Européennes : sur la liste LR, des miraculés… et des dents qui grincent

Européennes : sur la liste LR, des miraculés… et des dents qui grincent

“On appelle cela une remontada, je crois ?” Sourire en coin, Brice Hortefeux ne boude pas son plaisir. Pas celui du supporter du PSG après la victoire surprise en Ligue des Champions face à Barcelone. Plutôt celui du survivant qui a déjoué les pronostics. L’eurodéputé a hérité ce mardi 30 avril de la septième place sur la liste des Républicains (LR) aux européennes, à l’issue d’une Commission nationale d’investiture (CNI) du parti. Le voilà en position éligible, à l’aube du scrutin du 9 juin. “La politique est une addition, confie-t-il à L’Express. Il faut additionner le renouvellement et l’expérience.”

L’homme est un survivant. Comme Nadine Morano, placée au sixième rang. Eric Ciotti a un temps songé à se débarrasser des deux élus, au nom du renouveau. Morano et Hortefeux ? Les visages d’un sarkozysme éteint, cinglent leurs contempteurs. “On doit rafraîchir l’image de LR”, jugeait un prétendant LR aux européennes. Il n’en a rien été. Eric Ciotti a offert un dernier tour de manège aux deux anciens ministres, au grand dam d’une partie de la droite. La composition d’une liste est une équation complexe. Quand un parti fourni en cadres est promis à un score faible – LR est crédité de 7 % d’intentions de vote -, elle vire à la mission impossible. “A 14 %, je casais tous ceux qui voulaient en être”, a récemment confié Eric Ciotti à un élu. L’histoire dira les traces laissées par ce choix.

Ce mardi 30 avril, le patron de LR réunit les 88 membres de la CNI au musée social, dans le 7e arrondissement de Paris. Sa liste est prête, dessinée la veille lors d’une réunion stratégique. Devant ses pairs, Eric Ciotti vante un mélange de renouvellement et de maturité politique. Quatre des cinq premiers candidats de la liste n’étaient pas en lice en 2019. L’ancienne députée d’Ille-et-Vilaine Isabelle Le Callennec (4) et le chirurgien niçois – fidèle d’Eric Ciotti – Laurent Castillo (5) viennent épauler l’agricultrice Céline Imart (2) et le général Christophe Gomart (3). Seule la tête de liste François-Xavier Bellamy repart au combat.

“Nos chefs se comportent comme si on était à 30 %”

L’ordre des suivants fait davantage tiquer. En CNI, des élus du Grand Est viennent au secours d’Anne Sander, placée 10e malgré un bilan reconnu au Parlement européen. Ils ne prononcent pas le nom de Nadine Morano, à la réputation de dilettante, mais tout le monde comprend. Jean-François Copé évoque lui le cas de Geoffroy Didier, relégué à une incertaine 11e place malgré son soutien à Eric Ciotti lors de la campagne interne et son rôle de chef d’orchestre des Etats Généraux de LR, entreprise de réarmement doctrinal du parti.

L’eurodéputé LR paie sa relation dégradée avec François-Xavier Bellamy, qu’il avait vertement critiqué au lendemain de l’échec de 2019. Sa réputation de travailleur à Bruxelles n’a pas suffi à le faire supplanter Brice Hortefeux. “C’est une prime à la capacité de nuisance contre ceux qui sont loyaux”, raille un cadre du parti. “Nos chefs se comportent comme si on était un parti de gouvernement à 30 % dans les sondages, regrette un autre. Ils ne voient pas le besoin de tout changer.” Un cadre de la campagne tempère, sans enthousiasme. “Il n’y avait que des mauvais choix à faire. Je ne veux pas tirer sur l’ambulance. Et puis, Morano et Hortefeux ont une surface médiatique.”

Les deux miraculés avaient quelques As dans leur jeu. Brice Hortefeux était soutenu avec insistance par Laurent Wauquiez. L’ancien locataire de Beauvau a aussi fait jouer sa filiation sarkozyste pour emporter la mise. “Il ne faudrait pas qu’il y ait des sarkozystes au RN – comme Mariani -, au gouvernement, et pas sur la liste LR”, a-t-il confié à Eric Ciotti pour défendre sa candidature. Nadine Morano s’est enfin laissée ostensiblement draguer par le Rassemblement national (RN) pour augmenter sa valeur. Plusieurs élus craignaient surtout qu’elle ne coure les médias – et prive LR d’un précieux temps de parole – pour dénoncer son éviction. Dans l’entourage du Niçois, on défend avec pragmatisme la présence des deux élus en haut de liste : “Des gens ont poussé pour leur présence. Eric Ciotti a un rôle d’équilibriste.”

Retailleau et Larcher s’abstiennent

Cet exercice d’équilibriste ne fait pas l’unanimité. La présidente de la CNI, Michèle Tabarot, est restée ce mardi mutique lors des échanges. 13 membres de la CNI se sont abstenus au moment du vote de la liste. Parmi ces abstentionnistes, le président du Sénat, Gérard Larcher, et le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau. Le premier défendait la candidature de son conseiller spécial Patrick Dray, le second prônait davantage de renouvellement.

En réunion de groupe, Bruno Retailleau a confié sa déception, mais appelé à battre la campagne. La droite joue sa survie le 9 juin, sa disparition du Parlement européen signerait la fin de ses ambitions élyséennes. Prière de serrer les rangs. Les députés n’ont, eux, pas abordé le sujet lors de leur échange hebdomadaire. “Un silence stratégique, note l’un d’eux. Les gens parleront après les européennes.” Le symptôme, aussi, d’une forme d’indifférence. Certains députés LR restent à distance d’une campagne difficile, toujours encalminée dans les enquêtes d’opinion.

La composition d’une liste, exercice à usage interne, est un art délicat. S’y risquer, c’est l’assurance de faire des déçus. Et recevoir des coups. Eric Ciotti ne déroge pas à la règle. François-Xavier Bellamy décrivait récemment auprès de L’Express l’enjeu de la constitution de cette équipe. “Cela colore l’identité politique de la liste et le message qu’on envoie. Tout cela n’est pas anodin.” Le chef de file LR aurait aimé conduire une équipe davantage régénérée. Il devra faire sans.

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