Entre Macron et LR, le divorce : le gouvernement peut-il tomber à cause du déficit public ?

Entre Macron et LR, le divorce : le gouvernement peut-il tomber à cause du déficit public ?

Un parti faible est-il dangereux ? Un visiteur régulier d’Emmanuel Macron le pense. Ce conseiller de l’ombre s’est récemment inquiété devant le chef de l’Etat des intentions de vote modestes des Républicains aux élections européennes. Le parti oscille entre 7 % et 8 % des voix et n’est pas assuré de dépasser la barre fatidique des 5 %, seuil en dessous duquel une liste envoie des élus à Bruxelles. “Si je suis député LR, je fais dérailler le train et censure le gouvernement avant le vote, a-t-il glissé au président de la République. Il ne faut pas leur donner de prétexte de le faire.”

Ce prétexte est là. A 5,5 % du PIB, le dérapage du déficit public en 2023 place le gouvernement dans un corner. Le voilà accusé d’insincérité budgétaire et de maquillage des comptes. La droite dénonce le “déclassement” d’un pays menacé d’un scénario grec et devrait lancer une commission d’enquête sur l’état de nos finances publiques. Le patron des députés LR Olivier Marleix a boycotté à Bercy une “réunion de travail” rassemblant les présidents de groupe des deux chambres et les parlementaires spécialistes des questions budgétaires. La stratégie est transparente : dénoncer l’incurie du gouvernement et “le laisser se débrouiller”, résume un cadre LR. Pas question d’être comptable des économies d’urgences décidées au sommet de l’Etat.

“L’hypothèse est sur la table”

Entre l’exécutif et LR, le point de non-retour est atteint. Le partenariat tumultueux né au lendemain des législatives a vécu. Trop de coups bas, comme lors de l’examen de la loi immigration. Trop de mesquineries, à l’image du débauchage de Rachida Dati. “Eric Ciotti s’est radicalisé”, note un cadre LR. Et puis, les européennes approchent. La droite y joue sa survie, elle doit se singulariser du pouvoir pour retrouver de l’oxygène politique. La crise budgétaire lui offre une fenêtre de tir. Eric Ciotti et Olivier Marleix raillent l’échec d’Emmanuel Macron – “chant du cygne du Mozart de la finance” et de son ministre de l’Economie Bruno Le Maire. Qui le leur rend bien. En réunion de groupe Renaissance, le locataire de Bercy a raillé l’absence de soutien du groupe LR à la réforme des retraites et les “127 milliards d’euros de dépenses supplémentaires” proposées par la droite dans le budget 2024. Au point qu’un pilier du gouvernement s’interroge sur l’objectif réel de ces piques répétées du patron de Bercy contre ses anciens amis LR.

La droite à l’offensive, jusqu’à la censure ? “L’hypothèse est sur la table”, a lancé ce mardi 26 mars Eric Ciotti sur BFMTV au sujet du projet de loi de finance 2025, après un premier avertissement ce week-end dans Les Echos. Le patron de LR doit s’entretenir prochainement avec le président du groupe Liot à l’Assemblée nationale, Bertrand Pancher, associé indispensable pour décrocher les 58 signatures nécessaires au dépôt de toute motion. L’exécutif surveille l’héritier de l’UMP comme le lait sur le feu.

Un député LR a été contacté par Matignon, soucieux de comprendre cet insaisissable groupe. Plusieurs ministres issus de la droite, comme Gérald Darmanin, mettent en garde contre la présentation d’un projet de loi de finances rectificative, occasion idéale de renverser le gouvernement. Prière de ne pas accéder à la requête d’une vingtaine de députés LR, qui ont adressé cette doléance par courrier à Gabriel Attal, au nom du respect des droits du Parlement.

“Ils ne nous font jamais tomber quand ils le peuvent”

Motion de censure. Revoilà l’arlésienne du quinquennat. Menace souvent évoquée, jamais mise à exécution. Tel l’enfant qui criait au loup, le refrain lasse certains cadres de la majorité. Les députés LR ? Un groupe désuni et velléitaire, bien frêle en cas de nouvelles élections législatives. “Ce serait sanglant pour eux”, sourit un dirigeant Renaissance. “Ils ne nous font jamais tomber quand ils le peuvent, ils sont dans un soutien sans participation”, se moque un interlocuteur d’Emmanuel Macron. Inconscients ou faibles. Pile je gagne, face tu perds.

D’autres ont appris à se méfier de ce collectif imprévisible. Comme ce ministre, qui a lu avec attention le sondage commandé par LR et révélé par L’Obs en cas d’élections anticipées. Le Rassemblement national sortirait en tête, LR sauvant les meubles. “Ce sondage peut potentiellement enterrer davantage la dissolution que la censure. La censure est l’arme absolue de LR, quel serait leur gain à ne pas l’utiliser ? Si un prétexte est là…”

La droite affronte ici un dilemme stratégique, fruit d’une ambiguïté. LR cherche à se différencier d’un pouvoir dont elle compte récupérer une partie des électeurs. Lors du meeting de lancement de la campagne des européennes, Eric Ciotti a lancé le 23 mars un appel aux “Français de droite” tentés par les “sirènes du macronisme”. “Revenez !”, a-t-il exhorté. “Les électeurs de droite de Macron veulent-ils que le gouvernement tombe ? Ce n’est pas un calcul facile”, concède un proche du Niçois. Les cajoler ou les brusquer pour les faire revenir au bercail : la droite n’a pas encore arrêté de stratégie.

La juste distance

LR peine à trouver la bonne distance à observer envers un pouvoir jugé de “droite” par tant de Français. Comme lorsque ses chefs de file aux européennes François-Xavier Bellamy et Céline Imart revendiquent de ne pas avoir voté Emmanuel Macron face à Marine Le Pen en 2017 ou 2022, aveu contradictoire avec la drague des électeurs macronistes de droite.

Des dilemmes, LR n’en manque pas. En interne, plusieurs voix s’interrogent sur l’opportunité politique de renverser le gouvernement sur un sujet budgétaire. La droite lorgne certes un électorat libéral sensible à la dégradation des finances publiques, mais la plupart de ses députés sont issus de circonscriptions rurales et populaires. Cette contradiction sociologique nourrit des doutes. “Si Ciotti et Marleix déposent une motion de censure, je la signerai et la voterai, assure le député de Belfort Ian Boucard. Mais c’est moins concernant que les retraites. Personne ne m’a parlé des comptes de l’Etat ce week-end.” “Dans les circonscriptions, cela ne nous rapporte pas une voix en cas de dissolution”, abonde un collègue. De l’art de la censure.

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