée sur des investissements privés colossaux, ils créent cependant des talents et une discipline exceptionnelle, nous offrant un avantage compétitif unique. Comme pour le nucléaire, l’IA offrira aux pays qui s’en doteront un statut de grande puissance, une position d’autorité sur la scène internationale, et contribuera à mettre à l’abri les générations futures.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *