Hanoch Dov Milwidsky : “Israël avertit le monde du danger iranien depuis des décennies”

Hanoch Dov Milwidsky : “Israël avertit le monde du danger iranien depuis des décennies”

La situation au Moyen-Orient connaît un nouveau tournant depuis l’attaque – inédite – de l’Iran sur Israël dans la nuit de samedi à dimanche. Plus de 300 drones et missiles ont été tirés depuis le territoire iranien, presque sans faire de victimes : 99,9 % des tirs ont été interceptés par la défense antiaérienne de l’Etat hébreu; on dénombre une seule victime, une enfant de sept ans. Téhéran considère cette salve comme une réponse légitime à l’élimination par Tsahal de sept membres du Corps des gardiens de la révolution islamique, tués par un missile tiré sur le consulat d’Iran à Damas (Syrie) voilà quinze jours. Au Pentagone, tout le monde n’avait pas apprécié l’initiative israélienne en raison des risques d’escalade avec Téhéran. Les Etats-Unis craignent maintenant qu’une riposte israélienne n’entraîne le Proche et le Moyen-Orient dans un engrenage aux conséquences incalculables.

Membre du Likoud (le parti de Benyamin Netanyahou), le député Hanoch Dov Milwidsky est l’un des vice-présidents du Parlement israélien, la Knesset. La semaine dernière, il était à Paris avec une délégation parlementaire emmenée par le président du Parlement, Amir Ohan. Ce dernier a notamment été reçu par Emmanuel Macron. La mère de l’otage Jonathan Samerano, qui réclame la restitution du corps de son fils décédé à Gaza, faisait aussi partie de la délégation. Selon Milwidsky, il n’y aura pas de paix avec les Palestiniens aussi longtemps que la haine d’Israël sera enseignée dans les écoles de Gaza et de Cisjordanie. “Il n’y aura pas de “solution à deux Etats” avant des décennies”, prédit-il…

L’Express : L’Iran présente son attaque aérienne comme une réponse à la récente élimination de sept Gardiens de la Révolution par Israël. Vos deux pays sont maintenant quittes ? Ou jugez-vous que l’attaque d’hier mérite une réponse ?

Hanoch Dov Milwidsky : Aucun pays souverain n’accepterait d’être la cible de tirs de centaines de missiles sur son territoire. Israël ne peut ainsi l’accepter, et la réponse qui sera donnée sera significative et démontrera à toute la région les graves conséquences que subirait un pays qui attaquerait l’État d’Israël depuis son territoire.

En cas de riposte israélienne, quelles seraient les cibles prioritaires : sites nucléaires iraniens, les sites militaires iraniens ou encore les proxys, tels le Hezbollah ?

Lorsque cela se produire, tout le monde le saura. D’ici là il est préférable de se taire.

Craignez-vous un embrasement régional ?

Nous avons le devoir d’assurer la sécurité de nos citoyens. Nous ferons le nécessaire, le cas échéant, afin que ceux qui veulent nuire à l’État d’Israël ou à ses citoyens ne puissent pas mettre leurs plans à exécution.

Venons à la guerre contre le Hamas. La bande de Gaza ressemble aujourd’hui à Marioupol (Ukraine) ou Alep (Syrie). Ces dégâts indignent le monde. Votre point de vue ?

D’abord, il est essentiel de comprendre que cette guerre pourrait se terminer immédiatement. A deux conditions. La première : le Hamas doit libérer les 133 otages. La seconde : il doit déposer les armes. Ce n’est pas compliqué. Nous n’avons pas choisi ni déclenché cette guerre. Depuis le 7 octobre, nous n’avons pas d’autre choix que de neutraliser les terroristes qui ont perpétré ces atrocités. Ils ne doivent plus jamais être en mesure de gouverner Gaza. Évidemment, nous savons que nous ne pourrons pas éliminer le Hamas jusqu’au dernier combattant. Et nous ne pourrons pas davantage éradiquer leur idéologie.

Même en l’Allemagne, l’idéologie néonazie subsiste. Du moins ces extrémistes sont-ils ultra-minoritaires et ne gouvernent pas l’Allemagne. C’est la même chose avec Gaza : nous allons nous assurer que le Hamas ne sera plus jamais en mesure de contrôler ne serait-ce qu’une portion de la bande de Gaza. A ce jour, nous avons éliminé 90 % de ses capacités d’artillerie et neutralisé (tué, blessé ou capturé) 60 % des terroristes du Hamas et combattants affiliés.

