Européennes : la tortue Mélenchon court vers… la présidentielle de 2027

Européennes : la tortue Mélenchon court vers… la présidentielle de 2027

Des élections européennes ? Quelles élections européennes ? Il est un peu plus de 16 heures dans le hall 5 du parc des expositions de Villepinte, et Jean-Luc Mélenchon s’avance vers le pupitre installé à l’avant de la scène. Cravate rouge, veste noire, énergie retrouvée. Il tonne, poing en l’air, cite Robespierre – ce qu’il fait rarement hors campagne présidentielle – et Jean Jaurès, évidemment puisque la guerre sonne en Ukraine, aux portes de l’Europe. Un discours de candidat, qu’on ne s’y trompe pas. Candidat aux européennes certes (il figure en toute fin de liste) – une coquetterie de sa part. Candidat à l’élection présidentielle de 2027, surtout. C’est ainsi qu’il s’est présenté, ce 16 mars, devant quelque 3000 personnes réunies sous une nouvelle bannière : “l’Union populaire”. Exit La France insoumise. “Faites mieux”, avait-il dit le soir du premier tour de la dernière présidentielle, défait. On n’est jamais mieux servi que par soi-même.

À croire que la retraite lui a fait du bien. Le voilà revenu plus en forme qu’on ne l’avait laissé en 2022, épuisé par une campagne présidentielle, fatigué par les interminables négociations qui ont mené à la création de la Nupes. On l’avait laissé affaibli aussi, dès la rentrée de septembre 2022, par sa gestion de l’affaire Quatennens, son “héritier” accusé et condamné pour violences conjugales. Il l’avait défendu envers et contre tous, comprenant trop tard que même ses insoumis lui avaient tourné le dos. Une fronde qui a grossi au fil des mois, composée de vieux partenaires de route qui évoquaient sans vergogne un avenir sans lui. Et la Nupes, sa création ? Explosée en plein vol, sur l’autel du 7 octobre et de l’attaque terroriste du Hamas en Israël.

Le retour de la tortue sagace

Deux jours auparavant, le 14 mars, à l’université de Nanterre, devant des milliers d’étudiants, Jean-Luc Mélenchon donnait le tempo : “Le 9 juin, ce n’est pas une élection européenne, c’est le 1er tour de l’élection présidentielle de 2027.” Alors, qui d’autre que lui puisque personne chez les insoumis, ni chez les socialistes ou les écologistes, ne s’est avancé pour reprendre le flambeau laissé à terre en 2022 ? À Villepinte, ce 16 mars, l’insoumis en chef a repris sa métaphore de la tortue sagace de la dernière campagne présidentielle, animal devenu totem de ses militants et sympathisants. “Comme vous préparez votre 2024, vous aurez votre 2027. Il faut bien commencer, alors ça commence aujourd’hui”, a-t-il lancé, moquant les sondages qui le donnaient “5 points en dessous de son score, 48 heures avant”. Il renchérit : “Si on part de loin, à la fin la tortue sagace va plus loin.”

Mélenchon se voit stoïcien. À la tribune, il reparle de la perquisition en 2018, revient sur les défections en 2019 qui l’ont secoué mais jamais abattu. Message aux nouveaux frondeurs, les Alexis Corbière, Raquel Garrido, Clémentine Autain et François Ruffin. “Nous aurons à vivre combien d’autres de ces mauvais coups ?” Il ne pliera pas, se comparant à l’arbre de Sénèque : “Seul celui qui a subi les assauts du vent sort rigoureux.” Et les accusations en antisémitisme qui ont suivi ces derniers mois, depuis le 7 octobre, il les balaie d’un revers de main. Il sait que les électeurs ne lui en tiendront pas rigueur en 2027. C’est si loin. Confidence d’un Mélenchon, avant l’hiver, dans un café sur le port de Marseille : “Les électeurs bourgeois sont des oublieux.” À la fin des fins, tout sera pardonné, croit celui qui, à la tribune, rend un hommage appuyé à la trentaine d’étudiants juifs de science Po qui se sont désolidarisés de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) après l’occupation par des militants pro palestiniens d’un amphithéâtre. Une affaire devenue d’Etat depuis qu’une étudiante de confession juive affirme avoir été interdite d’accès et victime d’antisémitisme.

Abstention, piège à…

Stoïcien mais pas si serein, Jean-Luc Mélenchon. La dernière vague sondagière du Cevipof dans Le Monde lui a donné quelques sueurs froides. Son capital politique de 2022 part en fumée, et ses électeurs figurent parmi les abstentionnistes au sein des trois blocs pour l’élection européenne. Alors, à Villepinte, il les a sermonnés. “Si vous abandonnez le combat, ne vous étonnez pas ensuite qu’il soit perdu […]. Si vous vous abstenez, vous votez Macron et Le Pen. Vous votez contre vous-mêmes !” a-t-il scandé, sous les applaudissements, avant de laisser la parole à Manon Aubry, la candidate qu’on avait presque oubliée. Il ne s’en cache pas, Gaza est l’un des sujets avec lequel il compte remobiliser l’électorat abstentionniste dans les quartiers, en particulier dans les banlieues où la question palestinienne est cardinale. Tel sera notamment le rôle de la militante franco palestinienne Rima Hassan, candidate aux européennes et critiquée pour ses propos sur le conflit entre Israël et le Hamas. “Fut un temps où cet électorat aurait pu aller chez Glucksmann, parce qu’il était connu pour s’emparer du sujet des Ouïghours et il était apprécié pour cela. Mais aujourd’hui, il est celui qui a trahi sur Gaza”, analyse une huile insoumise.

L’abstention, “c’est la clef pour le second tour” ne cesse de répéter le leader LFI depuis 2017, date de son premier échec à quelques milliers de voix. La prochaine, la dernière pour lui sans aucun doute, se jouera à peau de chagrin une nouvelle fois. Il est 17h30 à Villepinte, veille des européennes, et la quatrième campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon a démarré.

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