Janvier 2026 : un dangereux cocktail météo frappe sauvagement le nord de la France

Janvier 2026 : un dangereux cocktail météo frappe sauvagement le nord de la France

Entre une région touchée par des inondations et une autre frappée d’une sécheresse historique, il n’y a que mille kilomètres. Paradoxal et saisissant effet d’un climat toujours plus bouleversé, et de tensions grandissantes sur les ressources en eau du pays. Chaque été, désormais, impose son débat sur ses usages et sur son accès, alors que les pluies parfois torrentielles de l’hiver ravagent certains territoires. Comment adapter la France à cette nouvelle réalité ? L’Express a souhaité apporter sa pierre à l’édifice d’un débat plus nécessaire que jamais. Ces six “scénarios noirs” de l’eau à l’horizon 2030 en sont la traduction. Ils ne sont ni des prévisions, ni des prédictions. Mais des hypothèses sur lesquelles travaillent déjà plus ou moins directement les pouvoirs publics et industriels, et dont les trames ont été affinées et enrichies par la quarantaine d’experts interrogés : chercheurs, météorologues, hauts fonctionnaires, ingénieurs, assureurs… Tous sont unanimes : la résilience du pays face à ces événements se construit dès maintenant.

Tout a commencé par des semaines de pluie. Des rideaux gris qui ont fermé l’horizon sur ce paysage de bocages et de canaux de l’arrière-pays dunkerquois. Trois mois de précipitations presque sans interruption. Les habitants de Saint-Omer n’avaient pas connu cela depuis l’hiver 2023. Nous sommes à la mi-janvier 2026, et le sentiment de déjà-vu est palpable : Météo France annonce que le Pas-de-Calais est passé en vigilance rouge pluie-inondations en raison du risque de crue majeure. Depuis le début de l’hiver, le département n’est pas descendu en dessous du seuil orange. Les perturbations se sont succédé dans la Manche, portées par une série de dépressions. Sur les trois dernières semaines, le cumul de pluie à l’échelle du département dépasse le niveau record de 250 mm.

Dans cette région de polders située en dessous de la mer, un réseau de vannes, de pompes et de canaux appelé “wateringues” a été conçu dans les années 1970 pour répondre au problème des crues. A marée haute, les vannes sont fermées, et ouvertes à marée basse pour permettre l’évacuation de l’eau par phénomène gravitaire. Cette fois, les moyens mis en œuvre ne suffisent plus. Les débits des cours d’eau explosent. L’Aa, le fleuve côtier du Nord, qui traverse Saint-Omer et Gravelines, connaît des niveaux jamais observés : alors qu’en 2023 les volumes atteignaient 90 mètres cubes par seconde, ils ont dépassé cette année les relevés historiques. Dans la région des wateringues, les sols gorgés d’eau ne peuvent plus absorber les précipitations.

Les nappes phréatiques affleurantes débordent. “En période de crue, l’évacuation dépend pour 50 % du pompage”, rappelle Bertrand Ringot, maire de Gravelines et président de l’Institution intercommunale des wateringues. Les pompes fonctionnent à plein régime, mais les volumes d’eau sont exceptionnels. Les villages de Saint-Momelin, de Serques ou d’Hesdigneul-lès-Boulogne ont les pieds dans l’eau. Près d’un millier de pompiers, venus de toute la France, sont mobilisés. Plus de 400 communes sont reconnues en état de catastrophe naturelle, et la facture des assureurs explose, frôlant le milliard d’euros… Le changement climatique est aussi à l’origine de spécificités locales. “Les projections du Giec montrent que l’on peut s’attendre à des cumuls de précipitations hivernales plus importants sur le nord de la France dans les années qui viennent”, explique Matthieu Sorel, climatologue à Météo France.

Vents violents et d’une forte marée

Durant la deuxième semaine du mois de février, le vent s’est ajouté aux inondations, qui commençaient à peine à refluer. Météo France a placé le département du Nord en vigilance orange pour vents violents, mais rapidement les prévisionnistes ont constaté que la dépression anticipée s’était renforcée. L’inquiétude est majeure : comme en 2013 lors de la tempête Xaver, le scénario tant redouté d’une concomitance de vents violents et d’une forte marée se produit.

Après avoir touché la Belgique et les Pays-Bas, des rafales atteignant 180 kilomètres-heure balaient le Nord. Avec un coefficient de marée de près de 100, un phénomène de surcote – une hausse du niveau de la mer engendré par la houle et le vent – frappe le territoire. “Par chance, à Boulogne-sur-Mer ou à Dunkerque, le maximum de la surcote se produit toujours quelques heures avant la marée haute, ce qui nous protège un peu”, constate Arnaud Héquette, chercheur au laboratoire d’océanologie et de géosciences de l’université du littoral Côte d’Opale. A Dunkerque et Gravelines, les digues érigées depuis des dizaines d’années sont mises à rude épreuve. Par moments, des “paquets de mer” déferlent au-dessus. Mais les travaux de confortement ont permis d’écarter le danger d’une brèche dans les ouvrages, comme en 1953 à Dunkerque. “Les digues actuelles ont été consolidées pour résister à un niveau centennal, plus une surélévation”, rassure Olivier Caillaud, le chef du service défense contre la mer au pôle métropolitain de la Côte d’Opale. Dunkerque l’a échappé belle. Les spécialistes en retiennent une leçon : les projections du risque à 2100 devront, elles aussi, être rehaussées.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *