Déficit public : le pari risqué du gouvernement

Déficit public : le pari risqué du gouvernement

La confirmation par l’Insee, ce mardi 26 mars, du dérapage du déficit public à 5,5 % du PIB, contre les 4,9 % initialement prévus par Bercy, accentue encore la pression sur l’exécutif. Et lorsqu’on est au pied du mur, rien de tel que d’invoquer un serpent de mer pour détourner l’attention. Acculé par la dégradation des finances publiques, le gouvernement cherche des pistes tous azimuts pour sortir la France de la zone rouge. En haut de sa liste figure la mise à contribution des collectivités locales.

“Ce problème n’est pas nouveau. En 1986, un rapport commandé par Charles Pasqua concluait que les dépenses des collectivités locales évoluaient plus vite que celles de l’Etat et qu’il fallait les réduire”, se souvient Michel Bouvier, président de l’association pour la Fondation internationale de finances publiques (Fondafip). Sauf que le contexte a changé. En 2022, les collectivités ont dégagé un excédent de 4,8 milliards d’euros, après 4,5 milliards en 2021. La même année, le solde négatif de l’Etat a déraillé à 148,4 milliards d’euros, en hausse de près de 4 milliards d’euros. “Ce n’est pas simple. Globalement, les collectivités ne se portent pas si mal, elles vont même mieux que l’Etat. Mais leurs situations, localement, sont très diverses. Les taxer de manière indifférenciée n’est sûrement pas le bon choix”, juge un ancien haut responsable de la Cour des comptes.

Les collectivités craignent pour leur autonomie

Alors, par quel bout prendre cette participation à l’effort de guerre budgétaire ? Le 9 avril prochain, le Haut conseil des finances publiques locales, énième vigie lancée en grande pompe le 19 septembre dernier par Bruno Le Maire – mais bien silencieuse depuis -, se réunira pour aborder le sujet. “En cours d’année alors que les budgets locaux sont arrêtés, c’est difficile à appliquer. Il y a quelques marges de manœuvre sur certains postes comme les quelque 5 milliards d’euros de subventions des ministères aux collectivités que le gouvernement peut réduire discrètement si les crédits ne sont pas engagés”, anticipe Michel Klopfer, consultant spécialisé dans les finances des collectivités locales. Mais pour quelle efficacité ? “La stratégie de maîtrise des dépenses publiques doit viser là où on manque d’efficience. La politique du rabot est la plus paresseuse qui soit”, étrille l’ex-ponte de la Cour des comptes.

Les collectivités, elles, voient cette offensive comme une menace pour leur autonomie fiscale et financière. Elles gardent en travers de la gorge la suppression de la taxe d’habitation et celle, progressive, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). “Ce ne sont pas les mairies qui ont demandé que la taxe d’habitation soit nationalisée. Depuis 2010, si l’Etat avait simplement respecté sa parole et n’avait pas modifié les mécanismes, 71 milliards d’euros auraient pu renflouer les caisses des collectivités et l’Etat n’aurait pas eu à compenser”, pointe David Lisnard, le maire de Cannes et président de l’Association des maires de France.

Bras de fer à venir ?

Les collectivités invoquent également le besoin de répondre aux enjeux de la transition énergétique. Lors de sa dernière coupe budgétaire, le gouvernement a réduit de 400 millions d’euros le montant du fonds vert – qui leur est destiné – pour 2024. “Les collectivités locales sont pieds et poings liés parce qu’elles dépendent beaucoup des dotations de l’Etat. Elles n’ont que peu de ressources propres. Doit-on privilégier la soutenabilité des finances publiques au détriment du bon fonctionnement des communes, des départements et des régions ?”, s’interroge Michel Bouvier. “De plus en plus, l’Etat met sous tutelle les collectivités. Plus il a grossi, plus il leur a enlevé de l’autonomie, moins il a été efficace et plus les comptes se sont dégradés”, assure de son côté David Lisnard.

Si le gouvernement laisse la porte ouverte au dialogue, il semble, à en croire les récentes déclarations d’Emmanuel Macron et du ministre de l’Economie, bien décidé à pousser ses pions. Le bras de fer pourrait alors s’installer. “LR est marginalisé sur le plan national, mais il a encore un pouvoir local. Je ne vois pas ce qui pourrait les conduire à faire des fleurs au gouvernement, de même pour le PS qui a des places fortes localement”, juge un expert des finances locales. Le débat politico-comptable ne fait que commencer.

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