Emploi à domicile : la charge de la Cour des comptes contre le crédit d’impôt

Emploi à domicile : la charge de la Cour des comptes contre le crédit d’impôt

Les semonces de la Cour des comptes s’enchaînent, et se ressemblent : maîtriser les dépenses publiques. Tel est le refrain à l’heure où Bercy est sommé de faire des économies. Après avoir étrillé les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie, les sages de la rue Cambon ont désormais dans le viseur le crédit d’impôt sur les services à la personne. Un dispositif généralisé en 2018 qui permet aux Français ayant recours à une aide à domicile de bénéficier d’un avantage fiscal.

Dans un rapport publié ce mercredi 27 mars, le gendarme financier dénonce un dispositif “bien trop coûteux” pour des résultats “modestes” et “peu évalué”. En 2022 par exemple, ce coup de pouce fiscal a coûté 8,8 milliards d’euros à l’Etat. C’est 40 % de plus qu’en 2012. Rapporté au taux horaire, ce chiffre représente en moyenne 9,38 euros d’aides publiques, “soit un montant proche de celui du Smic horaire brut” souligne la Cour des comptes.

Cette hausse vertigineuse puiserait sa source dans trois phénomènes distincts : le renforcement de certains dispositifs de soutien, l’augmentation du coût horaire des activités d’aide à domiciles liée en partie à la hausse du Smic. Et enfin, l’extension du recours aux prestataires, “dont les tarifs sont plus élevés” que ceux d’un auto-entrepreneur qui intervient en tant qu’aide à domicile et facture au particulier une prestation de service.

Un coup de pouce aux plus aisés ?

Plus généralement, la Cour des comptes s’interroge dans son rapport sur la légitimité de cet avantage fiscal car ce soutien financier pourrait ne bénéficier qu’à une infime partie de la population. Car plus de la moitié des foyers au revenu fiscal moyen supérieur à 100 000 euros par an – qui représentent seulement 3 % des ménages français – disposent d’une aide à domicile.

Contre moins de 10 % des foyers dont les revenus fiscaux sont inférieurs à 25 000 euros par an. Ainsi, bien plus que l’âge, le recours aux services à la personne restent étroitement corrélé au niveau de revenus des bénéficiaires, faisant craindre un “effet d’aubaine”.

Seulement 70 000 emplois créés depuis 2005…

Autre observation effectuée par la Cour des comptes : plusieurs mètres semblent séparer le bilan des sages des résultats escomptés. Pour rappel, au moment de la généralisation du dispositif, l’exécutif avait présenté le crédit d’impôt comme un moyen de lutter contre le travail dissimulé, de stimuler l’emploi et d’encourager l’embauche, mais aussi, de concilier vie familiale et vie professionnelle en permettant aux parents ou aux adultes accompagnants d’être aidés.

Force est toutefois de constater que ce dispositif produit “des résultats décevants”, déplore Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes qui qualifie les résultats en matière de création d’emploi d'”insignifiants”. Quelque 70 000 équivalents temps plein supplémentaire depuis 2005… Ce, alors même que l’espérance de vie étant en constante amélioration, le nombre de personnes âgées ayant besoin de recourir à ce type de services augmente.

Toutefois, le rapport salue le recul du travail “au noir” qui est “certainement à mettre au crédit des dispositifs de soutien”. Reste que ces régularisations bénéficient in fine aux particuliers employeurs : le restant à charge étant inférieur de 14 à 19 % au prix qu’il aurait eu à débourser pour une prestation réalisée “au noir”. Une incongruité pour les magistrats, qui résument : “L’Etat subventionne aujourd’hui très largement le respect et la loi et la déclaration du travail“.

1 milliard d’euros d’économies trouvé

Alors qu’elle recommande d’effeuiller de 50 milliards d’euros le budget de l’Hexagone sur les trois prochaines années, la Cour des comptes invite l’exécutif à se pencher sur le crédit d’impôt sur les services à la personne. Quelques réajustements pourraient permettre d’effectuer pas loin d’un 1 milliard d’euros d’économie par an.

Pour ce faire, plusieurs possibilités s’offrent au gouvernement. La réduction du périmètre des activités éligibles au soutien de l’Etat, par exemple. Car à ce jour, le dispositif s’applique à “un ensemble hétéroclite d’activités exercées selon des modalités d’emploi et des régimes juridiques divers, et regroupant des métiers variés”, font valoir les sages qui recommandent également de rehausser la TVA applicable aux services à la personne – actuellement de 10 % et de 5,5 % pour la garde d’enfant – à 20 %.

Vers une attaque frontale au crédit d’impôt ?

Plus controversée peut-être : toucher à l’avantage fiscal, en réduisant par exemple le montant du crédit d’impôt pour les activités qui n’entrent pas dans le champ des politiques en faveur de l’autonomie et de la garde d’enfants.

Deux scénarios pourraient dès lors être envisagés. Le premier, plus radical, consistant à recentrer sur les seules activités de la vie quotidienne le coup de pouce, dont le montant serait revu à la baisse. Ce, en contrepartie d’une réévaluation des prestations sociales. À défaut, une ristourne fiscale modulée en fonction des activités concernées ou de la situation socio-économique des contribuables. L’avenir du crédit d’impôt sur les services à la personne est désormais entre les mains du gouvernement.

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