Fin de vie : ces députés et sénateurs à contre-courant de leur parti

Fin de vie : ces députés et sénateurs à contre-courant de leur parti

Une initiative à destination des 174 parlementaires de la feue Nupes. Le 9 avril, une vingtaine de députés ont répondu à l’invitation d’une poignée d’élus socialistes, PCF ou écolos, sceptiques, voire ouvertement opposés au projet de loi sur la fin de vie. “On veut sortir de l’évidence selon laquelle la légalisation de l’aide à mourir est de gauche”, explique l’un des organisateurs, Pierre Dharréville, élu communiste des Bouches-du-Rhône, qui dénonce un “basculement éthique” de la loi. Dans l’assistance, certains sont venus par curiosité. D’autres pour exprimer leurs doutes, et se nourrir des réflexions des quatre intervenants issus de la société civile. Parmi eux, la psychologue Sara Piazza, coautrice du livre Euthanasie : un progrès social ? et opposée à ce nouveau droit, se souvient de discussions difficiles : “Il m’a semblé compliqué de faire entendre le risque collectif supposé par une telle légalisation.” Les organisateurs sont lucides : “C’est clair que nous sommes minoritaires”, souffle le socialiste meurthe-et-mosellan et co-invitant Dominique Potier.

De part et d’autre de l’hémicycle, ils sont des dizaines à nager à contre-courant de leur propre famille politique. Le projet de loi sur la fin de vie, avec son volet sur la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie, transcende parfois les clivages, rappelant chaque élu à ses expériences personnelles, professionnelles, voire spirituelles. Une fois n’est pas coutume, les groupes politiques ont promis à leurs membres la liberté de vote. La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a d’ailleurs appelé les députés à discuter “dans un esprit d’humanité, d’écoute et de respect”, alors qu’ont débuté le 22 avril les travaux de la commission spéciale de l’Assemblée dédiée à son examen.

Au sein même de la majorité, quelques parlementaires sont ouvertement opposés à ce texte du gouvernement. L’ancienne consultante dans le secteur médico-légal Caroline Janvier en fait partie. “J’ai peur que cette légalisation soit perçue par les malades comme une injonction à écourter leur vie quand cette dernière serait collectivement considérée comme indigne”, s’inquiète l’élue du Loiret, qui se réjouit tout de même de l’atmosphère autour de ce projet de loi, “propice au respect des points de vue de chacun”. Certains, sur les bancs macronistes, redoutent d’”ouvrir la boîte de Pandore”. C’est le cas de Charles Rodwell, député des Yvelines, qui très tôt sur les réseaux sociaux s’est prononcé en défaveur du projet de loi. “Je ne vois pas comment nous éviterions l’élargissement du champ d’application”, affirme-t-il à L’Express, soucieux de ne pas copier l’exemple belge, où “le législateur n’imaginait peut-être pas qu’il légaliserait l’euthanasie pour les mineurs”.

“Un acte d’amour et de dignité”

“Mais quand 90 % des Français sont pour l’euthanasie, il faut se poser les bonnes questions !” rétorque la députée Les Républicains Frédérique Meunier, qui plaide tout de même pour “l’instauration de garde-fous”. A rebours de son groupe parlementaire, l’élue de Corrèze assure avoir changé d’avis sur le sujet “comme rarement”, ces deux dernières années. Une participation assidue au groupe de travail transpartisan sur la fin de vie, de multiples auditions de médecins, chirurgiens ou philosophes ont contribué à son évolution.

“J’en suis venue à considérer cette aide à mourir comme un acte d’amour et de dignité”, explique-t-elle, agacée par “l’hypocrisie d’une partie du corps médical“. “Avec la sédation profonde et continue jusqu’au décès [NDLR : instaurée par la loi Claeys-Leonetti en 2016], le médecin ne donne certes pas la mort, mais fait tout pour la provoquer”, souffle l’élue. Elle est tout de même parvenue à intégrer, aux côtés de sept autres LR, la commission spéciale sur la fin de vie, en tant que secrétaire. “C’est moi le vilain petit canard du parti, ironise-t-elle. Mais il y a un vrai respect : je ne suis ni briefée ni rejetée par les miens.”

Pas de briefing non plus côté RN, même si Marine Le Pen s’est dite opposée à l’euthanasie. Le parti d’extrême droite ne déroge pas à la tendance, et la direction du groupe parlementaire décompte une petite poignée d’élus favorables au principe. Que la patronne des députés espère bien “convaincre” d’ici là… Vous avez dit liberté de vote ?

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