Tsahal ne semble pas faire le distinguo entre terroristes et population civile…

Certaines personnes malveillantes propagent l’idée, dans les médias, que nous tuons aveuglément. Certains vont jusqu’à employer le vocable “génocide”. Mais si l’armée israélienne pratiquait ce genre de méthodes, elle ne compterait pas 600 morts parmi ses soldats. Elle aurait simplement écrasé la bande de Gaza depuis les airs en deux ou trois jours comme l’ont fait certaines armées dans d’autres endroits du globe pour détruire des groupes terroristes. A Mossoul (Irak) par exemple, le taux de dommage collatéral de l’armée américaine était de 1 pour 5 (cinq victimes civiles par terroriste tué) ; nous, c’est estimé à environ 1 pour 2, peut-être même moins.

A Gaza, les opérations militaires vont durer encore 6 à 12 semaines

Au sein de Tsahal, les règles qui régissent l’emploi de la force sont strictement codifiées. Nous ne ciblons pas les civils et faisons notre possible pour les épargner. Nous les prévenons avant nos interventions en leur indiquant où ils peuvent se réfugier. Quand c’est possible, nous approvisionnons ces déplacés en eau. C’est d’ailleurs pour cela que nos opérations à Rafah (au sud de la bande de Gaza) ont pris du retard. Nous nous assurons que les habitants aient la possibilité d’évacuer avant que nous nous attaquions aux quatre bataillons qui se trouvent dans le sud de la bande de Gaza. Nous avons déjà neutralisé vingt bataillons du Hamas. Ces quatre-là sont les derniers. Les opérations vont durer encore 6 à 12 semaines, je pense.

Le Hamas évoque plus de 30 000 morts. Certains parlent du double…

Le double ? Ça m’étonnerait. Mais s’il n’y a pas de chiffrage précis, c’est en partie parce que le Hamas – qui ne respecte pas le droit international – se cache derrière la population civile et l’exploite en utilisant les hôpitaux, les écoles et les lieux de culte comme centres de commandements et dépôts d’armes. Cela oblige nos militaires à opérer dans ces zones pour détruire le Hamas. En plus, le Hamas empêche l’accès à la Croix-Rouge. Un exemple : les fournitures médicales destinées aux otages ne sont jamais arrivées à destination malgré ce qui avait été convenu lors des dernières négociations au Qatar. Nous le savons parce que nous avons retrouvé les boîtes intactes dans un hôpital de Gaza. Nous savons aussi que nos otages sont maltraités de façon horrible. Les femmes et les hommes sont violés. Il ne s’agit pas de cas isolés mais de pratiques systématiques. Les témoignages des otages libérés sont édifiants.

La destruction massive de Gaza nuit à l’image d’Israël. Même Joe Biden prend ses distances avec votre gouvernement…

Outre le renforcement des relations bilatérales, notre délégation parlementaire en Allemagne et en France [qui était à Paris le 11 avril, NDLR] avait justement pour objectif de rétablir des vérités en répondant à toutes les questions difficiles de nos alliés et en y répondant honnêtement. Nous avons rencontré une écoute attentive. Cela dit, tout le monde ne comprend pas encore que la guerre à Gaza n’est pas un simple conflit local qui concerne les juifs israéliens. D’ailleurs, le 7 octobre, le Hamas a aussi massacré des chrétiens, des musulmans, des travailleurs thaïlandais ou indiens. Et des Français sont toujours retenus en otages.

Ce qui est à l’œuvre, c’est le fondamentalisme religieux. Il s’attaque à la seule démocratie de la région, Israël, qui défend la liberté d’expression et les droits fondamentaux partagés par l’Occident. Cette idéologie mortifère est véhiculée par le Hamas et le Djihad islamique palestinien à Gaza, par le Hezbollah au Liban ou encore les milices houties au Yémen. Derrière tout cela, il y a l’Iran dont le régime répète sans cesse qu’il vise la destruction d’Israël et des Juifs.

Après le Hamas, Israël va-t-il s’en prendre au Hezbollah ?

Au nord d’Israël, à la frontière du Liban, 80 000 personnes ont dû être déplacées vers le sud il y a six mois. Ces gens ne peuvent pas retourner chez eux parce que le Hezbollah bombarde leurs maisons depuis les montages alentour. Or la résolution 1701 de l’ONU, qui date de 2006, stipule que le Hezbollah est censé se replier plus au nord, derrière le fleuve Litani. Nous allons donc nous atteler à faire respecter cette résolution, soit par la diplomatie, ce que nous préférons, soit par le biais d’une opération militaire, ce que nous souhaitons éviter.

