Des avions russes en Tunisie ? Ce rapprochement avec Moscou qui inquiète les Occidentaux

Des avions russes en Tunisie ? Ce rapprochement avec Moscou qui inquiète les Occidentaux

Des avions russes ont-ils atterri à l’aéroport de l’île tunisienne de Djerba ? C’est ce que rapportait, dimanche 19 mai, La Repubblica. Un article du quotidien italien a fait état d’avions “militaires russes” ayant atterri “ces derniers jours” sur cette île située à environ 130 kilomètres de la frontière libyenne. Si les autorités de Tunis sont restées muettes sur le sujet, Moscou a démenti lundi, qualifiant les informations de La Repubblica de “mensonges” et de “falsifications”.

La nature de cette présence militaire russe en Tunisie n’est pas encore clairement identifiée. Mais la nouvelle a inquiété les Etats-Unis, au moment où Moscou cherche à ancrer son influence en Afrique, en se posant comme un rempart contre le “néocolonialisme” supposé des Occidentaux. “Nous demeurons préoccupés par les activités de Wagner, et celles soutenues par la Russie sur le continent africain, qui alimentent les conflits et favorisent l’immigration irrégulière, y compris vers la Tunisie”, a réagi un porte-parole du département d’Etat américain auprès du quotidien italien.

Céréales, énergie…

Ces derniers mois, la présidence tunisienne a fait savoir qu’elle entendait renforcer ses liens avec la Russie. Dans un communiqué publié le 21 décembre, dans la foulée d’une “visite de travail” à Tunis du chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, la présidence tunisienne a dit vouloir “renforcer les liens forts d’amitié et de coopération fructueuse” avec la Russie, en citant comme domaines à approfondir, “les céréales, l’énergie, le tourisme, la coopération culturelle et scientifique et les échanges étudiants”.

La Russie avait indiqué être “prête” à fournir davantage de céréales à la Tunisie. Comme le rappelle Le Monde, les importations de céréales russes ont explosé en 2023 avec une augmentation de 435 % par rapport à 2022 pour atteindre une valeur totale d’environ 1,1 milliard de dinars (326 millions d’euros), selon l’Institut national de la statistique. Après quatre ans de stress hydrique et une saison 2023 catastrophique, la Tunisie doit importer la totalité de ses besoins en blé dur, blé tendre et orge jusqu’au printemps. Or le pays, très endetté, manque de liquidités pour financer ces importations, ce qui entraîne des pénuries régulières de farine. “Nous avons convenu de développer notre coopération dans tous les domaines”, soulignait à l’époque Sergueï Lavrov.

Malgré les sanctions internationales dont fait l’objet la Russie, Tunis a multiplié par trois ses importations de “houille, pétrole et dérivés” par rapport à l’année 2022, elle-même déjà bien supérieure aux années précédentes. Depuis l’invasion de l’Ukraine, en février 2022, la Tunisie a importé plus de pétrole russe que sur les neuf années précédentes, indique Le Monde.

“Un fruit mûr qui attend de tomber”

Sergueï Lavrov, qui n’était pas venu en Tunisie depuis 2019, a assuré que Moscou n’entendait pas supplanter les autres partenaires de la Tunisie, dans une allusion aux Etats-Unis et à l’Europe, le principal allié commercial et contributeur en termes d’aides du pays. La Tunisie, dirigée par le président autoritaire Kaïs Saïed, a traditionnellement été arrimée au camp occidental et son armée est très liée aux Etats-Unis. Tunis s’est vu octroyer en 2015 par Washington le statut “d’allié majeur non-membre de l’Otan”.

En outre, comme l’explique Le Monde, une coopération plus politique, notamment en matière électorale, s’est instaurée entre Moscou et Tunis. L’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), chargée de l’organisation des scrutins en Tunisie, a ainsi signé, le 15 mars, un mémorandum de coopération avec la commission électorale russe.

Une éventuelle évolution prorusse du pays, théorique à ce stade, marquerait donc une rupture. Elle n’est en tout cas pas impossible. L’opinion publique tunisienne critique en effet un “deux poids, deux mesures” supposé des Européens et des Américains dans la guerre sur la bande de Gaza. Cette perception sert le discours de Moscou sur un Occident qui serait d’ores et déjà disqualifié dans un contexte géopolitique aussi marqué par la double percée russe au Sahel et en Libye.