Israël-Iran : de la guerre de “l’ombre” à la confrontation directe ?

Israël-Iran : de la guerre de “l’ombre” à la confrontation directe ?

Des milliers de soldats déployés, américains et israéliens, faisant face à une menace présente sur de multiples terrains. Des combats particulièrement appuyés dans le nord d’Israël, à la frontière avec le Liban. Parallèlement, l’Etat ennemi, à quelque 2000 de kilomètres de là, frappé par des bombardements aériens. Ce scénario, celui de l’opération “Chariots de feu”, plus grands exercices militaires jamais menés conjointement par les Etats-Unis et Israël, au printemps 2022, devient-il de plus en plus plausible ? Lundi 1er avril, des frappes non revendiquées ont visé une annexe de l’ambassade d’Iran à Damas, tuant notamment le général Mohammad Reza Zahedi, un des membres importants de la force Al-Qods, la force d’élite des Gardiens de la révolution iraniens.

En Israël, l’implication de Téhéran, soutien du Hamas et du Hezbollah, dans les évènements du 7 octobre, fait peu de doute, et peu importe si son ampleur demeure difficile à déterminer. Pour les Israéliens, l’équation se résume ainsi : comment frapper l’Iran sans frapper l’Iran ? Comment cibler tous ceux qui sont responsables d’une manière ou d’une autre pour ce “11 septembre” israélien, y compris au-delà des frontières de Gaza ? Le meilleur moyen de toucher le régime de Téhéran, c’est de frapper en Syrie, où le régime de Bachar el-Assad dépend depuis de nombreuses années du soutien de son allié, et où les milices chiites prospèrent. C’est donc là qu’ont eu lieu des centaines de frappes israéliennes depuis le 7 octobre, à la fois contre ces groupes armés et contre des Gardiens de la révolution (début janvier, le général iranien Razi Moussavi, avait été tué à Damas). En réponse à l’Iran qui a élargi le conflit au-delà de la Palestine à travers le réseau de ses proxys – Houthis, Hezbollah…-, Israël joue aussi la partition de la régionalisation de la guerre.

A quelques mois de la présidentielle américaine, il s’agit aussi pour les Israéliens de contraindre les Américains à rester sur place, quels que soient les développements. “Il faut savoir qui sont vos amis et qui sont vos ennemis. Israël est notre ami. L’Iran est notre ennemi”, déclarait il y a quelques semaines l’ancien général de l’armée américaine David Petraeus, devant le think-tank Council of Foreign relations, assurant que “les Etats-Unis se faisaient toujours rappeler par le Moyen-Orient”, quelle que soit leur volonté de le quitter. L’Iran et le Hezbollah ont déjà juré que l’attaque de Damas ne resterait pas impunie. Pour Abbas Milani, chercheur à l’université de Stanford, “aucune des deux parties ne peut se permettre la confrontation directe. Mais chacune des parties doit montrer qu’elle fait quelque chose.” Les Iraniens et leur milice implantée au Liban ont eu à cœur de rester sur une ligne de crête depuis le 7 octobre, évitant tout mouvement qui mènerait à une escalade trop incontrôlable.

Mais il semble improbable que les Iraniens restent sans réponse face à cette attaque sans précédent, et contre un bâtiment diplomatique de surcroît. L’aytollah Ali Khamenei a ainsi averti ce mardi que “le régime pervers sioniste sera puni par nos braves hommes”. Les Iraniens pourraient choisir de cibler des intérêts israéliens à l’étranger, comme des ambassades – l’Iran n’avait pas hésité en 1992 à s’en prendre à l’ambassade israélienne à Buenos Aires. Les Iraniens ont aussi la capacité de mener des assassinats ciblés à l’étranger, mais visent habituellement plutôt leurs opposants. L'”arme” iranienne la plus simple à activer reste le Hezbollah. Les échanges de feu sont quasi quotidiens à la frontière avec le Liban et Israël a dû évacuer 80 000 de ses ressortissants en novembre dernier. L’ampleur de l’attaque du 1er avril va-t-elle galvaniser les Iraniens et les pousser à monter la menace d’un cran ? L’arbitre sera sans doute Washington, et la crainte de représailles qu’inspirent les Américains aux dirigeants de Téhéran. Le rôle de la Russie interroge également. Difficile d’imaginer qu’Israël puisse mener toutes ces attaques sans l’aval tacite de Vladimir Poutine, pourtant allié stratégique de Damas et Téhéran, mais qui a aussi à coeur de ne pas liquider trente ans de rapprochement israélo-russe, dans une période plus volatile que jamais. Alors que les espoirs de trêve à Gaza n’avancent pas, la guerre de “l’ombre” qui dure depuis des années entre Tel Aviv et Téhéran, prend elle de plus en plus le devant de la scène.

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