Fin du logement social “à vie” : une intention louable, mais…

Fin du logement social “à vie” : une intention louable, mais…

En finir avec le logement social “à vie”. L’expression, volontairement choc, est signée Guillaume Kasbarian. Dans un entretien aux Echos le 11 avril, le ministre délégué au Logement a rappelé les termes de l’équation : 5,2 millions de logements sociaux en France, 1,8 million de ménages candidats mais non servis, faute de place. Sa proposition ? Faire sortir “ceux qui ont largement dépassé les plafonds de revenus, ont pu hériter, ont parfois une résidence secondaire en leur possession, et dont le patrimoine – et c’est le sens de la vie – a évolué”.

Cette formule a hérissé la gauche et les associations, qui rappellent que le Code de la construction et de l’habitation fixe déjà des bornes. Les bailleurs sociaux peuvent réclamer un surloyer au locataire dès lors que son revenu fiscal de référence dépasse d’au moins 20 % les ressources maximum à respecter pour l’attribution d’un logement. Et si son revenu excède, deux années de suite, de plus de 150 % le plafond en question, le locataire est expulsable sous dix-huit mois.

Dans le projet de loi qu’il compte présenter en mai, Guillaume Kasbarian entend donc baisser ce fameux couperet des 150 %, synonyme de déménagement forcé. Pour une personne seule, par exemple, il se situe actuellement autour de 50 000 euros par an. En le ramenant à 40 000 euros, comme l’envisage le ministère, la rotation, faible aujourd’hui – seuls 7 % des ménages quittent le parc chaque année –, pourrait s’accélérer au profit de ces “classes moyennes” dont le gouvernement fait grand cas.

L’intention est louable, et l’idée pas dénuée d’intérêt. Mais elle tombe à contretemps. Elle risque de chasser les locataires les plus solvables, alors que les retards de paiement dans les HLM ont singulièrement augmenté, du fait de l’inflation et des factures d’énergie. Surtout, où ces locataires “trop riches” trouveront-ils refuge ? La construction de logements neufs, qu’ils soient sociaux ou non, est au plus bas. Les tarifs des rares biens mis sur le marché locatif privé atteignent des sommets. Quant aux occupants actuels, ils ne bougent plus, bloqués dans leur désir d’accéder à la propriété par l’envolée des taux d’intérêt et le coût du crédit. La crise du logement, dont l’exécutif n’a pas pris la mesure à temps, s’est durablement installée dans le pays. Il faudrait bâtir. On replâtre.

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