Emmanuel Macron face aux agriculteurs : la grande paralysie

Emmanuel Macron face aux agriculteurs : la grande paralysie

C’est la question à 1 000 euros, sinon plus au regard de la tournure des évènements : qui, à l’Elysée, a eu la drôle d’idée de fâcher les agriculteurs – plus qu’ils ne l’étaient déjà – en conviant les Soulèvements de la Terre au “grand débat” censé ouvrir le Salon de l’agriculture ? Au Château, on a cru bon de rejeter la faute sur des journalistes à l’oreille mal attentive, puis on a concédé “une erreur”. Mais qui, diable ? D’aucuns murmurent que l’idée est venue de deux conseillers, l’un chargé de l’agriculture, Matthias Ginet, l’autre, son supérieur, Benoît Faraco, chef du “Pôle écologie, agriculture, énergie, transports, logement”, un ancien proche de Nicolas Hulot, du temps où il était ministre de l’Ecologie. Celui-là même qui parvenait à retenir Hulot de faire un malheur. “Un militant écologiste de la première heure, râle un conseiller de l’exécutif, qui sait détricoter les projets de lois au service de ses idéaux.”

Ou peut-être est-ce une de ces idées “disruptives” dont Emmanuel Macron a le secret depuis le premier jour de son mandat, et qui lui ont réussi au temps des gilets jaunes. À l’époque, on avait salué “le show du président”, alors pourquoi pas rejouer le coup ? “La vérité se situe entre les deux”, murmure-t-on au gouvernement, où l’on a attendu toute la journée de savoir sur quel pied danser. Ira, ira pas ?

Emmanuel Macron rêvait d’un “je vous ai compris” gaullien devant un monde agricole pas vraiment satisfait des premières annonces faites par Gabriel Attal en janvier, mais surtout fatigué par l’inflation de communication gouvernementale. Le voici à deux doigts de trouver porte close au salon, sous la menace de sifflets et autres huées. Même François Hollande n’a jamais risqué accueil si brutal. La FNSEA, syndicat majoritaire bien peu belliqueux envers le pouvoir en temps normal lui a même tourné le dos. “Les syndicats agricoles ont voulu que ce salon ne soit pas “un salon comme les autres”. Ils avaient voulu un “débat” ouvert. Ils en demandent aujourd’hui l’annulation. Dont acte” a écrit le président sur X (ex-Twitter), rejetant la faute sur les organisations agricoles.

Western

Il se rendra tout de même Porte de Versailles, samedi 24 février, dès 8 heures du matin pour tenter de se raccrocher aux branches. Mais celles-ci se font de plus en plus minces, sur le point de rompre même. L’agriculture, de ces “domaines réservés” du président comme peut l’être l’Education nationale, n’a de cesse de s’embourber dans une crise qui paraît sans fin. “Nous vivons dans un pays où les agriculteurs ne peuvent plus vivre du juste prix payé”, constatait déjà Emmanuel Macron en 2017 lors d’un discours à Rungis. Un constat posé comme souvent très tôt mais dont les problématiques n’ont jamais été résolues. Et au fil des années, il a été demandé toujours plus aux agriculteurs : nourrir la France, nourrir une Europe où la concurrence est un western (avec ses normes déloyales et une grande distribution toute puissante) et, aussi, sauver la planète.

Une équation pas impossible mais qu’Emmanuel Macron n’est jamais parvenu à résoudre, installant une concurrence entre des conseillers, cités plus haut, honnêtes militants de la cause écologique, et des ministres, fervents défenseurs d’un modèle agricole vieillissant mais duquel les paysans n’ont pas les capacités de se défaire. Un en même temps ? Non, une paralysie. Le président, qui rêvait de “réconcilier la France”, vient d’échouer à mettre autour de la table le monde agricole, les ONG environnementales et la grande distribution ; trois univers qui se regardent en chien de faïence depuis trop longtemps. Un échec ? Non, un fiasco.

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