Défense : la France doit continuer d’investir dans l’IA, par Eric Chol

Défense : la France doit continuer d’investir dans l’IA, par Eric Chol

Quand on pense intelligence artificielle, on pense le pape en doudoune, cette fameuse photo générée par Midjourney il y a un an, qui a fait depuis le tour des réseaux sociaux. On pense moins aux drones, supercalculateurs, ou systèmes d’armement. On a tort, car l’essor de l’intelligence artificielle provoque un tremblement de terre dans la défense. Et la France, dans le domaine, a de sérieux atouts à faire valoir pour émerger dans le peloton de tête de cette nouvelle course technologique.

En réalité, cela fait déjà belle lurette que nos gradés s’intéressent à l’IA, comme en témoigne la notoriété de nos start-up tricolores (Preligens, Comand AI, Helsing…). En 2018, le mathématicien Cédric Villani émettait déjà des recommandations pour le domaine militaire et celui du renseignement, dans son rapport sur l’intelligence artificielle. Il aura fallu attendre six ans pour voir celles-ci se concrétiser. Entretemps, la guerre en Ukraine et l’apparition de ChatGPT ont servi de catalyseurs, et l’acte de naissance de l’IA militaire vient enfin de paraître. C’est simple : sans IA, pas de défense viable ! C’est ainsi que Sébastien Lecornu, ministre des Armées, résume l’effort engagé par la France, avec l’annonce dans une interview aux Echos de la création d’une Agence ministérielle pour l’IA de défense (Amiad) et d’un supercalculateur.

Cette nouvelle structure regroupera dès cet été une cinquantaine de personnes (300 à terme), parmi lesquelles des chercheurs, des ingénieurs, des militaires. Décidée à devenir le champion militaire de l’IA en Europe, la France est allée chercher le patron de cette future agence dans le vivier des anciens de Google Deepmind, un des meilleurs laboratoires d’IA du monde. Pourquoi autant d’attentions ? Tout simplement parce que, loin d’être un effet de mode, l’IA va non seulement révolutionner le fonctionnement des entreprises privées et de l’administration civile, mais aussi celui des opérations de guerre et de notre ministère de la Défense. Face aux Etats-Unis, en pointe sur le sujet, mais aussi à la Chine ou demain à l’Inde, la France n’a pas d’autre choix que d’aligner ses données, ses talents et ses financements pour moderniser ses armées. Non seulement le coût (300 millions par an) n’est pas outrageusement élevé, mais il reste même raisonnable comparé à celui de nos équipements militaires (Rafale…).

Objet de tous les fantasmes, l’IA fait peur, et son irruption dans le domaine militaire ne va guère rassurer : on imagine déjà des robots en vareuse électronique progresser de jour et de nuit sur les terrains de combat. D’où le désir croissant de réguler l’IA militaire. Pour l’heure, il n’existe aucun contrôle. En mettre en place relèverait du bon sens, mais révélerait aussi une certaine dose de naïveté : aucun régime autoritaire ne s’y résoudrait. S’il est important de limiter les usages militaires de l’IA, il est surtout urgent de laisser libre le champ de la recherche en la matière. Pour rester fort, il faut s’en donner les moyens.

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