L’UNRWA, une agence dans la tourmente : “Il est inévitable qu’elle soit infiltrée par le Hamas”

L’UNRWA, une agence dans la tourmente : “Il est inévitable qu’elle soit infiltrée par le Hamas”

Depuis le 26 janvier, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens se trouve au cœur de la tourmente et de tous les soupçons. Ce jour-là, l’UNRWA, accaparée par la catastrophe humanitaire dans la bande de Gaza, a pris les devants en indiquant que 12 de ses employés ont été accusés par Israël d’avoir “participé activement” à l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023. Des révélations extrêmement graves. Résolu à récuser toute connivence avec le groupe terroriste, l’ONU a licencié neuf employés qu’elle a pu identifier – au moins un des trois autres a été déclaré mort – et lancé une enquête indépendante chargée de faire la lumière sur ces faits, confiée à l’ex-ministre des Affaires étrangères française, Catherine Colonna.

Le scandale a eu des conséquences immédiates : une quinzaine de gouvernements ont annoncé la suspension de leurs financements, dont ses deux plus importants bailleurs, les Etats-Unis et l’Allemagne. Deux mois et demi après l’émoi suscité par les accusations israéliennes, l’UNRWA tente, tant bien que mal, de sortir de cette crise, dans un contexte d’urgence, face à un risque de famine. La promesse d’une surveillance étroite de l’agence et de ses activités a convaincu certains donateurs de reprendre leurs versements, comme la Finlande, la France et le Japon.

Si le rapport que doit rendre Catherine Colonna le 20 avril se révèle accablant, l’UNRWA pourrait voir son avenir compromis. Car l’agence, qui gère depuis soixante-quinze ans des programmes humanitaires, de santé et d’éducation à Gaza – mais également en Cisjordanie, en Jordanie, en Syrie et au Liban – au profit des Palestiniens déplacés en 1948, n’en est pas à son premier scandale retentissant.

Un maillage logistique indispensable à Gaza

En 2017, le directeur de l’une de ses écoles a été remercié après son élection au bureau politique du Hamas. L’UNRWA a également reconnu que des armes de l’organisation palestinienne avaient été stockées dans ses établissements. A la fin des années 2000, l’ancien responsable juridique de l’agence onusienne, James G. Lindsay, dénonçait déjà un manque de contrôle du profil des employés (13 000 à Gaza sur les 30 000, majoritairement locaux, de l’agence), mais aussi des manuels scolaires contenant des messages anti-israéliens. “Quelqu’un peut-il être surpris que des membres du Hamas soient des employés de l’UNRWA et, pour certains, des terroristes actifs ?”, s’interroge-t-il.

L’UNRWA assure faire son possible pour éviter de se retrouver phagocyté et appliquer une tolérance zéro, alors même que le mouvement islamiste exerce un contrôle autoritaire sur l’enclave. Mais la population locale, qui représente l’immense majorité des employés, est souvent connectée au Hamas, sur les plans civils ou militaires. “L’UNRWA n’est pas une agence de renseignement et ne peut s’assurer qu’aucun de ses employés ne fait partie du Hamas, estime Alexandre Chatillon, fondateur de l’ONG Supernovae, financée par la France pour favoriser l’intégration économique des femmes à Gaza. Il est inévitable qu’elle soit infiltrée par les gens du Hamas, avec lesquelles il était impossible de ne pas avoir de liens.” Paris souhaiterait notamment des mesures fortes pour mieux filtrer les personnes recrutées.

De retour d’un voyage à Gaza, début mars, l’humanitaire assure cependant que l’UNRWA est plus indispensable que jamais : “C’est grâce à son maillage logistique et son intégration dans les communautés locales que des centaines de milliers de Gazaouis, actuellement, ne meurent pas.”

Le gouvernement israélien essaye de se passer d’elle dans la partie nord de Gaza, où se trouvent encore 300 000 habitants – mais les rares convois autorisés, non sécurisés, subissent bousculades et tirs meurtriers. “Se débarrasser de l’UNRWA sert aussi son objectif d’utiliser la distribution de l’aide pour se créer une’clientèle’sur laquelle s’appuyer après la guerre, mais cette stratégie ne fonctionnera pas, estime Laure Foucher, chercheuse à la Fondation pour la recherche stratégique. Démanteler l’UNRWA reviendrait à défaire ce pour quoi elle a été créée, à savoir la question des réfugiés palestiniens et du droit au retour.”

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *