Israël – Iran, la riposte ? Trois scénarios décryptés par des experts

Israël – Iran, la riposte ? Trois scénarios décryptés par des experts

Joe Biden était visiblement bien informé. Dès le 10 avril, le président des Etats-Unis partageait ses préoccupations : l’Iran “menace de lancer une attaque importante contre Israël”. Craintes confirmées trois jours plus tard, quand Téhéran envoie plus de 300 drones et missiles sur l’Etat hébreu – une première depuis la Révolution iranienne de 1979. La communauté internationale craint une escalade qui conduirait à une régionalisation du conflit israélo-palestinien.

La Maison-Blanche martèle vouloir éviter toute “guerre étendue avec l’Iran”. Et se cambre sur une position : ne pas apporter de soutien militaire ou financier à Tel-Aviv en cas d’escalade. Forme de dissuasion. Mais dans les rangs du gouvernement israélien, la question divise. Comment répliquer ? Benny Gantz, membre du cabinet de guerre et rival principal du Premier ministre Benyamin Netanyahou, assure qu’Israël “imposera un prix à l’Iran de la manière et au moment qui nous conviendront”. Ce lundi 15 avril, en visitant la base de Nevatim, dans le sud du pays, le chef d’Etat major n’en a pas dit tellement plus en promettant une “riposte”. Sans toutefois en préciser les contours. A ce stade du conflit au Proche-Orient, plusieurs pistent se dessinent.

Scénario n°1 : une attaque indirecte contre les “proxys”

La première : celle d’une riposte indirecte. Israël attaquerait Téhéran en frappant les relais iraniens présents dans la région, ses “proxys”, tels que le Hezbollah libanais, les milices chiites irakiennes ou encore les rebelles yéménites houthistes. Une stratégie qui court depuis des décennies et dans laquelle Israël excelle, note le général Dominique Trinquant. Mais “s’en prendre à ces entités ne répondrait pas à une offensive inédite d’un Etat contre un autre Etat”, relativise François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).

Scénario n°2 : une attaque directe

Une attaque directe contre l’Iran n’est donc pas à exclure. Au contraire : “la riposte n’aurait de sens que si elle avait lieu sur le territoire iranien ou contre des intérêts directs de l’Iran”, estime François Heisbourg. Reste qu’en l’absence de soutien allié, Israël est contrainte de modérer son attaque. “En ciblant le plateau désertique du Golan [NDLR : l’attaque sur une caserne israélienne a eu lieu au même moment que celle de l’Iran], le Hezbollah a été extrêmement prudent dans son offensive. Une escalade sera donc difficile à justifier”, explique le général Trinquant. D’autant que l’arsenal défensif israélien, appuyé par les soutiens internationaux, a permis d’intercepter 99 % des missiles iraniens. Tsahal pourrait dès lors décider de viser les bases à l’origine de l’attaque. “L’avantage est que l’on cible des sites militaires, et non la population civile, ce qui maintient le conflit à un degré militaire et très chirurgical”, fait valoir le général Nicolas Richoux.

Autre piste étudiée par l’Etat hébreu : des attaques sur les installations nucléaires iraniennes – des sites stratégiques pour un pays qui veut compter parmi les détenteurs de l’arme nucléaire. “Les Israéliens les ont déjà frappés par le passé via des cyberattaques et des opérations de sabotage”, rappelle François Heisbourg. Mais sans l’aide des Etats-Unis, l’opération risquerait de se conclure par un échec. Premièrement : les Israéliens ne disposent pas des moyens nécessaires pour de telles opérations, assurent nos trois experts. Deuxièmement : les sites nucléaires iraniens sont très bien protégés. Raison pour laquelle les Israéliens ont tout intérêt à revenir à des affrontements indirects. Mais Benyamin Netanyahou semble baigner dans une autre logique, celle que Dominique Trinquant appelle “la guerre à outrance”.

Après l’échec du 7 octobre et celui de l’offensive à Gaza, le chef du gouvernement israélien est en quête de victoire. “Le Hamas n’est pas détruit, les otages ne sont pas libérés, Netanyahou a plus que jamais besoin de montrer qu’il reste l’homme fort de la coalition gouvernementale”, décrit le général Richoux. Le poids de l’émotion ne doit pas être sous-estimé. “Ce type de décision est souvent pris en dehors du champ rationnel”, précise-t-il, ajoutant que “si Poutine avait été rationnel en février 2022, il n’aurait jamais attaqué l’Ukraine, car il était évident qu’il avait beaucoup à perdre”. Il n’est donc pas impossible que Benyamin Netanyahou ordonne une action qui conduirait les Iraniens à répliquer afin de contraindre les Occidentaux à s’aligner sur la position d’Israël. D’autant que, depuis l’offensive iranienne, “plus personne ne parle de ce qu’il se passe à Gaza”, note Dominique Trinquant.

Scénario n°3 : une offensive différée dans le temps

La troisième hypothèse, celle d’une offensive différée dans le temps, présente deux avantages : mobiliser des soutiens et encore mieux identifier certaines cibles. “La frappe contre le consulat iranien à Damas début avril a certainement été un travail de longue haleine”, souligne le général Trinquant.

Dans chaque scénario, cependant, deux éléments semblent prédominer : la temporalité et l’intensité. Tel-Aviv n’est pas en mesure d’attendre plusieurs semaines avant de réagir, car la riposte risquerait d’apparaître comme décorrélée de l’attaque iranienne. Mais au regard de la position de ses alliés, il est également possible que Benyamin Netanyahou soit contraint d’abandonner l’idée d’une frappe massive sur le régime des mollahs.

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