Israël-Hamas : sur les campus américains, l’antisémitisme a franchi un cap, par Abnousse Shalmani

Israël-Hamas : sur les campus américains, l’antisémitisme a franchi un cap, par Abnousse Shalmani

Dès les pogroms du 7 octobre, nous avons assisté, médusés et écœurés, aux manifestations pro-Hamas dans les universités américaines qui minimisaient, voire niaient la réalité du massacre de civils israéliens. Et soudain une image s’imposa qui résume la réalité des universités d’élite américaine : en décembre 2023, un avion a traîné au-dessus du campus de la plus célèbre université américaine un drapeau palestinien et une bannière indiquant “Harvard hate Jews”. Ce qui m’a tout de suite rappelé que de 1922 aux années 1960 les étudiants juifs furent soumis à un strict système de numerus clausus dans les universités d’élite américaine à l’initiative… de Harvard. Aujourd’hui, on conseille aux étudiants juifs de rester cloîtrés dans leurs chambres, d’éviter de sortir la nuit, de se protéger parce que juifs, parce que l’université, la police, l’Etat ne sont plus capables d’assurer leur sécurité.

Pendant que Nemat Shafik, présidente de Columbia, campus new-yorkais qui compte 36 000 étudiants dont 5 000 étudiants juifs, était auditionnée par la commission de la Chambre des représentants sur l’éducation au Congrès américain, les étudiants de Columbia installaient des tentes sur les pelouses de l’université pour créer “un camp de solidarité avec Gaza”. Durant son audition, la présidente, d’origine égyptienne, a répondu à la question devenue rituelle “Est-ce que l’appel au génocide des juifs viole le règlement intérieur de l’université ?” par un franc “oui, il le viole”. Elle n’a pas commis l’indignité des présidentes des universités de Harvard, du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et de l’université de Pennsylvanie en répondant que cela “dépendait du contexte”.

Elle a aussi assuré que Mohamed Abdou, professeur à Columbia qui avait publiquement apporté son bruyant et enthousiaste soutien au Hamas, au Hezbollah et au Djihad islamique “ne travaillera plus jamais à Columbia”. A son retour de Washington, Nemat Shafik a envoyé un ultimatum aux étudiants pour qu’ils évacuent le campus, ce qu’ils ont refusé de faire. Elle a alors fait appel à la police, qui a procédé à l’évacuation ; 108 étudiants ont été arrêtés. Les étudiants n’ont pas aimé du tout, comparant les policiers aux membres du Ku Klux Klan et à l’armée israélienne, qu’ils surnomment IOF – Israël Occupation Force. On a alors pu entendre samedi 20 avril sur le campus des étudiants qui scandaient “Vive le Hamas !” et “burn Tel Aviv to the ground”, ou encore “7th october everyday” et “Hamas will bring you hell”. Le drapeau israélien d’un étudiant a été brûlé à l’entrée du campus, et une jeune femme a pointé avec une pancarte des étudiants juifs : ce sont “les prochaines cibles d’Al-Qassam”.

Elijah Muhammad et George Lincoln Rockwell ont gagné

De toute évidence, nous sommes passés un cran au-dessus de ce qui était déjà une franche manifestation d’antisémitisme et qui se double dorénavant d’un franc soutien à un groupe terroriste islamiste. Pour ces gamins incultes du royaume du Wokistan, le monde est séparé en deux catégories : les dominants et les dominés. Le Hamas étant l’islam et l’islam étant dominé, le woke est pour le Hamas et donc contre le juif. Car le Wokistan est contre la colonisation – le pire crime après l’esclavage -, et Israël représente à ses yeux la dernière colonie. Tous contre les juifs. Et, là encore, cela m’a rappelé une autre image, glaçante. C’était en 1961, lors d’une convention de la Nation of Islam fondée Elijah Muhammad, surnommé avec admiration the Black people’s Hitler par George Lincoln Rockwell, fondateur du Parti nazi américain en 1959, et qui se trouvait au premier rang, en tenue nazie avec ses copains nazis, en train d’applaudir son héros Elijah Muhammad, avec qui il partageait le désir d’une stricte ségrégation entre les races et un antisémitisme virulent.

Ce qui ne cesse de m’émouvoir est de tristement constater que ce sont Elijah Muhammad et George Lincoln Rockwell qui ont gagné. Et non pas les Américains juifs et les Afro-Américains qui marchaient ensemble dans les années 1960 pour défendre les droits civiques. Ce qui me rend malade, c’est qu’il suffit d’un rien pour que soudain l’union sacrée des racistes et des séparatistes se renouvelle au nom de l’antisémitisme. Et ça, c’est proprement dégueulasse.

Abnousse Shalmani, engagée contre l’obsession identitaire, est écrivain et journaliste

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