Immigration : qui sont ces 200 000 personnes redevenues françaises après avoir perdu la nationalité ?

Immigration : qui sont ces 200 000 personnes redevenues françaises après avoir perdu la nationalité ?

Avez-vous déjà entendu parler de la procédure de “réintégration” ? Cette méthode d’acquisition de la nationalité française qui date de 1804 a récemment fait l’objet d’une étude inédite de l’Institut national d’études démographiques (Ined). Car bien que minoritaire aux côtés de la “naturalisation” ou de la “déclaration” (destinée aux mineurs nés en France de parents étrangers, ou d’étrangers mariés à un Français), la réintégration a été à l’origine de plus de 200 000 acquisitions de la nationalité depuis les années 60.

Cette procédure jusqu’alors “discrète” et “méconnue”, permet aux individus ayant perdu leur nationalité de redevenir français. Sans surprise, les ressortissants des anciennes colonies sont les plus nombreux à avoir opté pour la procédure de réintégration. “Les arrivées en France dépendent beaucoup de trajectoires familiales liées en partie au passé colonial”, rappelle auprès de l’AFP Emmanuel Blanchard, chercheur associé à l’Ined et co-auteur de l’étude.

Ainsi, sur quelque 2 350 réintégrés en 1981, près de 1 700 sont Algériens et 538 sont Vietnamiens. “Au moment des décolonisations, les anciens indigènes s’étaient quasiment tous de nationalité française”, expliquent les chercheurs. Mais l’indépendance des anciennes colonies, arrivée comme un chien dans un jeu de quilles, a bouleversé leur statut administratif.

La décolonisation, un contexte propice

C’est ainsi qu’après la vague d’indépendances survenue à la fin des années 50 et au début des années 60, les demandes de réintégration explosent. Les chercheurs constatent en effet “l’importance prise par la réintégration” à partir des années 70. En 1975, une percée a lieu : le seuil des 1 000 réintégrés par an est franchi, et restera ainsi jusqu’au début du XXIe siècle. Sur la période qui s’étend de 1980 à 2010, l’Ined estime que la réintégration concerne 4 à 7 % des acquisitions de nationalité.

Et pour cause, au lendemain de la décolonisation, de nombreux changements de nationalité n’ont pas été instantanés ou définitifs. À l’indépendance de l’Algérie en 1962 par exemple, seuls quelque 60 000 “indigènes” ont choisi de conserver leur nationalité française. Ceux n’ayant pas fait la démarche en ont ainsi été automatiquement déchus de façon rétroactive à compter de 1967.

Raison pour laquelle les recours à la procédure de réintégration se sont multipliés à la fin des années 60. Celle-ci permet à tout Algérien né avant l’indépendance et ayant émigré dans l’Hexagone de récupérer sa nationalité française. “Dans le contexte de l’époque, pour l’immense majorité des Algériens il ne faisait aucun doute que la nationalité qu’ils souhaitaient avoir était la nationalité française”, relatent les chercheurs.

Après l’âge d’or, un net recul depuis 2010

Jusqu’au début du XXIe siècle, la procédure de réintégration confirme sa célérité, jusqu’à atteindre son point d’acmé en 2005. Cette année-là, plus de 10 000 personnes recouvrent la nationalité française par le biais de la réintégration. Une accélération en grande partie liée à “la hausse massive des demandes déposées par des Algériens au plus fort de la décennie noire”, selon la formule consacrée à la guerre civile algérienne des années 90.

Mais selon l’Ined, 2005 marque “les derniers feux d’un âge d’or de la réintégration, à la fois bref et limité”. Car depuis, le nombre de personnes réintégrées n’a cessé de diminuer. Et pour cause, la population née avant la décolonisation s’effeuille à mesure que court le temps. Aboutissant inévitablement au rétrécissement de la population éligible à la réintégration. Ainsi, en vingt ans, le nombre annuel de réintégrés a été divisé par dix. À titre d’illustration, moins de 800 personnes au total ont recouvré leur nationalité française par le biais de la réintégration en 2020.

En outre, les chercheurs ont observé une envolée des procédures de réintégration chez les personnes originaires d’anciens territoires d’Outre-mer (TOM) à l’orée du XXIe siècle. Une augmentation qui s’explique en grande partie par la réforme du Code de la nationalité en 1993, opérée dans un contexte de fortes tensions autour des “Français malgré eux” ou des “Français de papier”. Et qui a privé les ressortissants des TOM d’autres procédures d’acquisition de nationalité.

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