Pourquoi avoir ciblé le consulat d’Iran à Damas (Syrie) et tués des officiers du corps des Gardiens de la Révolution iranienne ?

Il faut que les terroristes, qui veulent détruire Israël, sachent que, où qu’ils aillent, ils ne seront pas en sécurité. Nous les atteindrons partout. Rappelons, au passage, la différence entre Israël et l’Iran : Israël ne cherche pas à nuire ou détruire l’Iran ; Israël ne finance pas d’organisations terroristes internationales pour nuire aux Iraniens. Mais l’inverse est vrai. Israël se défend tandis que l’Iran attaque. Cela fait d’ailleurs plusieurs décennies que nous avertissons le monde du danger iranien. Naguère, il y avait des sanctions qui fonctionnaient : les activités terroristes sponsorisées par Téhéran avaient diminué. Mais certains ont levé les sanctions. Résultat, l’Iran a repris son programme nucléaire et augmenté le niveau de la terreur dans le monde. Ceci constitue un problème pour le monde entier, pas seulement pour nous.

Une “solution à deux Etats” – Israël et Palestine – vous semble-t-elle envisageable ?

Pas avant des décennies. Pas avant que l’Autorité palestinienne ne cesse de récompenser les familles de terroristes, qu’elle nomme “martyrs”. Pas avant que les instituteurs palestiniens ne cessent d’enseigner la haine des juifs. Dans les manuels scolaires de Judée et Samarie [terminologie israélienne pour désigner la Cisjordanie, NDLR], les problèmes de mathématiques portent par exemple sur la vitesse d’une balle tirée par un Palestinien en direction d’un soldat israélien ! Si la manière dont la jeunesse palestinienne est éduquée ne change pas, il n’y aura jamais de cohabitation pacifique. Aussi longtemps que les Palestiniens et leurs mentors iraniens n’accepteront pas l’existence d’Israël et des juifs, il n’y aura aucune “solution à deux Etats” envisageable. D’une manière ou d’une autre, les Palestiniens doivent évoluer. C’est à eux d’agir, car Israël n’a aucun contrôle sur la jeunesse palestinienne et sur le système éducatif dont elle dépend.

Netanyahou n’a que la sécurité d’Israël en tête

Dès avant le 7 octobre, je faisais partie des sceptiques qui ne croyaient pas à la possibilité de deux Etats. Il y a de nombreuses raisons à cela mais je me contenterais d’une seule : en 2005, l’armée israélienne s’est complètement retirée de Gaza pour laisser les Palestiniens gérer leur territoire. Deux décennies plus tard, les Gazaouis sont encore plus radicalisés. Ce qui a conduit au 7 octobre. Depuis lors, beaucoup d’Israéliens naguère favorables à la “solution à deux États” ont changé d’avis. Ils ont compris que nous ne pouvons pas nous permettre ce luxe. Même tendance à la Knesset : voilà quelques semaines, une majorité sans précédent – 99 députés sur 120 – a voté contre l’idée de la reconnaissance unilatérale d’un État palestinien.

Benyamin Netanyahou est accusé de prolonger cette guerre pour se perpétuer au pouvoir sans avoir à affronter ses ennuis judiciaires. Votre avis ?

Envoyer des soldats à la guerre est l’une des responsabilités les plus difficiles à assumer. Le Premier ministre Netanyahou – tout comme moi – a personnellement dirigé des soldats au combat dans le passé. A ce titre, l’idée que quelqu’un, en Israël, puisse jouer avec la vie des soldats m’est donc insupportable. Il est impossible qu’un homme politique israélien, surtout pas quelqu’un qui a servi dans l’armée, raisonne comme cela. Je suis absolument certain que le Premier ministre n’a qu’une chose en tête : la sécurité d’Israël.

Depuis le 7 octobre, la politique politicienne est passée au second plan. En temps de guerre, nous savons que nous devons être unis pour vaincre nos vrais ennemis. Les querelles internes attendront. Il est vrai qu’avant le 7 octobre, la société israélienne était divisée comme jamais. Nous étions à couteaux tirés sur tous les sujets : la réforme judiciaire, la religion dans les lieux publics, etc. Le niveau de colère, de détestation et de haine était inédit. Le 7 octobre a tout transformé. Les soldats qui se battent, qui risquent leur vie pour Israël, nous demandent de nous serrer les coudes. Hormis une minorité d’extrémistes de droite et de gauche, tous les Israéliens sont d’accord avec cela.

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